Ramseyer sur la sellette


Ramseyer sur la sellette


Il ne se passe guère de jour sans nouvelles révélations venant enrichir le dossier de l’Office des poursuites et faillites. Le caractère et le langage «casque à boulons» du Conseiller d’Etat Ramseyer accélèrent sa déroute. Les ingrédients sont là pour que ce cocktail détonnant lui explose au visage.

Rémy Pagani

L’épisode le plus récent de cette affaire commence au début de l’année avec l’annonce d’une conférence de presse du Syndicat des Services Publics(SSP/Vpod). Information à la presse que Monsieur Ramseyer s’empresse de tenter de court-circuiter trois jours auparavant. Il admet qu’effectivement du mobbing existe dans ce service, mais affirme que des mesures ont été prises. «Un licenciement a déjà été prononcé» dira-t-il.


Se prendre les pieds
dans le tapis


Au terme de la même semaine, pressé par un journaliste de s’expliquer sur l’absence de mesures, il dira qu’on l’a mal compris. Puis il s’en prendra vertement au soussigné en l’accusant de tous les maux de la terre. Il profitera de l’occasion pour dire combien à ses yeux: «Toute cette affaire des Offices des poursuites et faillites est un gag». «On cherche à s’en prendre à des cadres que je connais par cœur, l’un fait partie du Parti Libéral et est adjoint au Conseil administratif d’une commune et l’autre est président de l’association des cadres de l’Etat de Genève», prétendra-t-il encore, la bouche en cœur, sur le plateau de TV de Léman Bleu.


Il finira cette première manche sur les genoux, lorsque la Tribune de Genève évoquera des détournements de fonds qui auraient bien eu lieu à l’Office des poursuites et faillites de Carouge. Traficotages que laissait entrevoir le mobbing généralisé que le Syndicat des Services Publics avait commencé par dénoncer dans sa fameuse conférence de presse…


Le SSP dénonce
un mobbing généralisé


Alerté par nombre d’employés, le syndicat des services publics a en effet dénoncé le mobbing généralisé contre toutes celles et ceux qui ne se plient pas au système. Par exemple, sur douze personnes membres du personnel du secteur faillite à Carouge, sixont dû aller consulter, soit le médecin conseil de l’Etat, soit le service de médiateurs, pour des ennuis de santé en relation directe avec leurs conditions de travail. Plusieurs anciens membres du personnel ont été forcés de prendre une retraite anticipée, toujours dans le secteur faillite de Carouge, ou de donner leur démission ou encore de changer de département. Lors de cette conférence de presse il a été fait état de leurs déclarations: «Tout le mo nde fait ce qu’il veut», «dialogue impossible», «ambiance exécrable», «on nous joue les uns contre les autres», «certains d’entre nous sont mis à l’isolement pour les faire déguerpir», «c’est la mafia».


Et le rapport de la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil qui vient d’être rendu public vient confirmer le tableau calamiteux de ces lamentables procédés. Il est même question de trafic d’influence en ce qui concerne l’octroi d’un marché à une agence de placement.


Tolérance zéro, vraiment?


Au-delà de cette grave affaire, il est frappant de relever que ce Conseiller d’Etat, qui conçoit la police genevoise comme la garde prétorienne des multinationales, qui envoie ses chars (trois blindés plus un camion-pompe) à Davos, malgré un vote contraire du parlement et se réfère avec complaisance dans ses discours au volet répressif de l’idéologie néolibérale à l’enseigne de la «tolérance zéro», couvre ce genre de manipulations financières et ces pratiques de mobbing particulièrement inacceptables dans une administration publique.


En effet, durant quelques jours et par écrit, le président du Département de Justice et Police s’opposera au contrôle de l’Inspectorat cantonal des finances (ICF) en lui refusant l’accès à l’Office des poursuites et faillites de Carouge. Sans gêne, il confirmera publiquement cette opposition dans l’article paru le 30 janvier dans la Tribune de Genève. Pour qu’il cède, il faudra que la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil mandate formellement le directeur de l’inspectorat des finances (ICF), pour permettre l’accomplissement de ce travail dans de bonnes conditions. Parallèlement, le Conseil d’Etat devra même peser de tout son poids pour tenter de lui faire accepter l’idée de la mise sur pied d’un groupe d’experts qui devra être chargé d’auditionner tout le personnel. Monsieur Ramseyer tentera, encore une fois, comble de l’arrogance, de définir lui-même le mandat de ce groupe indispensable. La commission de contrôle de gestion ne l’entendra heureusement pas de cette oreille, elle décidera de renvoyer le Conseiller d’Etat à son département et de définir elle-même le mandat en désignant aussi les trois personnes qui procéderont à l’instruction.


Ainsi et à ce stade de notre connaissance du dossier, des interrogations sérieuses s’imposent à l’esprit. Le niveau des sommes détournées et les résistances de certains à laisser éclater la vérité pourraient accréditer la thèse, évoquée par d’autres, selon laquelle cette affaire ne se «limiterait» pas à de l’enrichissement personnel mais aurait pu servir à l’accumulation de réserves ou au renflouement de certaines opérations occultes d’une autre envergure encore.