Guerre au Congo: 3 millions de morts, rivalités ethniques ou impérialistes?
Guerre au Congo: 3 millions de morts, rivalités ethniques ou impérialistes?
La guerre qui a ravagé le Congo-Kinshasa pendant cinq ans a été probablement la plus meurtrière quait connue lhumanité depuis la Seconde guerre mondiale. A en croire des ONGs comme International Rescue Committee ou Amnesty International, elle aurait causé la mort denviron 3 millions de personnes (victimes directes et indirectes des combats), déplacé 2,5 millions dautres et abouti au viol de milliers de femmes, ceci dans lindifférence générale de la communauté Internationale, de la grande presse, voire même du mouvement pour la paix.1
Suite au cri dalarme lancé par le médiateur Ketumile Masire, ex-président du Botswana, le Premier ministre belge, Louis Michel, avait bien versé quelques larmes de crocodile: «LAfrique est un continent mortifié, ignoré, abandonné, méprisé. Cest scandaleux.» La communauté internationale, dont la Belgique dailleurs, a exploité lAfrique par le passé… Pourquoi est-ce que subitement la communauté internationale soccupe du Kosovo en déversant des milliards sur ce pays dun million dhabitants, alors que la guerre dans les Grands Lacs est continentale et a fait plus de 3 millions de morts depuis 1995?»2. Finalement, après sêtre occupée daffaires plus sérieuses,la communauté internationale a soutenu luvre pacificatrice de la France3.
Nous allons tenter ici dexpliquer les enjeux de ce conflit extrêmement meurtrier, qui a plus à voir avec la mondialisation capitaliste dhier et daujourdhui en raison notamment de lexploitation dun métal essentiel pour la filière micro-électronique civile et militaire, le coltan (colombo-tantale) quavec les antagonismes tribaux du continent noir.
Les années 90 ont été celles de la «démocratisation» de lAfrique subsaharienne. Des peuples, longtemps exclus de la scène politique, sinon comme témoins de lauto-consécration de régimes monopartistes, se sont trouvés ainsi «libres» de soutenir des forces différentes, avec la restauration du multipartisme4. Pourtant, cette «démocratisation» politique a pu favoriser léclatement de guerres civiles; dans certains cas, elle na pas réussi à les empêcher (Angola5, Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Côte dIvoire, Liberia).
Origines coloniales des guerres ethniques
Ces conflits, étiquetées «ethniques» ou «tribaux», ont été décrits comme des résurgences de lAfrique pré-moderne. Par exemple, la guerre au Congo-Kinshasa, sexpliquerait par des violences ethniques du fait des milices rivales hema et lendu à Bunia (capitale du district de lIturi, dans la Province Orientale). Seule lintervention humanitaire de larmée française, sous mandat de lUnion Européenne et de lONU, aurait mis fin à ce carnage.
Certes, le caractère ethnique des massacres est indéniable: les témoins affirment que des Hema tuent des Lendu à Bunia, après avoir été eux-mêmes victimes des Lendu. Ce cycle infernal a commencé en 1999, avec la participation dautres ethnies du district. Dès le XIXe siècle, la rivalité de ces deux ethnies était expliquée par lincompatibilité de leurs cultures: les Hema, considérés comme Hamites, à linstar des Tutsi du Burundi et du Rwanda, ou des Hima de lOuganda, sopposeraient ainsi aux Lendu, des Bantous comme les Hutu du Burundi et du Rwanda, ainsi que nombre dautres peuples de la République Démocratique du Congo, auxquels on ajoutera les Pygmées, dont les Twa du Burundi et du Rwanda. Les premiers, de tradition pastorale et venus dailleurs, seraient «supérieurs» aux seconds, danciens agriculteurs autochtones. Une classification coloniale hiérarchisée, qui va structurer à son tour la coexistence de ces peuples. Sans elle, on ne peut comprendre les guerres ethniques de la région des Grands Lacs (Est du Congo-Kinshasa ex-Congo-Belge, puis Zaïre , Burundi, Ouganda, Rwanda).
