Résurgences des années noires
Résurgences des années noires
A Gênes, tout a été sciemment organisé pour criminaliser, et décourager à lavenir, la moindre volonté de manifester contre les symboles du tout-libéral planétaire.
Résurgences: eaux dinfiltration, rivières souterraines qui ressortent à la surface (Le Petit Robert)
Les faits sanglants de Gênes, en juillet 2001, ont été particulièrement graves pour les libertés démocratiques en Europe. Le G8, le sommet des maîtres du monde, sest déroulé en dépit de toutes les protestations populaires. Mais il na bien entendu abouti à aucun résultat concret pour la solidarité envers les plus démunis. Ce qui na fait que confirmer limmense mépris des dominants à légard des besoins de lhumanité. En revanche, ce sommet de la honte a donné lieu à une explosion inouïe de la violence dÉtat qui a pris des proportions très inquiétantes, jusquà tuer un jeune manifestant. À Gênes, en effet, tout a été sciemment organisé pour criminaliser, et décourager à lavenir, la moindre volonté de manifester contre les symboles du tout-libéral planétaire. Le spectacle de la violence, en fin de compte, a surtout permis au G8 de détourner lattention et de ne pas trop donner à voir linanité de sa politique et de ses non-décisions. Et il a fait resurgir des images relevant du passé le plus sombre de lItalie.
Certes, cette politique dintimidation, délibérée, na pas manqué de déclencher, bien au-delà des frontières italiennes, la forte indignation qui simposait. Cependant, il nest pas sûr que cette indignation pourra résister à lépreuve du temps. En outre, entre la violence policière gênoise et larrogance du G8, le nouveau gouvernement italien dirigé par Silvio Berlusconi, qui comprend de troublants alliés, peut susciter bien des inquiétudes. Aussi vaut-il la peine de rappeler les faits et den tirer quelques réflexions pour lavenir.
Usages politico-médiatiques des « violents »
Une manifestation de plus de 200.000 personnes. Mais aussi, malheureusement, un mort, des centaines de blessés et plus de 500 arrestations. Cette réunion du G8 na finalement été quune succession de violences et de dérapages. Tout dabord, seule la protection des nantis a compté et lessentiel de la ville de Gênes a été laissé à labandon. Par ailleurs, la police sest surtout occupée des manifestants pacifiques en cherchant à criminaliser tout le mouvement contre la mondialisation ultralibérale. Des troupes policières chauffées à bloc, et apparemment triées sur le volet, sont ensuite intervenues en guise de représailles, dabord dans lÉcole Diaz où se trouvaient des manifestants et leurs organisations; ensuite dans la caserne Bolzaneto où dinacceptables débordements policiers ont été qualifiés de torture par de nombreux témoins; enfin dans toute la région gênoise, auprès de manifestants isolés qui rentraient chez eux.
Qui ont été les «violents» dans cette affaire? Il y a sans doute eu un certain nombre dindividus qui se sont prêtés, à lextérieur des manifestations contre le G8, à des violences injustifiées et dont les actes ont été plus quabondamment médiatisés. Et il est évidemment important que le mouvement contre le tout-planétaire libéral sen démarque clairement. Mais combien de policiers et de militants dextrême-droite sétaient-ils discrètement infiltrés parmi ces casseurs? Le saura-t-on jamais? Et pourquoi les a-t-on pareillement laissé faire pour mieux sen prendre ultérieurement aux manifestants?
La presse italienne et internationale, de son côté, a généralement bien fait son travail dénonçant des violences policières dont la nature impressionnante empêchait quelles puissent être ignorées. Mais elle a aussi trop souvent accompagné ses descriptions accusatrices dun discours insistant sur les «violents», terme qui désignait indistinctement les manifestants anti-G8. Or, dans ce domaine, les mots ne sont jamais innocents. Ainsi la criminalisation a-t-elle fonctionné à merveille. Les images de Black Boys ont été sciemment reproduites à linfini (sans quon sache vraiment de qui il sagissait). Ce qui était le meilleur moyen de parler le moins possible des réelles préoccupations des manifestants et des raisons qui ont poussé une foule de plus de 200.000 personnes à venir contester le sommet du G8.
Une violence avant tout policière
Les témoignages qui se sont accumulés sur lattitude des forces de lordre montrent bien, pourtant, que la violence de Gênes a dabord été policière. Et que probablement, elle naurait pas pu être aussi vigoureuse sans quune ferme recommandation des autorités leût préalablement encouragée. Coups de matraques acharnés sur des manifestants pacifiques qui navaient strictement rien à voir avec de quelconques casseurs ou pilleurs, et même sur des passants ou des journalistes, arrestations arbitraires, menaces de viols, coups et blessures, insultes et crachats, tabassages répétés, isolement sans possibilité de contact avec qui que ce soit, extorsions par la force de déclarations quil fallait signer sans quelles aient même été traduites, voire des cas de torture physique et psychologique dénoncés à plusieurs reprises: le bilan des violences policières sest révélé tout à fait accablant. En revanche, constitué de quelques couteaux de cuisine et de quelques outils divers, celui de la perquisition inqualifiable de lÉcole Diaz na guère été convaincant.
Sans parler de cette arrestation rocambolesque, après coup, dune troupe autrichienne de théâtre de rue, la VolxTheaterKaravane, dont le spectacle consistait notamment à parodier les manifestations antimondialisation. Ils ont été enfermés sur la base de la prétendue preuve de leurs soi-disant méfaits: les accessoires et les déguisements de leur spectacle; ils ont ainsi été détenus pendant plus de trois semaines avant dêtre finalement expulsés sans avoir fait lobjet de la moindre condamnation. Et même les représentants de lultraconservateur gouvernement autrichien, qui les avaient stigmatisés dans un premier temps, ont dû se résoudre à protester (cf. témoignage en page 11).
Un jeune manifestant a donc été assassiné par un non moins jeune carabinier. De Carlo Giuliani, tout a été dit dans la presse: punk, toxicomane, repris de justice, zonard, etc. Mais il nétait rien de tout cela. Il nétait quun jeune étudiant gênois, dorigine romaine, objecteur et sympatisant zapatiste, sans doute révolté par larrogance des autorités et lincroyable militarisation du G8. Et les circonstances exactes de cet homicide restent à éclaircir. Tout le monde a vu la fameuse image où, visé par larme du carabinier, le jeune homme brandit un extincteur. Mais pour faire quoi? La photographie suggère quil voudrait le lancer, mais elle ne suffit pas pour le démontrer. Peut-être voulait-il se protéger. Quant à lextincteur, doù venait-il? De la jeep? Et ces deux autres carabiniers qui ne sont pas intervenus? Et cet autre manifestant qui aurait été visé dans un premier temps?
Tout cela doit être éclairci1. Reste alors la manière dont les autorités italiennes ont couvert demblée le geste du carabinier: fallait-il en effet quelles fassent preuve dune telle précipitation pour désigner un cas de légitime défense et mettre hors de cause le jeune militaire? Sans parler des très fines déclarations du député Filippo Ascierto, dAlleanza nazionale, comme quoi un carabinier expérimenté aurait sûrement fait davantage de morts: elles sont non seulement honteuses, mais elles sont surtout révélatrices de létat desprit actuel de la droite italienne2.
