Allpack: grévistes à la rue
Allpack: grévistes à la rue
La grève dune bonne semaine chez Allpack à Reinach (BL) sest terminée par lacceptation dune proposition daccord par le syndicat Comedia et par les grévistes. Au bilan: Comedia pourra négocier une dentreprise avec la direction, mais tous les grévistes restent licenciés et devront probablement aller timbrer au chômage lan prochain. Les raisons de ce mauvais résultat de la grève doivent être analysées afin déviter de tels échecs à lavenir.
Même si la grève a été déclenchée dans des conditions de départ difficiles lexpérience de sa conduite, ainsi quune nouvelle stratégie aurait pu mener à de meilleurs résultats. Lévaluation erronée des dirigeants de la grève du côté de Comedia, selon laquelle il sagirait dune grève courte, pouvant conduire à un succès rapide, a fait des ravages quant à la stratégie de lutte. La méconnaissance de la situation locale, le sectarisme de gauche et linexpérience étaient patents, dès les premiers jours de grève, et ont été largement responsable de son échec.
Situation de départ difficile
Lentreprise demballage Alllpack est située au fond dune nouvelle zone industrielle dans une banlieue bâloise. Au-delà de cette zone commence la forêt et en dehors des autos des employé-e-s et des camions de livraison il ny passe pratiquement personne. Même les nombreux sympathisant-e-s de la région bâloise se déplaçant pour soutenir les piquets de grève devaient étudier plans et horaires, avant de se mettre en route, pour découvrir où se situe la zone industrielle de Kägen à Reinach et comment latteindre.
Son site décentré est significatif pour lentreprise. Les grosses entreprises comme Novartis ou la Migros ont externalisé lemballage de leurs marchandises en le confiant à des fournisseurs meilleurs marché. A emballages au plus bas prix possible, correspondent des conditions de travail particulièrement précaires. Dans les ateliers règne un mentalité esclavagiste. Quiconque proteste se voit rapidement licencié. Quand les employé-e-s se plaignent de problèmes sanitaires aigus et vont chez le médecin pour cause déruptions cutanées et dautres maladies, ils sont la cible de moqueries, traités de mauviettes, et menacés de licenciement, pour les forcer à reprendre des travaux particulièrement malsains. Le patron sintéresse ouvertement bien plus à ses limousines de luxe et à ses voitures de sport quaux prescriptions de sécurité ou dhygiène concernant lemballage de médicaments et daliments. Cest le royaume de largent et des voitures rapides, avec lappui de grandes firmes.
Le propriétaire de lentreprise a réagi à la grève selon ses méthodes habituelles. Qui ne se soumettait pas se voyait licencié. Après deux jours de grève déjà, les travailleur-euses ont vu arriver chez eux les avis de licenciement. Le patron organisa très rapidement une escouade de briseurs de grève et mit sur pied son propre «service dordre» quand la police névacua pas immédiatement les piquets de grève.
Ce fleuron de la «nouvelle économie» a été naturellement soutenu avec enthousiasme par le gouvernement cantonal, dominé par les Radicaux et lUDC. Après une semaine de grève, on vit débouler la police, en grande tenue de combat, pour ouvrir le chemin aux briseurs de grève. La manif contre cet assaut policier a ensuite été «encadrée» par des centaines de policiers en provenance de divers cantons.
Arrêtons les machines… dehors prolétaires
Dans cette «nouvelle économie» ce nest pas par une attitude romantique, fut-elle de gauche, concernant les grèves quon peut les gagner. Lévaluation erronée de la durée de la grève par la direction de celle-ci, composée principalement de syndicalistes de gauche, reflète une méconnaissance de la réalité. On aurait dû demblée chercher à étendre la lutte aux autres entreprises du même patron. Lautre fabrique vers laquelle le patron a déplacé une partie de la production touchée par la grève était à deux pas, visible depuis les piquets de grève des travailleurs-euses dAllpack. Les grévistes pouvaient ainsi voir comment on y travaillait. En outre, malgré des offres daides venues de différents côtés, la lutte na pas été étendue pour prendre en compte dautres questions. La mise en danger des consommateurs à travers la sécurité défaillante de la production demballages na pas été incluse dans la stratégie de soutien à la grève. Pourtant des spécialistes de lalimentation et des responsables du secteur chimie du SIB de proposaient dagir en direction des clients dAllpack et des organisations de consommateurs-trices au profit de la grève. Les mauvaises conditions sanitaires dans lentreprise étaient bien documentées, ainsi on aurait pu exercer une pression certaine sur celle-ci par un travail public élargissant la problématique de la grève. Rien de cela na été entrepris. On na pas prêté attention au fait que les grévistes même sans modification de leurs conditions de travail concrètes ne se sont vus offrir aucune perspective de retour dans lentreprise.
Cette direction malheureuse de la grève fut en outre renforcée par un certain sectarisme de nos camarades du MPS qui, comme à loccasion de laction de protestation à Lausanne contre les mesures daustérité du gouvernement, ont utilisé leur influence dans certains appareils syndicaux à des fins partisanes discutables.
La grève à Allpack a affaibli la gauche syndicale. Le mauvais résultat de celle-ci est de nature à décourager dautres grévistes potentiels. La gauche syndicale apparaît ainsi comme passéiste, nayant pas de contre-stratégie combative et porteuse de succès contre les nouvelles stratégies patronales de précarisation des conditions de travail et contre les mesures répressives et anti-grèves mis en uvre par lEtat.
Urs DIETHELM