En fait, lhostilité meurtrière des Hema et des Lendu a commencé avec lintrusion des premiers sur les terres des seconds pour y faire paître leur bétail, avec le soutien des colons. Conflit dorigine foncière, entretenu par le favoritisme colonial à légard des Hema minoritaires, mais considérés comme plus proches «racialement» des blancs. Une hiérarchie cultivée par le mobutisme, loligarchie hema se confondant avec les gros fermiers du district de lIturi. Majoritaires, les Lendu fournissent lessentiel du prolétariat agro-pastoral et subissent le pouvoir des Hema sur ce quils considèrent être leurs terres ancestrales. En un siècle, Hema et Lendu se sont ainsi affrontés à maintes reprises.
Interventions de lOuganda et du Rwanda
Mais revenons aux circonstances précises de ce conflit. En août 1998, sous prétexte de sécuriser leurs frontières face aux rébellions «basées» en République Démocratique du Congo (RDC), les armées de lOuganda et du Rwanda, soutenues par celle du Burundi, envahissent lEst du pays. Elles sappuient sur des alliés locaux: une opposition politico-militaire composée danti-mobutistes déçus par le régime de L.-D. Kabila et de mobutistes, jusque-ici exilés, réunis dans le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). A ce secteur va se joindre le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), ainsi quune prolifération, par fractionnements successifs, de groupes politico-miltaires parrainés par le Rwanda et lOuganda. Ce front hétéroclite mènera une guerre ininterrompue, pendant cinq ans, aux armées congolaises, soutenues par lAngola, le Zimbabwe, la Namibie, ainsi que par différents groupes politico-militaires6. En réalité, lEst du Congo a été morcelé en fiefs qui recrutent leurs milices aussi bien sur des bases ethniques que multi-ethniques. Des factions du même camp peuvent ainsi se trouver en guerre pour lhégémonie.
Le Coltan, minerai dangereux ou cadeau du Père-Noël?Le Coltan (colombo-tantale) sert à produire le tantale, dont le pantoxide résiste extrêmement bien à la chaleur et à la corrosion. Il est utilisé dans les outils de précision, les avions et larmement, mais surtout dans les condensateurs de la filière micro-électronique, en particulier pour les jeux vidéos et les téléphones portables. Les plus gros producteurs sont le Brésil, lAustralie et le Canada. Pourtant, la pression de la demande est devenue si forte sur le marché mondial, que celui-ci sest tourné de plus en plus vers le Congo, malgré la guerre, suscitant des filières dexportation clandestines vers lEurope et lAsie. Le minerai de coltan contient de luranium. Au Congo, ses conditions dexploitation sont primitives et les éboulements mortels fréquents. Lors de son extraction, des déchets radioactifs sont inhalés par les mineurs, avant dêtre rejetés dans les rivières Le parc national du pays a été investi par les chercheurs de coltan, ce qui a conduit à lélimination dune grande partie de ses gorilles, éléphants et okapis. Pourtant, à Noël 2002, Sony na pas été en mesure de produire sa «Play Station 2» en séries suffisantes, faute de tantale, suscitant la colère des consommateurs/trices. (jb) |
Un nouveau cycle de violences ethniques, plus meurtrières, a donc commencé avec linvasion des armées rwandaise et ougandaise et les expropriations foncières qui en ont résulté, aux dépens des Lendu. Rappelons que les Tutsi (Rwanda) et les Hima (Ouganda), qui dominent ces appareils militaires, sont «apparentés» aux Hema. Et pour couronner le tout, le chef dEtat-major général de larmée ougandaise, James Kazini, a annoncé que le district de lIturi allait devenir une entité autonome, détachée de la Province Orientale de la RDC, sous domination hema, préparant peut-être lannexion pure et simple de lIturi à lOuganda.
Pourtant, comme nous allons le voir, cest dans un contexte travaillé par le conflit de puissants intérêts économiques locaux et internationaux, quil convient de comprendre lintervention permanente, particulièrement cruelle, des «milices ethniques».
Victimes ethniques et enjeux capitalistes
Comme dans tout lEst du Congo, les massacres en Ituri ont été rythmés par les rapports croisés des différents protagonistes de tous bords, articulés à de gros intérêts économiques. Véritable enjeu: le pillage des richesses naturelles du pays argent, cobalt, colombo-tantale, cuivre, diamant, étain, fer, or, uranium, zinc, etc. dont lexploitation a été pendant longtemps le privilège des oligarques de Kinshasa7.