Dignité des victimes et mauvaise foi des responsables
Sil y a quelquun qui a fait preuve dune immense dignité dans cette triste affaire, cest Giuliano Giuliani, le père de la victime. Lui-même syndicaliste chevronné, il a bien sûr réclamé toute la vérité sur ce qui sétait réellement passé. Il a déclaré condamner toute forme de violence, mais en ajoutant que si son fils avait participé à la manifestation et affronté la police, cétait sans doute parce quil avait dû ressentir une injustice. Il a surtout précisé que le jeune carabinier qui avait tiré était lui aussi, en quelque sorte, une victime. Un constat qui, évidemment, ne justifie rien. «Jai de lestime pour les forces de lordre – a-t-il encore précisé. Oui. Mais quel ordre pourra jamais défendre celui qui tire à bout portant sur celui qui na pas darme ou celui qui, comme je lai lu, sest réjoui quil y en ait «un de moins», ou a frappé sauvagement des personne sans défense. Y aura-t-il quelquun pour dire que ceux-là nont pas fait leur devoir? Y aura-t-il quelquun pour ne pas justifier tout cela afin que cela ne se répète plus?»3 Enfin, Giuliano Giuliani a également demandé que la mort de son fils ne soit pas instrumentalisée, ce que sa famille a encore dû répéter solennellement après la bombe qui a explosé le 9 août au Tribunal de Venise (un attentat parfaitement suspect et mystérieusement revendiqué en référence à Carlo Giuliani)4.
Dans les jours qui ont suivi, quelques responsables des différents corps de police (carabiniers, police politique, services pénitentiaires, etc.) se sont mutuellement rejeté la responsabilité des violences. Cest pas nous, cest eux: cette lâche formule a été répétée à maintes reprises dans les médias à propos des horreurs qui se sont produites à la caserne Bolzaneto. Il est vrai que le garde des sceaux, le leghiste Roberto Castelli, avait lui-même déclaré navoir rien constaté danormal dans ladite caserne où il se trouvait durant la nuit la plus chaude, entre minuit et deux heures du matin. Ce lamentable spectacle de la mauvaise foi et de la langue de bois aura toutefois été troublé par le témoignage dun policier, choqué par cette «suspension des droits, un vide de la Constitution», qui fit état des violences perpétrées en précisant que leurs auteurs étaient des policiers venus de Rome et dépendant des services pénitentiaires. En outre, il ajouta que ses collègues se sentaient parfaitement couverts, et que les policiers démocratiques avaient désormais «peur et honte»5. Précisons en outre que cette suspension constitutionnelle aura présenté plusieurs dimensions, de la citoyenneté européenne bafouée à la violation de la liberté de la presse.
Guy-Serge Baer na rien vu
Malheureusement, ladite langue de bois et le manque de sensibilité démocratique sont des attributs qui peuvent se retrouver dans bien dautres corps de police et dans bien dautres pays. Par exemple, le commandant genevois Guy-Serge Baer, qui se trouvait sur place, à Gênes, en qualité dobservateur, et qui a aussi été nommé tout récemment pour assurer la sécurité du Forum de Davos, en a fait une belle démonstration. En effet, dans une interview déplorable6, il a déclaré navoir rien vu des violences contre les détenus, ni des arrestations. Certes, il a bien constaté quil y avait eu des affrontements, mais sans avoir de jugement à porter. Et en tant quobservateur, a-t-il ajouté, il ne connaissait pas la loi italienne. Il na donc rien vu. Il na rien à juger. Cela dit, comment pouvait-il observer utilement des collègues dont le rôle fondamental consistait justement à faire respecter ladite loi? Ne serait-ce pas là, en quelque sorte, laveu troublant que cette loi naurait pas beaucoup dimportance aux yeux de certains fonctionnaires de police? Et que son éventuelle suspension ne saurait constituer pour eux une donnée digne dintérêt?
À propos de Gênes, Massimo DAlema, ex-président du Conseil et lun des principaux leaders des DS (ex-PCI), a dénoncé avec une certaine vigueur au parlement italien, des «représailles de type chilien» et même une «violence de nature fasciste». Durant toute la campagne électorale des mois précédents, il sétait pourtant fait remarquer au sein du centre-gauche parmi les plus virulents dénonciateurs dune soi-disant diabolisation contreproductive de Silvio Berlusconi. Certains ont dailleurs ajouté un peu plus tard que cette attitude modérée, voire peut-être complice, lui avait probablement été utile pour sa brillante réelection dans la circonscription difficile de Gallipoli, une ville méridionale qui vote régulièrement pour la droite7. Les paroles fortes de DAlema sont donc à prendre au sérieux, elles émanent dun homme politique qui, a priori, nest pas enclin à diaboliser ses adversaires. Aussi vaut-il la peine den débattre.
Qui a inspiré et couvert les brutalités policières?
Chacun sait bien que, malheureusement, les polices de tous les pays démocratiques peuvent parfois déraper et commettre des abus. Et la tension qui a précédé un sommet de Gênes, qui naurait jamais dû avoir lieu, pouvait sans doute favoriser de tels écarts. En outre, il faudrait connaître les consignes exactes qui avaient été transmises au jeune carabinier qui a tué Carlo Giuliani. Cela dit, le déchaînement de violences policières de lÉcole Diaz et de la caserne de Bolzaneto a pris des proportions inimaginables qui navaient vraiment plus rien daccidentel. Qui étaient donc ces individus, parfois même des soignants, qui se permirent de telles violences et firent preuve dune telle sauvagerie? Comment et par qui avaient-ils été sélectionnés? Que leur avait-t-on dit pour quun sentiment dimpunité suscitât une telle férocité? Et comment les forces de lordre dun pays démocratique peuvent-elles être à ce point infestées dune idéologie fasciste?
En effet, de nombreux témoignages de victimes ont relevé un fait particulièrement révélateur et insupportable: non contents de distribuer des coups et dinfliger des sévices, un certain nombre de fonctionnaires ont traité leurs victimes de «sales communistes» et les ont obligés à se plier au salut fasciste, à chanter des hymnes fascistes, etc. «Jarrive à la caserne en camionnette, avec une vingtaine de personnes arrêtées – a par exemple témoigné un manifestant. Jai les mains attachées avec des lacets noirs en plastique, très serrés. La bienvenue: ils nous lancent hors du bus et commencent les coups de matraque et les insultes. «Pourquoi nessayes-tu pas dappeler Bertinotti ou Manu Chao?» La colonne sonore de lhorreur est une chansonnette, les agents la connaissent par cur. Moi aussi, je lai apprise, malheureusement: «Un, deux, trois, vive Pinochet, quatre, cinq, six, à mort les Juifs, sept, huit, neuf, pas de pitié pour le négrillon»»8.
Ces faits, encore confirmés par plusieurs autres témoignages publiés dans la presse, sont particulièrement graves. Ils sont surtout très inquiétants. Ne devraient-ils pas être mis en relation avec la présence à Gênes, ces jours-là, auprès des forces de lordre, du néofasciste, officiellement reconverti à la démocratie, Gianfranco Fini. Un Gianfranco Fini, désormais vice-président du Conseil, qui sest vanté ouvertement davoir toujours été très proche des militaires et des policiers et qui a refusé de sexpliquer sur ce quil était vraiment venu faire à Gênes. Mais surtout, un Gianfranco Fini qui devait, comme par hasard, prendre la place du président du Conseil Berlusconi pour aller défendre au Parlement italien le ministre de lIntérieur, alors quil faisait face à une motion du centre-gauche exigeant sa démission.
Circulez; Il ny a rien à voir!
