Chico Mendes, douze ans après

Chico Mendes, douze ans après


Il y a 12 ans, Chico Mendes, syndicaliste et défenseur de l’Amazonie, était assassiné.


par José Santamarta*


Le 22 décembre 1988, Chico Mendes, connu internationalement pour ses luttes en défense de l’Amazonie et des peuples indigènes, était assassiné à Xapuri, petite ville de l’Amazonie brésilienne. Les meurtriers sont connus: Darly Alves de Silva, puissant propriétaire terrien, et l’un de ses fils, Darcy Alves Pereira. Ils ont été jugés et condamnés, en décembre 1990, à 19 ans de prison.


L’assassinat de Mendes aurait pu rester impuni – s’il n’avait pas eu de répercussion au Brésil et dans beaucoup d’autres pays – comme l’a été le millier d’autres crimes envers des dirigeants syndicaux, militants de gauche, et autres défenseurs indigènes. Crimes, pour la plupart attribués à l’Union Démocratique Rurale (UDR), organisation de latifundistes. Treize jours avant son assassinat, dans une interview au Jornal do Brasil, Chico affirmait être menacé de mort. Pour beaucoup, c’est Joao Branco, président de l’UDR, qui a été le véritable instigateur de l’assassinat de Mendes, d’autres crimes contre des leaders syndicaux d’Acre, de même que le dirigeant des escadrons de la mort, destinés à supprimer toute opposition. L’UDR d’Acre, selon Chico, était «le cœur même des escadrons de la mort, responsable de nombreux assassinats».


Entre 1976 et 1988, Chico et d’autres leaders, avaient organisé 45 «empates» (actions non-violentes, afin d’obtenir une autorisation d’exploitation pour les collecteurs de caoutchouc), tentant ainsi d’empêcher la déforestation de 1,2 million d’hectares de forêt. Ces actions avaient été combattues par l’UDR.


Mendes, était au départ, un seringueiro (collecteur de caoutchouc). Il avait commencé à travailler à l’âge de 9 ans et appris à lire à l’âge de 24 ans. Lutteur né, il avait développé rapidement un sens aigu de la défense des seringueiros. De seringueiro, il devint syndicaliste, de syndicaliste, il devint écologiste. Son assassinat devait attirer l’attention internationale sur la destruction de l’Amazonie et sur les violations des droits de l’homme, permettant ainsi la création des réservas extrativistas (utilisation des ressources de la forêt de façon durable par la communauté). Sa mort provoqua aussi une démobilisation des mouvements de luttes, une poursuite des déforestations et le non-respect continu des droits de l’homme.


En 1978, 152 000 km2 de forêt amazonienne ont été rasés ; en 1988, ce chiffre atteint les 377 000 km2, et en 1999 572’000 km2. L’insertion croissante du Brésil dans l’économie mondiale est de mauvais augure pour la conservation de l’Amazonie, où travaillent plus d’une vingtaine de multinationales du bois et des milliers de bû-cherons, sans que le gouvernement n’intervienne, sauf des déclarations symboliques à l’intention de l’opinion publique internationale.


Au lieu d’une réforme agraire dans les zones fertiles, le gouvernement préfère envoyer les populations sur des sols fragilisés et non adaptés à l’agriculture, les incendies – provoqués par les grands propriétaires terriens – aggravant la déforestation que subit l’Amazonie depuis quelques années.


Douze ans après la mort de Chico, ses propositions afin de ralentir la déforestation, défendre les droits de l’homme, réaliser la réforme agraire, faire bon usage de la biodiversité et améliorer la qualité de vie de plus de 15 millions de personnes habitant l’Amazonie, sont plus que jamais d’actualité.


*paru dans Worldwatch (traduction Carmen Perez)