Enquête dans la vente: NON à toute déréglementation

Enquête dans la vente: NON à toute déréglementation


Alors que la vague de libéralisation des heures d’ouverture des commerces bat son plein, les syndicats vaudois actifs dans le secteur ont procédés à une sérieuse enquête auprès des employé-e-s du secteur. Le nombre de réponses collectées est un bon indicateur de la volonté des travailleuses et travailleurs de na pas voir leurs conditions de travail se dégrader.



Le canton de Vaud n’a pas de réglementation cantonale concernant les heures d’ouverture et de fermeture des magasins. Ce sont les communes qui sont compétentes pour édicter des prescriptions relatives à cette question, et ce dans un domaine de compétences qui n’est pas celui de la Loi sur le travail (LTr), à savoir des dispositions servant à la protection de la tranquillité et de l’ordre public. La LTr règle, de manière exhaustive, la protection du personnel de vente. Pour mémoire, rappelons que la dernière révision de cette loi a introduit la notion de travail du soir entre 20h et 23h, travail du soir qui peut être introduit par l’employeur après simple audition des travailleurs concernés. En clair cela implique que, dans le secteur de la vente notamment, les employé-e-s pourraient devoir travailler, les jours ouvrables – soit du lundi au samedi – sans compensation de salaire, jusqu’à 23h.

Ouverture le samedi jusqu’à 18 heures?

Le Règlement de la commune de Lausanne sur les heures d’ouverture et de fermeture des magasins (RHOM) prévoit que les magasins doivent être fermés au plus tard à 17h le samedi et à 19h les autres jours ouvrables. L’association Déclic, regroupant notamment les employeurs des grands magasins, a demandé à l’exécutif lausannois une modification de l’horaire du samedi, pour permettre l’ouverture des magasins jusqu’à 18h le samedi. Cette requête fait suite à plusieurs tentatives d’obtenir des nocturnes jusqu’à 21h, voir 21h30, tentatives qui avaient fait long feu. Relevons que, dans les années passées, leur échec a été le résultat essentiellement de la détermination des vendeuses et des vendeurs, appuyé-e-s par le syndicat SIB-unia. Car certains membres de l’exécutif lausannois à majorité de «gauche» n’étaient pas insensibles aux sirènes de la flexibilisation des horaires: c’est ainsi qu’en février 2000, Bernard Métraux, élu du POP/PdT à l’exécutif communal, avait proposé une modification de l’amplitude des heures d’ouverture pour les «petits commerces vendant des produits alimentaires et de dépannage»! Une brèche dans laquelle bien entendu allait vouloir et pouvoir s’engouffrer tous les grands distributeurs…

Le NON sans appel des vendeuses-eurs


Pour connaître l’avis du personnel de vente en rapport avec la demande de Déclic, les syndicats actifs dans le secteur de la vente (SIB-unia, FTMH-unia, FCTA, comedia) ont organisé, en septembre 2002, une vaste consultation: 1200 questionnaires ont été distribués dans les magasins de la ville. Avec un taux de réponse qui dépasse 50%, la quasi totalité des votants se sont exprimés contre l’ouverture du samedi jusqu’à 18h. Les raisons invoquées par quelque 650 employées-és qui la refusent sont éloquentes:

  • la majeure partie des réponses négatives relève que la vie familiale serait mise en cause. Explications de vendeuses: «le samedi est le seul jour où les vendeurs et les vendeuses peuvent profiter de leur soirée», «nos week-ends ne durent déjà qu’un jour (le dimanche), alors si le samedi on devait encore travailler jusqu’à 18h, que nous restera-t-il?»;
  • les conditions de travail, déjà particulièrement mauvaises, constituent également un argument: «les vendeuses dites «conseillères de vente» ont droit à une vie à l’extérieur, donc faire travailler ces charmantes esclaves plus qu’il est nécessaire, c’est de l’esclavage pure et simple», «on travaille déjà assez! pour un salaire de misère. Alors, faut pas pousser!»;
  • pour le personnel, il est évident que, céder une heure le samedi, c’est mettre le doigt dans un engrenage: «parce que demain, ça sera jusqu’à 23h. Ne prenons pas le mauvais exemple sur la France»;
  • le non sens de cette mesure soulignée: «ce n’est pas les heures qui manquent pour acheter, c’est l’argent».
  • enfin les vendeuses-eurs sont conscients de l’effet boule de neige de la mesure: «il faudrait ouvrir les administrations, les postes, les banques!»


La détermination du personnel de vente à s’opposer à la modification de l’horaire d’ouverture le samedi est forte. Sur la base de cette consultation, les syndicats de ce secteur se sont opposés à la proposition des employeurs. Gageons cependant que ceux-ci vont poursuivre leur guerre d’usure: le débat et la mobilisation des salarié-e-s concernés constituent un atout indispensable pour y faire face!


Jean-Michel Dolivo