Un autre aspect de cette affaire a été particulièrement choquant, cest lattitude de Claudio Scajola, le ministre de lIntérieur en question. Fort de larrogance et de lappui de son chef Berlusconi et de son parti Forza Italia, il na même pas eu la dignité de démissionner. Cet ancien notable démocrate-chrétien avait connu la prison dans les années quatre-vingt, suite à une affaire de corruption concernant les casinos de la Ligurie frontalière (il était alors maire dImperia). Finalement acquitté, il devait se mettre par la suite au service de Berlusconi. Face au désastre de Gênes, il a dabord déclaré avec autant de fermeté que de précipitation que tout sétait passé le plus normalement du monde et que le carabinier qui avait tué Carlo Giuliani était en état de légitime défense.
Lampleur des protestations relatives à la perquisition de lÉcole Diaz et aux violences de la caserne de Bolzaneto la ensuite obligé à promettre solennellement que des sanctions seraient prises contre déventuels abus. Mais il est tout de même parvenu à limiter la portée de lenquête parlementaire. Et il a finalement remplacé quelques cadres haut placés des forces de lordre sans inquiéter le chef de la police Gianni Di Gennaro. Or, il se trouve que deux de ces fonctionnaires intermédiaires étaient danciens et assez brillants responsables de la lutte contre la mafia et le terrorisme, ce qui a fait dire à certains progressistes que leur mise à lécart nétait pas forcément une bonne nouvelle. Cela dit, il nen reste pas moins quils se sont montrés incapables de distinguer suffisamment des terroristes, des mafieux et les manifestants pacifiques et humanistes de Gênes.
Une histoire chargée
Cette police italienne apparemment infestée par lextrême-droite a de quoi choquer. Dailleurs, les événements de Gênes sont sans doute à mettre en relation avec la regrettable résurgence dun fascisme qui na jamais complètement disparu en Italie. Et les violences qui ont été dénoncées ne sont pas anodines du point de vue de lhistoire. Voici en effet comment Luciano Bolis, lun des chefs de la Résistance à Gênes, décrivit son arrivée, pendant lhiver 1945, dans une caserne des Brigades noires, après quil eût été arrêté: «Ce qui se passe à mon arrivée est indescriptible. On moblige à saluer la sentinelle à la manière fasciste et on me jette dans le corps de garde. Ma venue avait manifestement été annoncée car une vingtaine de jeunes voyous sont là à mattendre, les uns en uniforme, les autres en civil (ces derniers étaient de la brigade politique), qui maccueillent avec des signes de grossière satisfaction.
Lun deux, une véritable tête de délinquant, mâchoire proéminente et petits yeux injectés de sang, sapproche de moi et ricane: Cest toi le communiste, hein?Deux terribles gifles me font vaciller.»9
La suite, évidemment, relève dune autre époque et dun tout autre contexte. Et cest par un véritable miracle que Bolis a finalement survécu aux tortures qui lui ont été infligées par des sbires fascistes. LItalie daujour-dhui, en revanche, est une démocratie. Mais cest en son nom, malheureusement, que certains fonctionnaires de police se sont comportés dune manière inqualifiable qui nest pas sans rappeler lentrée en matière décrite par ce résistant. Des représentants de lÉtat qui frappent des manifestants en les traitant de communistes et leur font subir des humiliations rituelles sinspirant directement du fascisme: voilà qui constitue non seulement une atteinte à ladite démocratie, mais aussi une insulte à la mémoire gênoise et à lhistoire. Ce qui explique peut-être en partie la solidarité dont la population de la cité ligure a su faire preuve à légard des victimes des violences policières
Et aussi, au cours des années soixante
Cest dailleurs aussi à Gênes, dans cette ville profondément antifasciste, quallait avoir lieu, en 1960, une autre provocation, le congrès du Mouvement social italien, le parti néofasciste de Giorgio Almirante, père spirituel de Gianfranco Fini. Du 5 au 8 juillet, les protestations devaient se multiplier et une grève générale être décrétée dans de nombreuses villes dItalie, des manifestations antifascistes ayant lieu un peu partout. Mais la répression devait être féroce. Vincenzo Napoli fut dabord tué à Licata le 5 juillet. Afro Tondelli, Ovidio Franchi, Emilio Reverberi, Lauro Ferioli et Marino Serri tombèrent à leur tour à Reggio Emilia le 7 juillet, victimes dun véritable massacre. Francesco Vella et Andrea Gangitano furent assassinés le lendemain à Palerme, Salvatore Novembre à Catane10. À cette époque, le sinistre gouvernement du démocrate-chrétien Tambroni était soutenu par les néofascistes. Mais il devait tomber le 19 juillet. Les victimes de juillet 1960 étaient des ouvriers ou de jeunes chômeurs. Mais dautres manifestants sont encore tombés sous les balles de la police italienne durant ces années chaudes. Dernière en date avant Carlo Giuliani: la militante radicale Giorgiana Masi, tuée à Rome le 12 mai 1977. Lhistoire ne se répète jamais tout à fait, mais elle présente parfois de troublants éléments de continuité.
Enfin, est-ce un hasard si le sommet de Gênes a été marqué par une série dactes plus ou moins terroristes? LItalie républicaine a toujours eu des problèmes avec ses services secrets11. Au cours de laprès-guerre, elle était à la fois soumise à linfluence des États-Unis et caractérisée par lexistence dune organisation communiste de masse. Par lintermédiaire dorganismes occultes comme Gladio, une stratégie de la tension a donc été délibérément poursuivie pour criminaliser lopposition de gauche. Cest ainsi que les services secrets ne sont probablement pas étrangers à un certain nombre dattentats parmi les plus sanglants que lItalie ait connus. Or, aujourdhui, à quoi servent des bombes comme celle de Venise? Quel est donc leur effet objectif si ce nest, encore une fois, de suggérer que la contestation du tout-libéral planétaire ne saurait mener ses auteurs quà une violence criminelle, illégitime et aveugle? De ces Black Boys qui ont pu sévir librement dans les rues de Gênes à ces quelques scènes dinfiltrations policières qui ont été dénoncées, il y a des connivences qui devraient vraiment nous faire réfléchir.
Le gouvernement Berlusconi encourage la restriction des libertés
Même si le principe du G8 avait été décidé à lépoque du gouvernement de centre-gauche, et bien que les préparatifs policiers aient forcément commencé avant la victoire de la droite italienne du 13 mai 2001, cest le gouvernement de Silvio Berlusconi, et lui seul, qui porte effectivement la responsabilité de ce qui est advenu. Plus grave encore, larrivée au pouvoir de ladite droite a de toute évidence joué un rôle décisif auprès de certains policiers qui, vraisemblablement, se sont sentis libérés de toute contrainte.
Mais qui gouverne lItalie depuis ce sombre 13 mai? Silvio Berlusconi est tout simplement lhomme le plus riche dItalie. Il possède un empire médiatique, et quelques bricoles, dont le Milan A.C., un célèbre club de football. Il aime vanter sa réussite économique et sa capacité de gestion, mais il supporte très mal quon lui rappelle les nombreuses poursuites judiciaires dont il a été et demeure lobjet12. Il ne fait par ailleurs aucun doute quaujourdhui, cest dabord lui et cest essentiellement lui qui gouverne lItalie.
