Précarité, bas salaires: basta! Une grève décolle… à Easyjet

Précarité, bas salaires: basta! Une grève décolle… à Easyjet

Suite à trois assemblées ayant regroupé nombre d’employé-es de EasyJet à Genève, une grève d’avertissement a été déclenchée le 31 janvier 2003 à l’aéroport de Cointrin. L’arrêt de travail a duré 4 heures et perturbé l’ensemble du trafic de la compagnie. C’est une première à Genève, en effet c’est le personnel d’un secteur frappé de plein fouet par la déréglementation néolibérale et soumis à des conditions de travail ultra précaires – à la McDonald’s – qui se met ainsi en mouvement.


Il y a deux ans, des discussions avec les responsables de l’entreprise ont eu lieu au moment où celle-ci a sollicité et obtenu l’autorisation de la direction de l’aéroport de Genève pour effectuer son propre handling, soit l’enregisterment, le traitement et la manutention des bagages jusqu’à sa mise en soute dans les avions.


A cette époque, il aura fallu deux rendez-vous pour que Monsieur Jean-Marc Thévenaz, directeur général d’EasyJet (Switzerland) signifie aux représentants syndicaux que les salaires seraient alignés sur ceux de Jet Aviation, l’une des deux autres entreprise qui s’occupe de handling à Cointrin, ceci conformément à l’engagement écrit pris envers la direction de l’aéroport.

Sous-enchère salariale

Mais le directeur d’EasyJet anonçait parallèlement et de manière unilatérale que l’ensemble des «primes» (points de nuit, 13e salaires, etc.) seraient intégrées aux salaires. Les représentants du Syndicat des Services publics (SSP/Vpod) avaient alors exprimé leur mécontentement devant ce paquet ficelé.


Depuis, il a été constaté par le personnel responsable du handling (120 personnes) que l’entreprise n’avait respecté, ni la progression salariale prévue dans la grille salariale de Jet Aviation, ni les positions de cette grille, ni même suivi l’indexation des salaires à l’exception de l’an dernier (+0,7% dès le 1er avril). De plus, des retards et des incongruités ont été dénoncées quant au payement des salaires. Cette politique salariale n’a rien d’étonnant, ces patrons profitent en effet du chômage croissant pour organiser la rotation du personnel et systématiser la sous enchère salariale.

Dix revendications


C’est pourquoi, les travailleuses-eurs ont demandé un rendez-vous pour négocier le cahier de revendications suivant:

  • introduction de points de nuit, du dimanche et des jours fériés;
  • respect des 26 dimanches par année de congés prévus par la loi sur le travail;
  • octroi d’une cinquième semaine de vacances;
  • introduction du 13ème salaire;
  • grille salariale avec progression par échelons de 3% (dès le 1er janvier), indexée automatiquement;
  • prime liée à la marche des affaires de l’entreprise;
  • primes de formation pour les formateurs;
  • élection d’une commission du personnel au suffrage universel;
  • transparence concernant le fonctionnement de la caisse de pension (LPP) et la perception des primes;
  • engagement d’un chef du personnel compétent.

Parallèlement à cette lettre, qui fut envoyée pour demander que s’engagent de vraies négociations, une assemblée générale a eu lieu pour que le personnel décide, le cas échéant, d’une éventuelle grève en vue de faire aboutir ces revendications. En effet, lors des réunions réunissant le personnel, il est apparu que bon nombre d’entre eux avaient déjà revendiqué, sans succès, ces améliorations salariales et sociales légitimes (200 millions de bénéfices de l’entreprise en 2000!) et qu’ils estimaient – collectivement – qu’il y avait guère de chance de les faire aboutir sans une mobilisation et un coup de semonce.

Sorry we are on strike!

Pourtant, fidèle à la politique antisyndicale de cette entreprise transnationale, la direction refusa d’engager de véritables négociations. C’est ainsi qu’un débrayage de 4 heures fut décidé et mené à bien. Ce fut un véritable succès! Plus de 60 employé-e-s ont ouvertement bravé les interdictions multiples de faire grève distillées par la direction. (Sans parler de celle et ceux qui traînèrent les pieds et de celle et ceux qui croisèrent les bras devant leur poste de travail.) Tous-Toutes uni-e-s, les grévistes se réunirent devant les 10 postes l’enregistrement des bagages d’EasyJet et bloquèrent toutes les opérations. Certains passagers se solidarisèrent même avec le mouvement.


La reconstruction de l’activité syndicale passe, non seulement par la défense pied à pied des intérêts de tout le personnel dans les entreprises, mais aussi et surtout par l’implantation de l’activité syndicale dans ces boîtes qui flexibilisent au maximum le travail. Cette tâche est ardue du simple fait que la majorité du personnel n’est pas sûre de pouvoir travailler le mois suivant.


Les responsables de ces entreprises ont bien compris qu’en organisant une rotation effrénée du personnel ils économisent sur les coûts de formation, ils forcent le personnel à travailler en sous effectifs, et surtout se prémunissent contre toute augmentation de salaire en empêchant le personnel de s’unir et d’agir collectivement dans la durée. Cette action syndicale déterminée et la ligne syndicale combative qui y a contribué montrent la voie pour que la lutte indispensable des travailleuses-travailleurs se développe dans ce type de secteurs!


Rémy PAGANI