Initiative USS sur le temps de travail : La flexibilité ça suffit !

La «flexibilité» ça suffit !


Initiative USS sur le temps de travail:


Fin 2001, l’initiative fédérale de l’Union Syndicale Suisse prévoyant la semaine de 36 heures sur une base annualisée, devrait passer au vote.

Urs Diethelm*

Cinquante-six responsables syndicaux craignant que cette initiative soit utilisée comme aval syndical à une flexibilisation aggravée du temps de travail ont exigé son retrait. Le 4 juillet le comité de l’USS a décidé de la maintenir. Les hautes sphères des syndicats étaient euphoriques et chantaient les louanges des possibilités ouvertes par les modèles de temps de travail flexibles. Ils ont donc marié dans leur initiative l’urgente nécessité sociale d’une réduction du temps de travail à son annualisation. Ils vendaient leur initiative dans le dépliant de récoltes de signatures, notamment comme «L’introduction de l’année de travail à la place de la semaine de travail».


Travail selon son bon plaisir ?


En 1997, dans un document syndical interne, Dani Nordmann (alors encore secrétaire USS) proposait même comme intitulé «Initiative populaire pour la réduction et la flexibilisation du temps de travail». Mais en octobre 1996 déjà, l’USS constatait, suite à une enquête, qu’il n’y avait pas chez les salarié-e-s d’aspiration irrépressible aux modèles de temps de travail flexibles et cherchait si possible à «surmonter la préparation défaillante des employés face aux modèles de temps de travail flexibles» (Doc. USS No. 38). L’initiative s’est heurtée dès le départ au scepticisme, voire au rejet frontal, de nombreux syndicalistes. Que l’USS en soit aujourd’hui à vendre une initiative, présentée au départ comme devant promouvoir la flexibilité, comme un outil de «re-régu-lation» apparaît comme une sinistre plaisanterie.


Combattre la flexibilisation


La flexibilisation est vite devenue, à la fin des années 90, une amère réalité quotidienne pour les salarié-e-s, signifiant pour eux un travail toujours moins planifiable mais plus intense, plus d’heures supplémentaires, plus de travail le samedi, comme le politologue genevois Daniel Oechs le constate dans une étude de l’USS même. 1 Au sommet des syndicats, il ne paraît plus possible de d’occulter que la flexibilisation actuelle a conduit l’écrasante majorité des travailleurs/euses à une perte de contrôle sur une part de leur temps libre. C’est pourquoi des syndicalistes exigent aujour-d’hui une véritable re-régulation renforcée du temps de travail. Ça signifie qu’il faut se battre contre un temps de travail journalier rallongé et pour une limitation du travail à 5 jours par semaine. Si les horaires changent, les employé-e-s doivent en être informés assez longtemps à l’avance et disposer d’un droit de veto. Il faut une réglementation contraignante et des limites renforcées au temps de travail quotidien, afin que le travail salarié soit planifiable pour les employé-e-s et puisse s’accorder avec le reste de la vie sociale et familiale de ceux-ci.


Pas de nouveaux emplois


«Le partenariat social négocié signifie que la flexibilisation du temps de travail doit être liée à la réduction du temps de travail» écrivait l’USS dans sa pub. Les dirigeants syndicaux espéraient, comme Jospin ou Schröder, que leur initiative déboucherait sur un «pacte pour l’emploi» avec le capital. Dans ce sens, ils ne proposaient pas seulement un marché de maquignons – réduction du temps de travail contre flexibilisation – mais ont introduit dans leur texte des dispositions transitoires relevant du «réalisme politique», faisant que la semaine de 36 heures ne donnerait pratiquement pas d’emplois nouveaux. L’USS calcule elle même qu’une réduction de temps de travail d’environ 1.5% par an correspond à l’augmentation de la productivité de 1.5. à 2% (celle-ci étant évaluée de manière restrictive). L’USS reproduit donc les erreurs de la réduction du temps de travail en France qui n’a pratiquement conduit à la création d’au-cun emploi. Les expériences en Europe montrent qu’il faut négocier par avance la création de nouvelles places de travail, afin que les patrons ne puissent pas échapper à la création d’emplois par l’intensification et la rationalisation du travail.


Et les femmes ?


Les femmes ne sont pas seulement victimes principales de la flexibilisation patronale, la gigantesque expansion du travail à temps partiel (à 82% féminin) est venu renforcer la division traditionnelle des rôles. L’expérience de la réduction du temps de travail ailleurs montre que les hommes n’utilisent pas leur temps libre accru pour décharger les femmes en matière de soins ou de travail ménager. Une diminution radicale du temps de travail est certes une condition pour une modification de la répartition des rôles entre les sexes, mais c’est insuffisant.


Pour la majorité des femmes, une politique du temps (de travail) devrait se fonder sur la possibilité de planifier le travail salarié, sur une formation professionnelle supplémentaire, sur le renforcement des assurances sociales ou sur une socialisation de l’incalculable travail de soins, grâce au développement de crèches et de la prise en charge d’enfants dans les écoles par journées entières.


Pour les hommes, une nouvelle attitude face à leur rôle passe d’abord par une transformation de l’image de leur identité. Les conséquences négatives de l’initiative pour les femmes salariées, liées à la flexibilisation annuelle du temps de travail, ne sont pas compensées par les dispositions impraticables proposées en matière de non-discrimination envers le travail à temps partiel. De l’avis de ses critiques de gauche, l’initiative n’est pas seulement mauvaise. Elle va dans une fausse direction, a été lancée à des fins discutables et serait négative quant à ses effets. Une autre politique du temps de travail doit émaner des principaux concernés et pas des hautes sphères, fussent-elles syndicales.


* Syndicaliste et membre de SOAL/Solidarität Bâle



  1. V. Vorwärts No. 17/18