La société que le président du Conseil Berlusconi est en train de mettre en place relève dune idéologie populiste très particulière. Tout dabord, il en est le leader incontestable, à tel point quil a tout simplement interdit à tous les candidats de la droite dapposer leurs portraits sur les manifestes électoraux, réservant ainsi un espace privilégié à son sourire crispé toujours rajeuni par les miracles de la technologie des retouches. Mais cette opération personnalisée, qui sest parfaitement accordée avec la logique de la nouvelle structure électorale majoritaire et bipolaire, repose sur une démagogie permanente. Cest en quelque sorte un populisme des parvenus qui est fondé sur au moins cinq piliers:
- la privatisation de la société, la confiscation de ses richesses au profit dune étroite élite privilégiée ; la gestion dintérêts privés à partir de lexercice dun pouvoir public ;
- une arrogance régulièrement affichée, fondée sur létalage de la propre réussite sociale et économique de son leader, mais qui peut éventuellement se transformer en autoritarisme ;
- un esprit réactionnaire qui sexprime sur tous les problèmes de société et qui a très vite conduit le gouvernement italien à sassocier étroitement à la politique du plus puissant des réactionnaires daujourdhui, Georges W. Bush ;
- une vulgarité culturelle qui sobserve particulièrement bien dans lunivers médiatique berlusconien, ainsi que dans ses déclarations politiques, mais qui ne doit pas nous faire oublier pour autant un certain esprit de vénalité ;
- une irrationalité systématique qui consiste par exemple à faire croire au bon peuple quun homme daffaires puisse diriger lItalie sans tenir compte de ses intérêts personnels et quil y combat tous les jours un communisme qui serait encore présent, selon lui, dans tous les rouages de la société.
Populistes, racistes et néofascistes
Cela dit, Forza Italia, le parti-entreprise que Berlusconi a érigé sur les ruines de la démocratie-chrétienne, nest soutenu, malgré son grand succès, que par un tiers de lélectorat. Il lui a donc fallu, comme en 1994, mais avec un poids renforcé, trouver des alliés pour constituer une coalition de droite. Or, les deux principaux dentre eux, la Lega dUmberto Bossi et lAlleanza nazionale de Gianfranco Fini sont plutôt encombrants. La première est une formation populiste sécessionniste et raciste dont les dirigeants sont dune grande vulgarité et assez imprévisibles. Son leader, le ministre Bossi, est dailleurs poursuivi par la justice pour avoir déclaré quil se «torchait le cul» [sic] avec le drapeau italien.
La seconde est lhéritière, soi-disant reconvertie à la démocratie, du Mouvement social italien, le parti néofasciste très attaché à la dimension nationale. Elle regroupe cependant de véritables fascistes, même sils nont pas tous choisi de feindre une telle reconversion démocratique: il subsiste en effet une petite formation néofasciste pure et dure avec laquelle les partis de droite avaient dailleurs accepté de se coaliser, en Sicile, au cours des dernières élections. Cela dit, sil peut paraître étrange que des formations politiques aussi différentes que celles de Bossi et Fini puissent cohabiter au sein de la même coalition gouvernementale, il ne faudrait pas oublier pour autant quelles ont toutes les deux reculé aux dernières élections au profit du parti berlusconien ; et quune inquiétante entente, une sorte daxe autoritaire et xénophobe, semble se profiler entre les deux pour soutenir et imposer un durcissement du gouvernement et une politique très dure à légard de limmigration.
Condamné, impliqué, inculpé, mais aux commandes
Quant à Berlusconi: «Il nétait jamais arrivé, pas même en Italie, que devienne président du Conseil un homme reconnu coupable de faux témoignages par la Cour dAppel de Venise (délit amnistié) et, par les juges de Milan, de corruption de la Brigade des Finances (délit prescrit en Appel), de financement illicite à Craxi pour 21 milliards [de lires italiennes] (délit prescrit en Appel, sentence confirmée en Cour de Cassation), de délits fiscaux au cours de lacquisition des terrains de Macherio (délit prescrit au premier degré) ; un homme impliqué dans deux procès pour bilans falsifiés (lun pour 6 milliards de fonds occultes, lautre pour 1500 milliards) et dans deux procès pour corruption judiciaire (Sme-Ariosto et arbitrage Mondadori) ; un homme soumis à enquête à Caltanissetta pour implication dans les tueries de Capaci et via DAmelio [les assassinats des juges antimafia Falcone et Borsellino] (le procureur a demandé le classement de laffaire à la fin de lenquête) ; un homme inculpé en Espagne pour les fraudes fiscales de Telecinco.»13
Effectivement, la liste des procédures judiciaires et des graves accusations dont font lobjet Silvio Berlusconi et un grand nombre de ses ministres est plutôt impressionnante. Au chapitre de lirrationnel, le fait davoir été élus en toute connaissance de cause par le peuple italien est invoqué aujourdhui par ces personnalités corrompues comme preuve prétendue de leur absolution. La liste des toutes premières mesures législatives de la droite italienne est toutefois révélatrice: obstacles supplémentaires à la collaboration avec la justice dautres pays, abolition des impôts de succession, réforme profonde du délit de falsification de bilan en introduisant de nouvelles règles en matière de prescription qui permettraient à Berlusconi et ses entreprises den profiter directement, etc. Cest à peine croyable!
Un tel gouvernement peut-il mener à un retour du fascisme en Italie? La question se pose puisque le terme a déjà été prononcé au parlement italien par lun des principaux leaders de lopposition après les violences sanguinaires de Gênes. Mais la réalité est très complexe et contradictoire. Avant dinterroger lhistoire, nous pouvons déjà donner la parole à une célèbre plume italienne, celle de Giorgio Bocca, un journaliste qui est lui-même un ancien résistant. «Ne lappelez pas fascisme, – a-t-il en effet écrit au lendemain du G8 sanglant14, appelez-le régime. Lappeler fascisme nest pas correct, lhistoire ne se répète pas, nous sommes en Europe, les us et coutumes de la démocratie nont pas disparu. Mais après Gênes, ceux qui sopposent à ce gouvernement et à cette majorité peuvent, doivent craindre den sortir avec les os brisés. Les discussions sans fin sur les responsabilités de Gênes ne changent rien au fait que Gênes a été, avec sa violence inouïe, lantichambre du régime. [
] Ne lappelez pas fascisme, mais quest-ce quil y a comme ressemblance.» Cest donc avec une certaine prudence quil convient daborder cette question. Et peut-être vaudrait-il mieux, dans un premier temps, se la poser autrement. En sinterrogeant tout dabord sur létat et le devenir de la mémoire du fascisme.
Révisionnisme historique et banalisation du fascisme
Dans cette Italie dirigée par une droite musclée, lhistoire est en effet particulièrement malmenée. Elle constitue un vaste réservoir, une sorte de «supermarché» où les hommes politiques viennent piocher sans vergogne nimporte quel argument au service de leurs intérêts immédiats ou de la dernière idée à la mode15. Ainsi, dans certaines communes où dominent les partis de droite, des rues sont carrément rebaptisées, des monuments sont même érigés pour être consacrés à de sinistres personnalités fascistes. Et certains responsables politiques dAlleanza nazionale prétendent aussi contrôler et modifier les livres de lecture et dhistoire qui sont proposés aux élèves tandis que de jeunes fascistes ont envahi une librairie romaine pour aller dénoncer les «mauvais» livres, ceux où se trouverait à leurs yeux de la soi-disant propagande communiste, en les tamponnant à lencre noire. Enfin, dans des cafés ou des aires dautoroute, on trouve de plus en plus souvent, en vente libre, des objets fascistes du plus mauvais goût: casquettes ou t-shirts arborant fièrement un portrait du Duce ou lune de ses formules favorites (par exemple, «Me ne frego» – Je men fous), calendriers relatant les «grands moments» du régime fasciste, vins soi-disant «historiques» produits à Predappio, le village natal du dictateur, et ornés détiquettes fascistes, etc.