Liés par leur anti-mobutisme, L.-D. Kabila, P. Kagame (Prés. du Rwanda) et Y. Museveni (Prés. de lOuganda) létaient aussi par des affaires communes: ils étaient co-propriétaires dès les premières conquêtes des zones minières, en 1996-97 dentreprises financières et commerciales promises à un bel avenir. Avec la prise du pouvoir à Kinshasa, ils sassuraient le contrôle exclusif des immenses richesses naturelles du Congo, de leur exploitation et de leur exportation. Ce partenariat était garanti par lassistance militaire ougando-rwandaise au nouveau régime, à laquelle L.-D. Kabila a cependant décidé de mettre fin, en juillet 1998, déclenchant ainsi tentative de putsch à Kinshasa, invasion et rébellion… Les Etats-majors militaires ougandais et rwandais se sont révélés de véritables gangs économico-mafieux, investis dans le trafic des produits miniers, pétroliers et agricoles, des cigarettes, des armes et de la fausse monnaie, des transports aériens, du secteur bancaire et des douanes.
Ainsi, les enquêtes onusiennes ont établi, par exemple, que loligarchie militaire rwandaise était propriétaire de Rwanda Metals et contrôlait bon nombre de comptoirs de produits pillés. Elle arrivait ainsi à réaliser un profit dau moins 15 millions de dollars par mois sur la vente du coltan (voir ci-contre). Dans lArmée ougandaise, cette oligarchie sincarnait particulièrement dans deux personnages: le Chef dEtat-major Général, James Kazini8, principal agent de linvasion militaire et de la création des formations politico-militaires congolaises, mais aussi patron de Trinity Investment, ainsi que le Général Salim Saleh, frère du président Museveni, souvent considéré comme le symbole du népotisme en Ouganda, patron entre autres du groupe Victoria. Ils agissaient en partenariat avec de vieux experts en la matière: les mobutistes9. Ainsi, derrière les milices ethniques très médiatisées, saccumulent et se reproduisent dénormes capitaux.
Intérêts et rivalités impérialistes
Il ne sagit pourtant pas daffaires exclusivement africaines. Car, en sous-main, ce sont des multinationales spécialisées dans lexploitation, la transformation et le commerce des minerais précieux, ainsi que des banques, qui intriguent et sont parmi les principaux bénéficiaires. Il n y a pas dindustries de pointe pour utiliser ces matières premières dans la région des Grands Lacs: cest toujours vers lOccident et lAfrique du Sud, voire lAsie, quils sont exportés. Des entreprises sud-africaines, belges, danoises, allemandes, britanniques, américaines, canadiennes, sont citées par les rapports onusiens. Déjà, la conquête du pouvoir par Kabila sétait accompagnée de concessions dexploitation minière, par exemple à lAmerican Minerals Fields Inc. (AMFI)10. Puis, le même Kabila sétait mis à réviser les contrats miniers signés par le régime mobutiste, voire à ne plus respecter ceux négociés par lui, notamment avec lAMFI, qui avait pourtant participé au financement de son armée avant la prise du pouvoir. Il accumulait ainsi des inimitiés qui ne sont pas étrangères à linvasion rwando-ougandaise11. Certaines chancelleries, comme celles de lAllemagne, ont aussi déployé une intense activité12. Quant à la Belgique, qui promettait de collaborer avec lONU, tout en émettant des réserves sur certains aspects de son rapport, elle a opté pour la «solidarité nationale»: le sénat de Bruxelles a considéré les preuves de limplication de 29 entreprises belges dans le pillage de la RDC comme insuffisantes13.
