A propos de Peter Hess : Tartufferie au Grand Conseil


A propos de Peter Hess: Tartufferie au Grand Conseil


Peter Hess, conseiller national PDC et avocat d’affaires à Zoug, petit paradis fiscal helvétique, fait naturellement …des affaires et a siégé jusqu’à tout récemment dans nombre de conseils d’administration de société-écrans, boîte aux lettres, etc. Loin d’être une brebis galeuse, il est un excellent représentant de sa classe.

Pierre Vanek

Evasion fiscale, blanchiment d’argent, etc. font partie de l’ordinaire du secret des affaires dans le monde capitaliste. Les «conditions cadres» de ce type d’activité, notamment le secret bancaire et une législation particulièrement complaisante sont une spécialité helvétique.


Hess, l’arbre qui cache la forêt


Hess n’a rien de bien extraordinaire. A Genève, par exemple, on connaît bien un autre brasseur d’affaires, l’ex-député PDC Bénédict Fontanet, qui a été chef de groupe de sa fraction parlementaire, qui cumulait près d’une quarantaine de mandats d’administrateur de sociétés …et qui a récemment été invité à faire un tour du côté du Palais de Justice, comme inculpé dans le cadre d’affaires immobilières ayant mal tourné. Ce sont là les risques du métier, mais d’un «métier» qui a bien entendu ses compensations sonnantes et trébuchantes…


Dans le fond, Peter Hess est donc fort représentatif, de cette majorité de droite patronale qui fait la pluie et le beau temps aux Chambres fédérales, qui impulse le démontage des services publics et des prestations sociales, avec trop souvent l’appoint des élu-e-s du PSS. C’est sans aucun doute cette «légitimité» qui a poussé la majorité du Conseil national à l’élire à la présidence du parlement, avec les voix du PS, dans le cadre d’un ticket avec comme vice-présidente la socialiste genevoise Liliane Maury Pasquier.


Mais le diable est dans le détail, Monsieur Hess avait en effet «oublié» de déclarer ses fonctions dans certaines sociétés basées dans des lieux évocateurs: Panama, Iles Vierges, etc. Ceci en infraction à la loi. On peut douter qu’il soit seul dans ce cas. Rappelé à l’ordre et stigmatisé dans les médias, comme brasseur d’affaires douteuses, Hess a démissionné, le temps de sa présidence sans aucun doute, de tous ses conseils d’administration, pour se consacrer à son fauteuil présidentiel. Rappelons que c’est au titre d’occupant de celui-ci, qu’il a tranché dans le débat récent sur l’AVS1 pour que les montants consacrés à la retraite «à la carte» des assuré-e-s les plus modestes soient ramenés à 400 millions de francs, la moitié des miettes que proposait la Commission du national.


Protéger la politque de l’économie ?


Dans un communiqué à la mi-mai, le Parti socialiste suisse déclarait notamment:


«Le Parti socialiste suisse prend acte de la remise par Peter Hess, président du Conseil national de tous les mandats d’administrateur qu’il détient encore. Ce retrait manifeste le fait que l’opinion publique n’accepte plus la confusion d’intérêts entre l’économie et la politique. En se démettant de tous ses mandats, Peter Hess le reconnaît et tente somme toute aussi de préserver l’intérêt de ses clients. Pour le PS, le cas particulier de Peter Hess perd ainsi de son acuité…»2


Déclaration révélatrice. Le problème réel aujourd’hui n’est évidemment pas la «confusion d’intérêts entre la politique et l’économie», mais le fait que la politique dominante est au service des intérêts économiques des nantis et bien sûr la nature capitaliste de l’économie en question.