Cette banalisation systématique et cette marchandisation du fascisme sont écoeurantes. Et il faut rappeler ici au moins trois raisons qui les rendent profondément inacceptables:
- Le fascisme italien est né de la violence, il na cessé, dès son émergence, de détruire des maisons du peuple et dagresser des militants ouvriers; arrivé au pouvoir, et suite à des élections peu régulières en 1924, ses squadristes ont assassiné sauvagement le socialiste Giacomo Matteotti qui venait de dénoncer les pressions et les fraudes au parlement; il sest donc bien toujours agi dun régime criminel, dun régime de terreur;
- Après plus dune décennie dexercice du pouvoir, entre autres crimes, le fascisme italien a envahi lÉthiopie et provoqué des massacres en utilisant, dune manière systématique et tout à fait délibérée, des gaz terriblement destructeurs contre les populations civiles; ce fut là un crime de grande envergure dont la mémoire na guère été entretenue et qui a longtemps fait lobjet dune occultation obstinée16. Et nous ne reviendrons pas sur les crimes fascistes italiens pendant la guerre civile en Espagne;
- Enfin, après la promulgation des lois raciales en 1938, et au bout de deux décennies de dictature, le fascisme italien sest rendu objectivement complice de graves crimes contre lhumanité en pourchassant sans vergogne les Juifs italiens afin de les expédier dans les camps dextermination – et en salliant étroitement avec les nazis; Primo Levi et son uvre, mais aussi les rafles du Lac Majeur de 1943, incarnent parfaitement cette réalité qui aurait dû suffire, dun point de vue démocratique, pour empêcher lémergence dun révisionnisme historique banalisateur.
Un néofascisme en pleine santé
Il faut toutefois préciser que, contrairement à ce qui sest passé en Allemagne, lItalie républicaine a toujours connu et toléré en son sein une continuité affirmée du fascisme. Cest ainsi quune force politique dite néofasciste, le Mouvement social italien (MSI) a toujours été représentée au parlement, élue par une frange jamais négligeable de lélectorat. En outre, le Duce lui-même a laissé une descendance, dont notamment un fils, Romano, musicien de jazz assez connu, et une petite-fille, Alessandra, députée de lAlleanza nazionale qui a même tenté de se faire élire à la mairie de Naples, en échouant de peu.
Lorsque Gianfranco Fini, jeune héritier du plus que fasciste Giorgio Almirante à la tête du MSI, a transformé son parti en Alleanza nazionale, feignant de démocratiser son idéologie et ses références, il a permis à lextrême-droite italienne de sortir de son isolement. Sa formation politique, dans la logique majoritaire et bipolaire qui avait été mise en place au cours des années quatre-vingt-dix, au plus fort de la crise institutionnelle, est immédiatement devenue une composante essentielle de toute coalition de droite. Mais cette reconversion politique reste dans une large mesure une fiction. En effet, lorsque le candidat Fini, en janvier 2001, inaugurait officiellement à Bari un monument dédié à un ancien dirigeant fasciste local, Araldo di Crollalanza, cétait pour en assumer pleinement lhéritage à une seule exception près, concédée non sans quelque ambiguïté, celle de lacceptation des lois raciales de 193817. Autrement dit, pour le désormais vice-président du Conseil italien, sil fallait peut-être bien condamner lantisémitisme, voire lalliance avec le nazisme, la violence fasciste, la dictature sanguinaire de Mussolini et les massacres coloniaux navaient pas à être remis en question. (
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Un régime autoritaire
Revenons à ce que disait Giorgio Bocca sur le gouvernement italien actuel. Il ne serait pas lexpression dun fascisme, malgré les ressemblances, mais évoquerait plutôt linstallation dun «régime» autoritaire. En général, il est vrai que les historiens naiment pas trop mettre tout sur le même plan et quils distinguent ainsi plusieurs types de fascismes et de populismes. Par exemple, lorsquils évoquent Le Pen et le Front national français, certains chercheurs comme Pierre-André Taguieff parlent plutôt de national-populisme autoritaire18. Ces distinctions sont importantes, elles ont un sens du point de vue de la précision historique et pour bien inscrire les phénomènes en question dans leur contexte. Mais elles ne doivent pas entraîner pour autant de banalisation. Tous ces mouvements ont en effet des points communs inquiétants – notamment leur haine des syndicats et du mouvement ouvrier, leur racisme, leur xénophobie, leur antisémitisme ou leur sexisme. Il est donc pertinent, du point de vue de la défense des droits démocratiques, de les associer aussi sous un terme général qui dénonce leur logique commune et les dangers quils incarnent. Dailleurs, même si leurs contextes historiques sont fort différents, lexistence de ces formes plurielles de mouvements autoritaires plus ou moins proches des fascismes, mais toujours populistes, devrait surtout nous inspirer un antifascisme déterminé, mais qui soit bien sûr adapté aux réalités actuelles de la démocratie.
Ainsi, sil fallait préciser les contenus possibles et souhaitables dun antifascisme du 21ème siècle qui chercherait à défendre cette démocratie et à faire en sorte que les beaux discours saccordent avec la réalité, on pourrait les décrire de la manière suivante:
- Il devrait tout dabord être nourri par la mémoire des défaites passées dans la défense des droits démocratiques et le souvenir de ceux qui lont défendue ici et ailleurs.
- Il devrait ensuite être marqué quotidiennement par des pratiques militantes et associatives, dans le cadre dun espace démocratique qui soit vécue davantage comme un engagement que comme une délégation.
- Il devrait surtout mettre en valeur dans la société la nécessité du débat, du pluralisme, de la prise en considération de divergences, de conflits potentiels qui ne devraient plus être systématiquement noyés dans la recherche dun consensus permanent qui cache mal la négation de certains droits19.
La mémoire des défaites passées
Dans lItalie daujourdhui, la question de la mémoire des défaites passées de la démocratie se pose en tout cas dune manière inquiétante. Lhistoriographie transalpine est dune grande richesse, elle a donné lieu à des travaux et à des réflexions de haute tenue sur la mémoire, lusage public de lhistoire, limplication ou la responsabilité morale des historiens. Mais le meilleur nempêche pas que le pire puisse survenir. Et il y a des usages politiques de lhistoire qui produisent parfois des effets dévastateurs par leur perversité. Cest ainsi que sest développé ces dernières années un vaste révisionnisme historique, largement relayé par les médias, qui tend systématiquement à remettre en cause les fondements antifascistes de la République italienne en criminalisant le communisme. Et qui ne cesse de suggérer une image adoucie dun fascisme des premières années qui naurait pas été complètement négatif et qui aurait fait lobjet dun certain consensus. Or, sil est bien évidemment souhaitable que les historiens et la société interrogent et révisent régulièrement leurs visions du passé, il existe des formes de révisionnisme qui sont tellement instrumentalisées quelles ne peuvent servir notre connaissance de lhistoire. (
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Dans un contexte fortement révisionniste où prévaut lidée de rompre avec le passé dune République inscrite dès le départ dans une configuration antifasciste, lintérêt manifesté par la société italienne pour lhistoire contemporaine implique donc un risque. Celui dune grave dérive vers une soi-disant «histoire des gens» – pour reprendre une expression qui est volontiers utilisée par les révisionnistes – qui ne serait quaffaire dopinion et de convenances individuelles. En effet, en Italie comme ailleurs, une vulgate néolibérale dominante impose la stigmatisation des crimes staliniens et leur mise sur le même plan que les crimes fascistes et la Shoah. Mais cela a des conséquences particulièrement graves dans le contexte transalpin puisque certains en viennent aujourdhui à souligner que la chute du fascisme aurait dabord été une défaite nationale pour lItalie. Et que les jeunes soutiens de la grotesque République de Salò mériteraient eux aussi, à leur niveau, un certain respect et une certaine compassion.