Lefficacité tardive de lintervention onusienne nest pas exempte non plus de motivations économiques. En dirigeant la Force Multinationale Intérimaire dUrgence à Bunia, la France fait de lhumanitaire intéressé. Dabord, elle peut, pour la première fois, se prévaloir dune bonne image dans lopinion congolaise, elle qui a toujours été du mauvais côté: mercenaires aux côtés de la sécession katangaise, soutien à Mobutu contre les maquis lumumbistes des années 60, parachutistes à Kolweizi en 1978, collaboration avec les génocidaires du «Hutu Power» rwandais et «mercenaires» contre les troupes de Kabila en 1996-1997. Tardivement, la France peut ainsi améliorer ses relations avec le nouveau régime, profitant des difficultés de celui-ci avec ses premiers alliés14.
La France na jamais caché son soutien à Joseph Kabila, fils de Laurent-Désiré, assassiné en janvier 2001, y compris dans ses relations avec les institutions financières internationales. Par ailleurs, vu la baisse de la tension congolo-ougandaise, à la veille de lintervention française15, et les bonnes relations de Jean-Pierre Mbemba (lun des deux Vice-présidents) avec le réseau françafricain, les intérêts de Paris dans la région ne seront pas lésés par le gouvernement de «réconciliation nationale». Très présent déjà dans la distribution des hydrocarbures au Congo-Kinshasa, Total nest pas indifférente non plus aux réserves pétrolières de lIturi, déjà prospectées pendant la guerre par la compagnie canadienne Heritage Oil, sous la protection dune société privée de Salim Saleh.
Instabilité politique et brutalisation néolibérale
Avec la pénible institution dun gouvernement d«unité nationale» de transition, la «Communauté nationale» serait arrivée à mettre un terme à cette guerre très meurtrière. Mais, il y a déjà des grincements de dents. LUnion Démocratique pour le Progrès Social (UDPS) dEtienne Tshisekedi, considérée comme le principal parti de lopposition non-armée, ne participe pas au gouvernement parce quelle na pas reçu le poste de Vice-président. Il est à craindre que cette exclusion soit source de tensions à Kinshasa, où elle est bien implanté et dans le Kasaï diamantifère, son principal fief. Le Mouvement National Congolais Lumumba, dirigé par François Lumumba, fils de Patrice Lumumba, dans lopposition depuis Mobutu, se considère aussi injustement exclu: il dénonce le choix de critères régionaux ou ethniques, plutôt que de «compétences», dans la constitution du gouvernement. Cependant, le plus à craindre, vu la composition du gouvernement actuel (mouvements et individus), cest que la paix saccompagne dune consolidation de lorientation néolibérale, parrainée par la «communauté internationale».
Les institutions financières internationales, les Etats capitalistes développés et autres bailleurs de fonds ne cachent pas leur volonté douvrir plus encore le Congo aux intérêts étrangers. Joseph Kabila et ses Vice-présidents ont accumulé assez de richesses pour participer au partage des secteurs réservés aux privés nationaux dans le cadre de lextension de la privatisation-libéralisation. Ceci ne fera quaggraver la misère du peuple congolais. Cependant, il semble quil ny ait aucune véritable alternative à cette coalition gouvernementale. En effet, lexistence dune Coordination des Forces Nationalistes Révolutionnaires, qui se réclame encore largement de Kabila père16, même si elle dénonce à juste titre les intérêts qui dominent cette «réconciliation nationale», sous la tutelle de la «communauté internationale» Afrique du Sud comprise semble ne pas vraiment augurer de la construction dune force politique populaire et révolutionnaire, porteuse dun projet social et politique alternatif au néo-colonialisme et au néolibéralisme.
Ainsi, dans les coulisses des massacres «ethniques», règne lesprit du Capital, dont la barbarie a atteint des sommets en Afrique subsaharienne depuis le commerce triangulaire des XVIIe-XVIIIe siècles. Dans le dernier tiers du XIXe siècle, le Congo est au centre de ses préoccupations: sa richesse minière en fait le sujet principal de la Conférence de Berlin, dite du partage de lAfrique (1885), qui confirme son appropriation par le roi des Belges, Léopold II, avec le soutien des Etats-Unis dAmérique. Pour garantir lexploitation de ce domaine privé, le bon roi conduit un véritable génocide: des millions de morts, des mutilations (mains coupées), des viols, etc. Après quoi, lindépendance narrête pas la saignée du peuple congolais: assassinat de Patrice Lumumba, sécessions du Katanga et du sud-Kasaï, inspirées par la coalition belgo-étasunienne, pouvoir discrétionnaire des entreprises minières, trois décennies de dictature mobutiste, etc. Ainsi, linvasion ougando-rwandaise et les cinq années de guerre à lEst ne sont quun épisode de plus. Le peuple congolais, déjà paupérisé par le mobutisme, fait à nouveau les frais de conflits entre intérêts impérialistes.
