A l'appel des "LU", forte mobilisation des salarié-e-s contre les licentiements, interview
A lappel des «LU», forte mobilisation des salarié-e-s contre les licenciements
35 000 dans la rue le 9 juin à Paris, Un succès pour les travailleuses et les travailleurs, qui exigent linterdiction des licenciements !
A travers le 9 juin, on peut aussi mesurer les capacités dauto-organisation et de solidarité des salarié-e-s qui manifestaient à lappel de lintersyndicale LU-Ris-Orangis.
Ainsi, on a vu défiler les salarié-e-s de LU-Danone, de Marks & Spencer, de AOM, de Péchiney-Marignac, de Valéo de Cahors et tant dautres aux côtés des syndicats Sud-G10, FSU et CNT, des associations (comité chô-meurs CGT, Attac) et des partis et organisations politique (PCF, Lutte Ou-vrière, LCR). On a même pu apercevoir quelques Verts ainsi que des Socialistes (Julien Dray, Gérard Filoche, entre autres), qui serviront sûrement de caution «de gôche» pour le PS aux prochaines élections. Talonné et par endroit dépassé par lextrême-gauche aux dernières élections municipales, le PCF ne pouvait laisser le champ libre à celle-ci sur la question sociale et a donc assuré une présence massive, à 5 jours du vote au parlement du texte sur la modernisation sociale. La CGT, comme les autres confédérations syndicales, sest abstenue, laissant à penser que les rapports PCF/CGT ainsi que leurs prises de positions respectives obéissent à des stratégies qui échappent à la plupart des manifestant-e-s.
Les salarié-e-s, plus préoccupés par des licenciements «de confort», pour reprendre une expression que Michel Bon, PDG de France-Telecom avait accolé avec «chômeur», sont venus dire leur colère face à la logique financière et nont laissé personne leur voler la vedette. Tous ensemble, ils sont décidés à rendre les plans sociaux de plus en plus difficiles à tenir pour le patronat. On a noté aussi la forte présence de SUD et de la FSU qui, bien que peu ou pas (pour la FSU) implantés dans le secteur privé, ont mené le combat pour lunité syndicale un peu partout en France et ont fait un gros travail de mobilisation, notamment en Midi- Pyrénées, région très touchée par les plans de licenciements.
Aujourdhui, la question de la poursuite de la mobilisation se pose. En effet, pour les salarié-e-s menacé-e-s, il ne sagissait pas dun baroud dhonneur; ils ne peuvent en rester là, dautant que dautres plans se profilent à lhorizon, comme à Bata. La situation que nous connaissons actuellement met en relief le cynisme du patronat qui licencie, dans des entreprises en bonne santé, uniquement pour satisfaire lappétit des actionnaires. Cette manifestation ouvre des perspectives de luttes auto-organisées pour exiger la mise en place dune véritable modernisation sociale qui doit être autre chose que la coquille vide que les députés de la gauche plus rien, communistes et verts inclus, adopteront le 14 juin, mais un arbitrage citoyen fort de lEtat en faveur des travailleurs et des travailleuses.
Entretien avec les deux camarades de lIntersyndicale LU-Ris Orangis
A loccasion de la venue de Michel Husson (Attac France) à Uni Mail, Philippe et Francis de lIntersyndicale LU-Ris Orangis témoignent de la lutte des salariés menacés par les licenciements de compétitivité.
On parle toujours de l intersyndicale LU et en ces temps où les divisions syndicales sont des obstacles aux luttes menées par les travailleurs, quelle est votre histoire ?
Cest une lutte très dure, en avril 1995, pour une augmentation de salaires, qui a cimenté lunité entre les salariés. La bagarre a duré cinq semaines, avec un comité de grève; on a tous perdu de largent mais on na jamais rien regretté. On travaille en cinq équipes donc on avait peu de contact entre nous, et cette lutte a marqué le début de lintersyndicale.
Quels sont vos rapports avec vos fédérations respectives ?
Avec la Fédération CGT Agroali-mentaire, qui a appelé au 9 juin, les rapports sont bons. On a des contacts avec FO. Avec la CFDT, il y a une coupure. Dans la boîte, on est sur une ligne unitaire.Le jeu des étiquettes est assez mal vécu par une partie non négligeable. Malgré des divergences, dans la bagarre, on fait lunité. On était à Calais le 21 avril, à Londres avec les Marks & Spencer, qui était représentative des grandes confédés et pas spontanée comme le 9 juin, on était dans la rue le 22 mai à lappel de la CGT. Les manifestations sont des étapes dans la lutte, quelles que soient les appréciations quon porte dessus.
Comment avez- vous vécu cette mobilisation du 9 juin ?
On vient davoir une réunion intersyndicale le 12, la manifestation a été bien vécue .Avec les salariés devant (Valéo, Dim, Moulinex, AOM Air Liberté
) sous la banderole «tous ensemble contre les licenciements» et les politiques derrière, il ny a pas eu de disputes sur le carré de tête. Les sans-papiers, premières victimes de la précarité, étaient dans le cortège. Mais beaucoup de gens sont écoeurés par la présentation médiatique. France Inter a parlé dun échec de la mobilisation.
Quelles suites y aura-t-il au 9 ?
Les différentes organisations participantes ont été invitées à une réunion mercredi prochain, on en débattra alors car il y a des difficultés en perspective notamment par rapport au texte de loi adopté sur les licenciements. Nous avons de bons contacts avec SUD, la FSU et la CNT, la mobilisation durable restant à construire. On ne veut pas constituer des réseaux qui seraient en opposition avec les confédérations. Mais on doit tirer les leçons des différentes confrontations et en faire profiter les boîtes en lutte. Dans notre entreprise, on nest pas en grève totale mais en débrayages, parfois organisés, parfois spontanés, qui désorganisent la production, pour que ça leur coûte cher. Le boycott de la marque participe de cet objectif et ce mot dordre est représentatif de la volonté des salariés de la boîte.
Le texte sur la modernisation sociale vous semble satisfaisant ?
Non, il est très restrictif, il concerne les entreprises de plus de 100 salariés et ces grosses boîtes ne représentent que 15% des entreprises, les boîtes de sous-traitance restent sur le carreau. Sur le droit dopposition du comité dentreprise, il nest pas suspensif. Les plans sociaux seront retardés, cest tout. La loi ne répond pas aux licenciements de compétitivité.
Quattendent les salariés des pouvoirs publics ?
Dans létat de la mobilisation, on est sur la défensive. On demande une aide des pouvoirs publics parce quon a le dos au mur. Exiger la réquisition supposerait une réflexion sur le rôle de lEtat et nous nen sommes pas tous au même stade. Nous disons aux pouvoirs publics qui savent à loccasion simpliquer: «Les licenciements, ça suffit! Cest nous qui produisons les richesses!»