Cest ainsi quun anticommunisme viscéral en vient alors à déprécier jusquaux fondements constitutionnels de la démocratie républicaine italienne. Cette banalisation et ce révisionnisme sont même tellement efficaces que la droite a pu se permettre, nous lavons vu, de rendre hommage et de consacrer un monument à cet Araldo di Crollalanza, personnalité fasciste de Bari. Un geste qui a dailleurs conduit lhistorien Gianpasquale Santomassimo à se demander si lon pourrait «imaginer en Allemagne ou en France une Place Rudolf Hess ou une Avenue Pierre Laval»20. Cest donc une véritable bataille de la mémoire qui est engagée face à de telles réécritures de lhistoire du fascisme et de ses crimes. Et il nous faut bien constater que, paradoxalement, alors que le contexte actuel dans dautres pays européens est plutôt favorable au développement dune histoire critique de la Seconde Guerre mondiale et des fascismes, lItalie paraît dominée par un sens commun inquiétant qui va exactement dans le sens contraire et que les médias relayent abondamment. [n.d.l.r. Nous navons pas reproduit ici un long passage concernant laffaire Sofri, voir solidaritéS, n° 128, pages 8-10] (
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LItalie du vingtième siècle, un laboratoire de lhistoire européenne
Négliger ou banaliser la situation politique, inédite et préoccupante, qui prévaut actuellement en Italie serait sans doute une grave erreur. En effet, au cours du 20e siècle, ce pays a joué plusieurs fois un rôle de véritable laboratoire de lhistoire européenne. Certes, cest justement lhistoire qui nous apprend que toute comparaison, toute mise en parallèle nest jamais complètement vraie et réclame des nuances. Que faire par exemple, en ce qui concerne lItalie, de la spécificité que constitue le poids de la religion catholique et la présence de lÉtat du Vatican? Ce genre de raisonnements comparatifs est toutefois au cur de la réflexion historique. Aussi vaut-il la peine dy prêter une certaine attention.
Cette Italie des contrastes, du meilleur et du pire, tire ses aspects les plus fascinants de sa propre histoire, et de la complexité de cette histoire. Lun de ses meilleurs observateurs au cours du dernier siècle, lécrivain et peintre Carlo Levi, en proposa une magnifique définition pendant les années cinquante. «Ce caractère pourrait se définir comme le sens de linfinie contemporanéité du temps: cest-à-dire la présence et la persistance en elle, dans sa vie actuelle, dans son présent le plus quotidien et le plus fugitif, de tous les temps, de toute lhistoire et de ce quil y a eu avant même lhistoire»21. Par ce texte, qui voulait protester contre la restauration dune justice militaire qui lui rappelait fortement le fascisme, lauteur considérait cette très forte présence de lhistoire comme une véritable vertu. Cependant, ajoutait-il, «lenchantement unique de la contemporanéité des temps, qui fait lItalie si belle et si aimable, sobscurcit dès lors que lon veut renverser ces temps et fouler à lenvers les chemins de lhistoire. La civilisation des Étrusques est encore vive dans le temps, et dans le profil des femmes de la Maremme, dans lenchantement naturel de leurs gestes: mais elle ne saurait être que mort, cendres et risibles folies si nous prétendions au nom de je ne sais quel archaïsme imposer aujourdhui la loi de ses rites religieux inconnus et de ses us funèbres oubliés».
La vertu de lhistoire et de la contemporanéité de ses temps néquivaut donc pas au conservatisme, elle ne saurait le justifier; par contre, le renversement de ces temps, leur usage abusif, qui sont toujours possibles, peuvent se révéler lourds de conséquences et mener à des régressions insupportables. Cest là une leçon qui nest pas sans évoquer la relation douteuse de lItalie berlusconienne avec son passé fasciste. Ajoutons que Carlo Levi a aussi été lauteur dun roman extraordinaire, La montre, qui évoquait très finement, sur un mode littéraire, le désenchantement qui a suivi la Libération, avec linstallation du système des partis et de lhégémonie démocrate-chrétienne. Lécrivain partait alors dune observation des marques du temps et de la perception de sa pluralité 22. Mais aujourdhui, un même désenchantement nest-il pas, en quelque sorte, au coeur du désarroi de lItalie progressiste et démocratique?
Avec une longueur davance
Voyons donc brièvement en quoi ce pays, cette terre pétrie dhistoire, a pu représenter une sorte de laboratoire de lhistoire européenne. Au tout début des années vingt, lapparition du fascisme italien avait précédé de plus dune décennie larrivée de Hitler à la chancellerie allemande. Et la manière dont le mouvement fasciste sut alors détourner toutes les aspirations sociales de certaines franges populaires en les inscrivant dans un cadre qui était étroitement nationaliste et irrationnel annonça en quelque sorte dautres formes ultérieures de la barbarie. Après la Seconde Guerre mondiale, lItalie était profondément affaiblie par les nombreuses années de fascisme.
Elle entra dans la Guerre froide comme une forte composante européenne du camp occidental et atlantique; elle était certes dominée économiquement et culturellement par les États-Unis, mais il existait aussi en son sein un mouvement communiste denvergure et très bien implanté. Ce qui nalla pas sans poser bien des problèmes au pouvoir dominant. Et ce qui donna lieu pendant longtemps à une véritable guerre civile de basse intensité au cours de laquelle il fut largement fait usage de la violence dÉtat. Plus récemment, lItalie a aussi connu la forme la plus avancée de transformation et dévolution dun Parti communiste de masse cétait lépoque de l«eurocommu-nisme». Elle a également vécu, un peu plus tard, la désagrégation, sous leffet de sa corruption, dune social-démocratie étouffée par sa très forte intégration dans les arcanes du pouvoir – doù lémergence de lopération Mani Pulite et la chute brutale de Bettino Craxi. Or, ces phénomènes historiques, sous des formes variées, et parfois beaucoup moins marquées, ont pu être parfois observés, un peu plus tard, dans le reste de lEurope. Ainsi ont-ils anticipé, et annoncé en quelque sorte, des évolutions ultérieures. Et montré quil valait toujours la peine dêtre attentif au devenir de lItalie.
Le populisme des parvenus
Aujourdhui, on parle beaucoup dune nouvelle Italie, dune seconde République. Mais tout cela reste à définir. Ces discours découlent dune particularité transalpine, londe de choc de Mani Pulite qui a fait exploser les partis traditionnels et provoqué un impressionnant vide politique au centre-droit – dont lopportuniste Berlusconi a si vite et si bien su profiter. Cest dans ce contexte que le nouveau système électoral italien, essentiellement majoritaire, a propulsé au pouvoir un gouvernement de droite inédit, fondé sur un populisme des parvenus, allié simultanément à des régionalistes du Nord et à danciens néofascistes aussi inquiétants les uns que les autres. Le chef du gouvernement est lhomme le plus riche du pays, il possède trois chaînes privées de télévision et contrôle désormais trois chaînes publiques. Ses idées et sa politique sont ultralibéraux et antisociaux, ils consistent pour lessentiel à défendre les intérêts dune frange très étroite de privilégiés.