Jean NANGA
- La Mission de lONU au Congo (MONUC) est particulièrement insignifiante: 7800 hommes, contre 42000 au Kosovo. A noter que le silence du mouvement anti-guerre international explique peut-être la méfiance de certains Africains à son égard.
- Marchés Tropicaux et Méditerranéens, n° 2997,18 avril 2003, pp. 821-822.
- Linefficacité de la MONUC et la direction française de la Mission Artémis ont davantage discrédité lONU dans ce pays, où elle avait déjà brillé par son inefficacité, quatre décennies auparavant, en nayant pu empêcher la destitution et lassassinat de Patrice Lumumba. Ce dernier étant alors sous la protection, entre autres, des troupes ghanéennes de lONU. Léchec de lONU avait été symbolisée par la mort «accidentelle», au-dessus de la Zambie, de son Secrétaire Général, Dag Hammarskjöld, de retour du Congo en 1961.
- En Ouganda, il nexiste pas encore de multipartisme mais des élections au cours desquelles les candidats du parti unique au pouvoir sont confrontés à des chalangers sans formation politique.
- La guerre angolaise a pris fin au lendemain de la mort du chef de lUNITA (Union pour lIndépendance Totale de lAngola), Jonas Savimbi, en février 2002. Elle avait commencé après les élections de 1992, la direction de lUNITA nayant pas accepté les résultats du premier tour des présidentielles, même si elle a conservé une fraction parlementaire à Luanda.
- En mai 1997, Mobutu sexile, à larrivée des troupes de lAlliance des Forces Démocratiques de Libération (AFDL), dirigée par L.-D. Kabila, après près dun an dune guerre partie de lEst. Kabila est un ancien militant lumumbiste, qui a dirigé un maquis après lassassinat de Lumumba et refusé pendant trois décennies tout compromis avec le régime de Mobutu. Sa victoire militaire est due en grande partie au soutien des armées dAngola, dOuganda, du Rwanda. Après son assassinat, en janvier 2001, son fils Joseph lui succède à la présidence de la RDC.
- Les rapports des missions denquête de lONU confirment lopinion populaire congolaise: dans les zones sous contrôle gouvernemental, comme dans celles contrôlées par les rebelles et leurs parrains ougandais et rwandais, les entrepreneurs politico-militaires sont aussi des entrepreneurs économiques.
- Celui-ci venait dêtre relevé de son poste et attendait une comparution devant le tribunal militaire ougandais, suite aux «révélations» des experts de lONU. Pendant la période de linvasion et du pillage du Congo, les rapports de James Kazini et de Salim Saleh, avaient pu parfois déboucher sur une rivalité ouverte, matérialisée par des affrontements entre les milices congolaises sous leur contrôle.
- Le principal associé de Kazini nétait autre que le n° 2 du RCD-ML John Tibisima, ex-député et PDG mobutiste de lOffice des mines dor de Kilo Moto. Le leader du MLC, parrainé par lOuganda, Jean-Pierre Mbemba actuellement lun des vice-présidents du gouvernement congolais est de tous les trafics aussi bien en direction de lOuganda que de la Centrafrique. Cest un enfant du sérail, fils du chef du patronat zaïrois sous Mobutu, Mbemba Saolona. Celui-ci était devenu par la grâce de lalchimie patriotique congolaise, ministre du gouvernement de L.-D. Kabila, après avoir été accusé de tous les trafics et malversations possibles par la Conférence Nationale Souveraine (1990-1992), et incarcéré par le régime de Kabila père en 1997. Une réhabilitation qui cache mal la recomposition des alliances affairistes de Kabila. Son ministre Victor Mpoyo est aussi un habitué de certains milieux daffaires internationaux et maître doeuvre des joint venture avec les capitaux zimbabwéens et angolais.
