2 x NON à la loi militaire


2 x NON à la loi militaire


Le 10 juin prochain, suite à deux référendums lancés par le GSsA et une partie de la gauche d’une part, et par l’ASIN et l’UDC d’autre part, le peuple sera appelé à se prononcer sur la révision de la loi militaire. Loin de se limiter à la simple autodéfense des soldats à l’étranger, cette révision participe de la nouvelle stratégie de politique de sécurité des autorités fédérales.

Par Sébastien L’haire

La révision de la loi militaire se compose de deux volets. L’un porte sur la coopération en matière d’instruction1. Il s’agit d’entériner et de donner une base légale à la coopération en matière d’instruction avec des armées étrangères. Des exercices et des échanges d’officiers ont déjà lieu dans le cadre du partenariat pour la paix (PpP) conclu avec l’OTAN. Le département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Conseil fédéral auront toute latitude pour conclure des accords en la matière. L’autre volet est trompeusement intitulé «armement». Il permet l’envoi de troupes suisses armées à l’étranger, que ce soit dans le cadre d’interventions de maintien mais aussi d’imposition de la paix. L’armement est réglé au cas par cas, par le Conseil fédéral, selon son bon plaisir. Les actions de combat sont exclues.


Le GSsA et un pool d’organisations pacifistes avaient posé trois conditions à remplir pour les missions militaires à l’étranger: l’armement devait être limité à l’autodéfense, seules les interventions de maintien de la paix devaient être possibles, uniquement sous mandat de l’OSCE ou de l’ONU. Seule la dernière condition, la moins importante, a été remplie.


Les interventions de maintien de la paix nécessitent l’accord des parties en conflit, ce qui n’est pas le cas pour les missions d’imposition de la paix. L’ONU a décrété des opérations de ce type, comme la Guerre du Golfe. Des avions suisses pourraient être envoyés en reconnaissance sur des théâtres de guerre. Rien ne garantit que les troupes suisses ne seront pas impliquées involontairement dans des combats.


Intégration dans l’Europe militaire


La nouvelle loi s’inscrit dans la politique fédérale de sécurité. L’armée n’est aujourd’hui plus crédible et plus grand monde ne croit à la stratégie du réduit. Les plus grandes menaces ne sont pas militaires, mais écologiques et économiques. La Suisse veut participer à la défense de la prospérité des pays riches de l’UE et de l’OTAN. L’Europe se barricade contre les afflux de réfugiés, en fermant ses frontières extérieures et en intervenant dans les conflits à ses portes pour éviter les migrations massives. En Suisse, l’armée cherche à se rendre indispensable pour l’aide en cas de catastrophe, pour la défense de l’ordre intérieur (protection des bâtiments diplomatiques, forum de Davos), pour l’organisation de manifestations majeures (Expo.02, fête des Vignerons…) et pour la surveillance des frontières. Face à cela, nous devons promouvoir une politique civile et active, axée sur la réduction des inégalités et de l’injustice, causes majeure de conflits.


La tendance amorcée par la majeure partie du PS se confirme. Il s’est rallié aux positions militaristes, à l’exception notable de sections romandes et des jeunesses socialistes. En ce point, le PS ne s’écarte guère de ses frères européens à la tête de nombreux gouvernements.


Les extrêmes se rejoignent?


La campagne n’est pas encore à son apogée, mais la presse ne manquera pas de souligner l’alliance contre nature entre ASIN et GSsA. Pourtant, le GSsA et ses alliés ont fait un effort considérable pour récolter plus de 60’000 signatures, autant que l’ASIN, nombre largement suffisant pour faire aboutir un référendum à lui seul. Pourtant, les arguments ne sont pas les mêmes. Pour la droite, la Suisse n’a pas à se mêler à des conflits qui ne la regardent pas. L’imagerie véhiculée dans leur campagne est celle de la mort. En outre, les interventions à l’étranger seraient anticonstitutionnelles, et la présence de militaires étrangers sur notre sol un risque.2 On voit que certains mythes du réduit ont la vie dure et que «l’armée de papa» a encore quelques partisans. Certains arguments pourraient même passer pour pacifistes: L’action civile conduit à la paix, les interventions armées à la violence. Cependant, l’UDC, il y a peu, proposait de réduire de 400 millions l’aide au développement.


Pour terminer, soulignons deux aspects très importants de cette campagne. Sur le plan international, elle tient un discours anticapitaliste qui promeut des solutions civiles aux conflits et une alternative non marchande. Sur le plan intérieur, au contraire de la démission de la gauche «responsable», elle ne laisse pas le terrain aux isolationnistes de tout poil, dont le discours sécuritaire et antisocial est de plus en plus inquiétant et gagne du terrain.



Voir le site gssa.ch pour davantage d’informations.


  1. Ce volet n’a été attaqué par référendum que par la droite extrême. Néanmoins, le GSsA et les forces qui ont soutenu le référendum dont solidaritéS ont décidé de combattre les deux volets de la loi, mais en se concentrant sur le principal enjeu.
  2. Voir le site www.loimilitaire-non.ch et le discours de l’Albisgüetli de Blocher (blocher.ch).