Mais Berlusconi pourrait bien préfigurer un nouveau Big Brother du 21e siècle. Dailleurs, ses portraits immenses affichés dans toute la péninsule nétaient pas sans faire penser à cette fameuse affiche de Lord Kitchener dont Carlo Ginzburg nous a récemment rappelés quelle nous avait fait entrer dans le 20e siècle et ses horreurs 23. Il sagit dune affiche qui représentait, en 1914, un ministre de la Défense de Grande-Bretagne au regard perçant et accusateur qui pointait son doigt en direction du public: rejoins larmée de ton pays! Le procédé fonctionna de manière très efficace et les enrôlements volontaires se chiffrèrent par dizaines de milliers. Or, dans 1984, le roman de George Orwell, Big Brother est décrit dans des termes qui font beaucoup penser à cette affiche que lauteur avait sans doute eu loccasion de rencontrer dans sa jeunesse. «En 1949, lors de sa première publication, 1984 fut lu un peu partout comme un livre de la Guerre froide – a encore précisé Carlo Ginzburg; ses allusions à la terreur stalinienne paraissaient évidentes. Cinquante ans après, le livre dOrwell paraît de plus en plus prophétique. Sa description dune dictature fondée sur les médias électroniques et le contrôle psychologique peut être aisément adaptée à une réalité plus proche de nous, qui nest pas entièrement invraisemblable.»
Le fanatisme des idées mortes
Comme à lépoque de la Guerre froide, Berlusconi et ses lieutenants fustigent à tort et à travers des adversaires qui seraient tous des communistes. Ils nont pas dautres discours à proposer face aux nouveaux défis de la modernité et de lavenir, notamment parce quen matière de mondialisation ultralibérale, ils font éminemment partie des prédateurs et des fraudeurs. «Une idée morte – écrivait Leonardo Sciascia, produit plus de fanatisme quune idée vive ; elle est même seule à pouvoir en produire. Parce que les idiots, comme les corbeaux, ne sentent que ce qui est mort. Et ils sont tellement nombreux, ils grouillent tellement autour de ce qui est mort, quils donnent parfois limpression de la vie» 24. Le fanatisme révisionniste, irrationnel et vindicatif qui sobserve aujourdhui au sein de la droite italienne relève sans doute un peu de cette image.
Après les horreurs de Gênes, seules une mobilisation internationale et une vive réaction de lEurope citoyenne semblent pouvoir permettre que justice soit rendue et que lItalie ne cède pas à des dérives autoritaires préoccupantes. Que les faits soient établis, que les coupables soient sanctionnés et que tout soit entrepris pour ne plus laisser se reproduire un désastre de cette envergure: telles sont les exigences que tous les opposants au tout-libéral planétaire devraient faire valoir. En outre, la suspension de la libre circulation entre pays membres de lEspace Schengen et les expulsions collectives, assorties dinterdictions de séjour arbitraires, et cela sans que la moindre condamnation ait été prononcée, devraient être dénoncées et annulées. Au nom de quel droit devraient-elles être tolérées?
A juste titre, lopinion européenne sétait émue de lentrée au gouvernement autrichien du parti dextrême-droite de Jorg Haider, même si, malheureusement, elle nétait pas allée jusquau bout de sa protestation. Aujourdhui, comme les événements de Gênes nous lont encore confirmé, linquiétude suscitée par la situation autrichienne pourrait paraître anecdotique et folklorique si on la comparait à celle que devrait inspirer la situation italienne. Et ce nest sans doute pas un hasard si ce nouveau gouvernement italien, dès quil en a eu loccasion, sest immédiatement aligné sur les positions ultraconservatrices, et catastrophiques, de George W. Bush en matière denvironnement et de bouclier spatial. Cependant, lItalie nest pas unanime, loin sen faut. Elle paraît même profondément coupée en deux. Mais, si la population de la péninsule nest pas forcément prête à avaler toutes les couleuvres berlusconiennes, elle reste pour le moment confrontée à une absence dalternative possible.
La gauche transalpine sest divisée et a finalement perdu les élections pour navoir pas su sopposer avec une fermeté suffisante à ce qui sannonçait. Pour avoir beaucoup trop cédé à lair du temps en matière économique, culturelle et historiographique. Et surtout pour navoir jamais voulu mener une politique vraiment alternative à celle du tout-libéral. Pourtant, lavenir de lespace démocratique en Italie ne semble pas pouvoir se situer ailleurs quau centre-gauche dans la mesure où la droite, dans son état et avec ses alliés actuels, nen paraît guère respectueuse. Doù la nécessité que se reconstruise une véritable gauche critique qui puisse redonner un minimum de crédibilité à cette perspective. Dailleurs, compte tenu du désarroi actuel, une campagne internationale et européenne contre les dérives populistes et autoritaires du gouvernement Berlusconi serait fort utile, et peut-être même indispensable, pour que puissent être efficacement combattues les menaces qui pèsent aujourdhui sur les droits démocratiques en Italie.
Les échelles spatiales de la résistance
La lutte contre la mondialisation ultralibérale qui se développe depuis quelques mois est porteuse de nombreuses promesses. Elle pourrait déboucher sur un renouvellement en profondeur des formes de mobilisation et des horizons dattente. Mais elle pose tout dabord un problème déchelle tout à fait révélateur. En réalité, lÉtat-nation na pas disparu et il sy prend encore des décisions fondamentales. Laffirmation de son impuissance est même un argument facile, dans chaque pays, pour les chantres locaux du tout-libéral planétaire, les ennemis jurés de lÉtat social25. Mais lÉtat-nation est désormais une échelle de lutte qui ne suffit plus et qui doit donc être nécessairement complétée par un engagement social sur une échelle plus vaste. Or, il se trouve quau cours de lhistoire contemporaine, les mouvements sociaux se sont déployés pour lessentiel dans le cadre desdits États-nation au sein desquels ils sont parvenus à conquérir certains droits par le biais de législations sociales ou de conventions collectives. Cétait la raison dêtre de la trilogie ouvrière – formée des partis, des syndicats et des coopératives. Rappelons aussi, à ce propos, que la «nationalisation» du mouvement ouvrier, lintégration des partis socialistes et des syndicats dans les sociétés nationales, avaient dabord débouché sur léchec de linternationalisme ouvrier, notamment en 1914. Ce qui sexplique en partie par le fait quelle avait aussi correspondu à une «nationalisation des esprits» au sein du monde ouvrier.
Plus récemment, les défaites sociales qui ont marqué la dernière décennie ont été accompagnées par une montée significative de toutes sortes de populismes identitaires bien éloignés des idéaux, des mythes et des illusions propagés par les partisans de ladite mondialisation; et contraires aux promesses généreuses et fraternelles de linternationalisme. Des nationalismes revigorés, des régionalismes à outrance et dautres dérives ethniques nous ont ainsi rappelé, une fois de plus, que lhistoire humaine était fort complexe, quelle névoluait pas toujours et forcément dans le sens du progrès, et quelle ne manquait pas de paradoxes.
Une jonction nécessaire avec le syndicalisme
Du point de vue des luttes sociales, la prise en compte simultanée dune pluralité des échelles la région, la nation, lEurope, la planète – est sans doute porteuse despérances. renouvelées. Elle devrait notamment rendre possible une jonction entre de nouvelles formes de mouvements sociaux – par exemple les tute bianche transalpines, dautre réseaux italiens, ATTAC, ou dautres encore – et le mouvement syndical traditionnel. En effet, face aux ravages des politiques nationales antisociales et du tout-libéral planétaire, ce dernier est aujourdhui placé devant lurgente nécessité de prendre en compte léchelle du monde pour pouvoir jouer son rôle avec un tant soit peu defficacité. Aussi une présence affirmée des syndicats au sein du mouvement contre la mondialisation ultralibérale, et dans le cadre de ses prochaines manifestations, paraît-elle hautement souhaitable. On peut même affirmer que lavenir des luttes sociales européennes pourrait se jouer largement autour de cette jonction.