- Pierre Baracyetse, Lenjeu géopolitique des sociétés minières internationales en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), Buzet (Belgique), décembre 1999. Bonnie Campbell, Les intérêts miniers canadiens et les droits de la personne en Afrique dans le cadre de la mondialisation», Université du Québec à Montréal, CIDPDD, 1999. Jean Nanga, «Les défis du nouveau pouvoir», Inprecor, n°417, octobre 1997.
- Parmi les entreprises lésées par Kabila, la Barrick Gold Corporation, 2e producteur mondial dor (Georges Bush père et Brian Mulroney ex-premier ministre canadien sont membres de son conseil dadministration). Elle projette un partenariat avec Caled International, qui appartient à Salim Saleh, frère du président ougandais (cf. Pierre Baracyetse, op. cit.).
- Les experts onusiens rapportent que lAllemagne a soutenu ses entreprises du pyrochlore et du coltan en RDC occupée (Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the Democratic Republic of the Congo, p.23).
- Marchés Tropicaux et Méditérranéens, n° 2990, 28 février 2003, p. 461. Dans un article du Courrier International intitulé «Des pillards au pouvoir», il est question «du gouvernement belge, dont plusieurs représentants ont encouragé lorganisme étatique dassurance-crédit, le DUCROIRE, à accorder sa couverture à un emprunt du groupe Forrest, mis en cause dans le rapport de lONU, pour le financement du projet dexploitation des terrils de Lubumbashi. Dautant que lancien secrétaire dEtat au commerce et actuel président de la chambre des représentants, Pierre Chevalier, ainsi que le chef de cabinet du Ministre de lemploi, Jean-Claude Marcourt, siègent tous deux dans le conseil dadministration du groupe Forrest, qui rejette comme diffamatoires les accusations portées à son encontre» (12 juin 2003). Dans la province du Katanga, le patron du groupe Forrest des Belges dorigine australienne établis au Congo est toujours considéré comme le vice-roi, vu létendue de son empire économique.
- Sans nourrir dillusion sur le soudain humanitarisme franco-européen, on ne peut sempêcher de se demander pourquoi les Etats-Unis se sont opposés à lélargissement du mandat des forces de maintien de la paix, demandé par la France et par certains Etats africains, lors de la réunion du Conseil de Sécurité de lONU, le jeudi 19 juin 2003.
- Que la base arrière de la mission Artemis soit située en Ouganda nest pas négligeable, vu lhistoire tumultueuse des relations entre la France et lOuganda, surtout depuis 1990, avec le début de la guerre entre larmée rwandaise de Habyarimana, soutenue par Paris, et celle du Front Patriotrique Rwandais, dirigée par Paul Kagame (ex-officier supérieur), venue dOuganda et soutenue par le régime de Museveni. En 1997, à Kisangani, les troupes françaises, maquillées en mercenaires, avaient affronté les troupes ougandaises, qui soutenaient celles de Kabila, pour le compte de Mobutu.
- Ce front regroupe des kabilistes, des lumumbistes et des mulelistes. Pierre Mulelé a été ministre de lEducation de Lumumba; après une formation militaire en Chine, il a dirigé lun des maquis lumumbistes des années 60. Replié par la suite au Congo-Brazzaville, il a été naïvement livré à Mobutu par le gouvernement de Brazzaville, qui avait reçu la garantie dune réconciliation nationale. La Coordination a fait connaître son existence par la diffusion, à plusieurs milliers dexemplaires, dun tract signé par 14 organisations, à Kinshasa et dans dautres villes, le 15 décembre 2002. On y retrouve ainsi le Front des Patriotes Congolais dirigé par Jean-Baptiste Sondji ancien leader de la jeunesse estudiantine, opposant révolutionnaire kinois à Mobutu, puis ministre de la santé (cardio-chirurgien) de Kabila, démissionné au début de la guerre, ainsi que le PAREMA (le parti des guerriers Maï-Maï) du Général Padiri… A noter que la référence à Kabila, en tant que nationaliste et révolutionnaire, ne peut que susciter le scepticisme sur la radicalité de ce front.