Israël

Financer nos rentes par un génocide?

L’Association suisse des avocat·es pour la Palestine a interpellé les caisses de pension cantonales et fédérales, par le biais de la Loi sur la transparence, pour exiger d’avoir accès au détail de leurs investissements. Les réponses recueillies à ce jour révèlent un soutien financier continu aux activités de l’État d’Israël et à sa politique coloniale.

Une manifestante tient une pancarte qui dénonce les liens économiques de la Suisse avec Israël
Manifestation pour la Palestine et contre le génocide à Gaza, Lausanne, 6 septembre 2025

Les investissements des caisses de pension suisses révèlent un schéma récurrent. Le soutien à l’État d’Israël se matérialise soit par l’achat d’obligations étatiques, soit par des investissements dans des sociétés actives dans les violations du droit international.

La caisse fédérale des pensions PUBLICA a investi plus de 13,5 millions dans la banque israélienne Hapoalim. Celle-ci figure sur la liste noire des Nations unies des entreprises les plus complices de la colonisation, ce qui lui a valu d’être récemment exclue des investissements du fonds souverain norvégien, tout comme la banque Leumi. Les caisses publiques des cantons de Bâle et de Zurich figurent également parmi les investisseurs de ces deux banques. 

La Caisse de pension de l’État de Genève comptabilise plus de deux millions de francs d’obligations souveraines de l’État d’Israël, tout comme celle de Neuchâtel bien que pour une valeur moindre (390000 de francs). Le Courrier rapporte également que les Retraites Populaires, institution qui gère les fonds de la Caisse de pension de l’État de Vaud et de la Caisse intercommunale de pensions, a investi 13,3 millions dans des entreprises privées liées à Israël et 600000 francs dans des obligations d’État israéliennes. 

Par ailleurs, nous avons également découvert que la Suva, plus grande assurance-accidents de Suisse, détient à ce jour plus de 15 millions en obligations d’État israéliennes et plus de 9,5 millions en obligation des banques Hapoalim et Leumi susmentionnées. 

Une compromission ancienne 

Au motif de faire fructifier les rentes, des caisses de pension investissent l’argent des travailleur·ses de Suisse auprès d’organismes coupables de crimes de guerre en Palestine. Pourtant, en tant qu’institutions de droit public, la Suva et les caisses de pension des collectivités sont tenues de respecter les obligations internationales de la Suisse, y compris les traités relatifs aux droits humains et au droit international humanitaire qu’elle a ratifiés. 

Cette situation expose une incohérence flagrante. La Suisse, signataire du Statut de Rome qui a institué la Cour pénale internationale, voit ainsi ses institutions publiques financer un gouvernement dont le chef pourrait être arrêté sur sol suisse en vertu d’un mandat d’arrêt émis par cette même cour

Mais la conjonction de condamnations morales et d’un refus de sanctions économiques est une pratique bien connue de la Suisse. Tout comme elle avait permis au régime d’apartheid de l’Afrique du Sud de se maintenir à flot au plus fort du boycott international à son encontre, ses investissements et ses partenariats avec Israël se poursuivent, au complet mépris des appels des organisations de droits humains et de l’ONU à prendre des sanctions. 

Le rôle des syndicats

Par leur participation au sein des instances décisionnelles de certaines caisses de pension, les syndicats possèdent un levier déterminant pour y faire respecter ces principes. En juillet, sous la pression d’une mobilisation syndicale coordonnée, la caisse de prévoyance de l’État de Genève a accepté d’abandonner l’entier de ses obligations d’État israéliennes. Une première victoire qui devrait en entrainer d’autres: des projets de résolutions similaires sont en cours d’adoption dans d’autres unions syndicales, notamment dans les cantons de Vaud et de Fribourg. 

L’Association suisse des avocat·es pour la Palestine (ASAP) se réjouit de ces engagements syndicaux, qui sont représentatifs de l’opinion publique et en particulier de celle des travailleur·ses cotisant·es de ces caisses, qui refusent de se rendre indirectement complices des atrocités commises à Gaza au nom de la rentabilité. Ces pressions s’inscrivent dans une solidarité internationale populaire grandissante, face à la passivité des élites politiques, dont les travailleur·ses, avec les étudiant·es, sont les fers de lance – des dockers de Gênes aux grévistes des aéroports, en passant par les raffineurs du Brésil. 

Elisa Turtschi pour l’ASAP

La Campagne UBS Divest

Les montants dont nous parlons dans l’article ci-dessus ne sont que la pointe émergée de l’iceberg, réalisé par des institutions que le droit oblige à une certaine transparence. Le plus gros des investissements provient d’entreprises privées qui n’y sont pas tenues. Si on ne connait pas précisément la masse totale d’argent privé suisse investi en Israël, on sait que celle-ci est conséquente et en constante augmentation. 

Selon les calculs de l’ONG internationale EKÔ, l’UBS a augmenté ses investissements dans l’entreprise d’armement israélienne Elbit Systems de 875% (!) durant le premier trimestre 2024, soit en pleine offensive génocidaire à Gaza.  Alors que la première banque mondiale (JP Morgan Chase) a réduit sa participation de 70%.

Face à cela, une coalition d’organisation a monté la campagne UBS divest ↗︎, qui appelle les client·es de la banque à fermer leurs comptes et/ou à écrire pour demander le désinvestissement d’Elbit Systems. La campagne sera officiellement lancée dans le cadre d’un contre-sommet organisé à Genève le 27 septembre.