Les faits honteux de Gênes relèvent à la fois de léchelle italienne et de celle du tout-libéral planétaire. Ils devraient nous alerter sur le rapport perverti et inquiétant quexerce la société berlusconienne avec le passé et lhistoire. Mais ils ont évidemment une signification globale. La brusque fermeture des frontières à laquelle ils ont donné lieu a démontré une fois de plus le caractère trompeur de la soi-disant mondialisation qui privilégie les profits, par la finance et le commerce, au détriment de lhumanité; la libre circulation des capitaux et pas celle des personnes.
Mondialisation et sans-papiers
Dans un livre récent, René Passet a dailleurs opposé avec une grande pertinence le mondialisme à la mondialisation en dénonçant une vaste confiscation culturelle et idéologique26: effectivement, au cours de lhistoire de ces deux derniers siècles, ce sont bien les mouvements sociaux et populaires, en particulier linternationalisme ouvrier, qui ont posé les premiers les fondations dun mondialisme libérateur au service de la fraternité et de lhumanité tout entière. Et ce sont bien les élites bourgeoises qui, de leur côté, ont confiné les droits de tous au sein dÉtats-nation afin de pouvoir inventorier et discipliner les peuples avec davantage defficacité27.
Il est dailleurs révélateur que des mouvements pour la régularisation et laccueil des sans-papiers se soient récemment développés dans plusieurs pays européens, parallèlement au mouvement contre la mondialisation ultralibérale. Cest en effet une question qui représente de plus en plus un enjeu essentiel pour les droits de la personne – et qui est complètement négligée par les réalités du tout-libéral planétaire. Il paraît donc assez évident que la gauche, les mouvements progressistes et les organisations syndicales, après les défaites quils ont subies, nont désormais davenir crédible que dans la perspective du mondialisme, cest-à-dire dune perspective globale qui sache concilier la solidarité avec lensemble de lhumanité et les luttes locales pour les droits des démunis et lextension des droits démocratiques.
Nous ne sommes pas des marchandises
En outre, une autre question cruciale relie la situation italienne à la lutte globale contre la mondialisation ultralibérale, cest celle de la réduction de toutes les activités humaines à létat de marchandise, de linvasion publicitaire dans toutes les sphères de la société et de la toute-puissance des multinationales. La vie culturelle ne peut pas, ne doit pas se confiner aux messages des entreprises et des prédateurs économiques. Elle ne doit pas être soumise à la logique des marchés et de la libre entreprise. Ni se réduire aux discours simplificateurs du petit écran. Cet abêtissement des masses, largement télévisuel, ne saurait être notre seule perspective davenir. De ce point de vue, lapparition de nouvelles formes dengagement citoyen contre les entreprises multinationales et la toute-puissance des logiques économiques ultralibérales est tout à fait prometteuse. Il faut en effet défendre une économie au service des droits de la personne. Et protéger léducation et la culture des effets réducteurs et pervers de la privatisation. La démocratie et sa crédibilité ne dépendent-elles pas assez largement de cette préservation? Et dailleurs, dans la société italienne daujourdhui, lindignation contre le gouvernement et le populisme de Silvio Berlusconi ne peut-elle pas se traduire aussi par la fameuse formule universelle «No Logo»28?
«Après Gênes, – a déclaré Edmilson Brito Rodrigues, maire de Belem, les choses ont changé. La formule du G8, par exemple, ne peut plus se répéter. Ceux quon appelle les grands peuvent aller se cacher sur les glaciers de lAlaska, dans les Montagnes rocheuses ou dans un sous-marin, mais il est évident quils ne représentent plus personne, pas même leurs propres populations. Même la formule consistant à transformer le G8 en G10 ou G22 naurait pas de sens si lon ne change pas les règles et les relations. Si les intérêts des plus faibles ne sont pas directement représentés. Pensez à mon pays: en 2000, sur 170 millions dhabitants, il y avait au moins 50 millions de pauvres qui nont pas la parole.»29 Il faudrait maintenant leur donner la parole et mettre fin à ces folies.
Pour cela, il convient aussi sengager davantage contre tous les usages pervertis de lhistoire et faire ainsi prévaloir, en Italie comme ailleurs, une mémoire et une histoire des victimes de la barbarie qui soient dignes de ce nom.
- Il Manifesto, 29 juillet 2001.
- La Repubblica, 1er août 2001.
- La Repubblica, 29 juillet 2001.
- La Repubblica, 12 août 2001.
- La Repubblica, 26 juillet 2001.
- Interview parue dans Le Courrier, 28 juillet 2001.
- Lello Parise, «Gallipoli e i suoi segreti (di Pulcinella)», Micromega, 3/2001.
- La Repubblica, 26 juillet 2001. Fausto Bertinotti est le leader de lorganisation Rifondazione comunista.
- Luciano Bolis, Mon grain de sable, Paris, Éditions 10/18, 1997 (édition originale: 1946).
- Marco DEramo, «Pallotole di stato», Il Manifesto, 24 juillet 2001. Et pour davantage de précisions: Cesare Bermani, Il nemico interno. Guerra civile e lotte di classe in Italia (1943-1976), Rome, Odradek, 1997.
- Ibid.
- Voir Elio Veltri et Marco Travaglio, Lodore dei soldi. Origini e misteri delle fortune di Silvio Berlusconi, Rome, Editori Riuniti, 2001.
- Peter Gomez et Marco Travaglio, «Le allegre vite di Berlusconi e dei suoi ministri» , Micromega, 3/2001.
- La Repubblica, 29 juillet 2001.
- Giovanni De Luna, La passione e la ragione. Fonti e metodi dello storico contemporaneo, Florence, La Nuova Italia, 2001.
- Angelo Del Boca (Eds), I gas di Mussolini. Il fascismo e la guerra dEtiopia, Rome, Editori Riuniti, 1996.
- La Gazzetta del Mezzogiorno, 21 janvier 2001.
- Voir par exemple Pierre-André Taguieff et Michèle Tribalat, Face au Front national: arguments pour une contre-offensive, Paris, La Découverte, 1976.
- Giovanni De Luna et Marco Revelli, Fascismo. Antifascismo. Le idee, le identità, Florence, La Nuova Italia, 1995.
- Il Manifesto, 25 avril 2001.
- Carlo Levi, «La storia è presente», in Le mille patrie. Uomini, fatti, paesi dItalia, Rome, Donzelli, 2000 (larticle est paru à lorigine dans La Nuova Stampa le 18 octobre 1955).
- Carlo Levi, Lorologio (publié en 1950), Turin, Einaudi, 1989 (le roman a été traduit en français).
- Carlo Ginzburg, «Lord Kitchener vous regarde», Le Monde, 13 janvier 2001.
- Leonardo Sciascia, Nero su nero, Milan Adelphi, 1991.
- Attac, Une économie au service de lhomme, Paris, Mille et une nuits, 2001.
- René Passet, Éloge du mondialisme par un «anti» présumé, Paris, Fayard, 2001.
- Gérard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin (Socio-Histoires), 2001.
- Naomi Klein, No Logo, Arles, Actes-Sud, 2001.
- Il Manifesto, 28 juillet 2001.