L’idée d’ériger des cloisons étanches entre l’économie et la politique qui éviteraient les «confusions d’intérêt» est absurde et mystificatrice. Ce qu’il faut c’est déchirer le voile idéologique derrière lequel se dissimulent les intérêts de classe et les froids calculs des bourgeois. Quant à nous, nous n’avons pas peur de le dire: nos élu-e-s défendent aussi des intérêts économiques, simplement ce sont ceux des salarié-e-s, femmes et hommes, et des couches populaires, particulièrement ceux des plus démunis.


Dans ce sens, le cas Hess a été utile. Il a mis à jour la pointe de l’iceberg du vrai visage de la majorité des Chambres. Ce qui nous importe ce n’est pas qu’on ait à l’avenir des élu-e-s bourgeois aux mains un peu moins sales que celles de Hess, c’est de parvenir à impulser une autre politique, hostile aux intérêts des possédants, et de réussir, subsidiairement, à la faire entendre également par la voix d’un groupe à la gauche du PSS au parlement fédéral.


Palinodies au Grand Conseil genevois


Le Grand conseil genevois a été saisi tout récemment par deux députés, l’un socialiste et l’autre vert,3 d’une proposition de résolution comportant deux invites concernant Peter Hess. L’une demandait au conseil national …de demander la démission de Hess de sa présidence, l’autre invitait Peter Hess lui-même à se «démettre de sa charge de Conseiller national».


Parmi les considérants à l’appui de cette résolution, on trouve beaucoup de beaux sentiments. Notamment: «L’éthique et la probité dont doit se prévaloir le premier citoyen de la Confédération», le fait que les activités financières de Hess seraient incompatibles «…avec la fonction de premier citoyen de ce pays» ainsi que «l’hypocrisie» de Hess qui s’est dessaisi de ses mandats et le fait que «le discrédit dont il fait l’objet porte atteinte à nos institutions, au monde politique en général et à l’image de notre pays.»


Nous ne pouvions être d’accord avec ce discours consensuel. Nous avons refusé de participer à une mascarade qui, elle, est bien teintée d’hypocrisie, espérons-le involontaire. L’«affaire» Hess montre au contraire le vrai visage de «nos institutions» et reflète bien, non l’image qu’il cherche à se donner, mais le vrai visage de «notre pays» sous le joug des capitalistes. Quant à la référence au «monde politique en général» qui serait éclaboussé, c’est une insulte pour les élu-e-s et les militant-e-s progressistes qui se battent, avec toutes les armes politiques à leur disposition, contre l’ordre dominant.


Double discours du PS


En outre, cette résolution participe du constant double discours du PS, érigé en système, une politique bien à droite, notamment à Berne et la recherche, à la marge, d’un supplément d’âme à gauche, par tous les moyens possibles.


Si la démission de Hess était un combat indispensable aux yeux des socialistes genevois. Pourquoi ne pas demander à leurs élu-e-s à Berne, dont la membre du PS genevois Liliane Maury Pasquier, qui siège au bureau du Conseil national avec Hess lui-même, d’intervenir dans ce sens, dans l’enceinte du parlement fédéral. Ils ne l’ont pas fait, pourquoi venir ensuite se draper de vertu au Grand Conseil genevois et venir donner des leçons d’«éthique et de probité», pour défendre une résolution dont chacun-e sait qu’à Berne, elle passera directement à la poubelle…


Lors de la séance du 29 juin du Grand Conseil, les député-e-s de solidaritéS, comme l’ensemble de la fraction ADG, se sont donc abstenus de soutenir cette motion. Notre camarade Bernard Clerc a expliqué, en séance, le motif de cette abstention qu’on retrouve ci-dessus. Les Verts, représentés dans ce débat par Fabienne Bugnon, se sont ralliés à l’argumentation de notre porte-parole et ont également eu la pudeur de s’abstenir, malgré la signature de leur collègue. Nous nous en félicitons.



  1. V. article à ce sujet de M. Ducommun dans solidaritéS No 127 du 18.05.01
  2. Communiqué de presse du PSS du 16.5.01
  3. Alberto Velasco (PS) et Antonio Hodgers (V)