Gioconda Belli: récit d’une vie au coeur de la révolution

Gioconda Belli: récit d’une vie au coeur de la révolution

Grève

Je veux une grève où nous irions tous.
Une grève de bras, de jambes, de cheveux.
Une grève naissant dans chaque corps.

Je veux une grève
d’ouvriers,de colombes
de chauffeurs, de fleurs
de techniciens, d’enfants,
de médecins, de femmes.

Je veux une grève grande,
qui s’étende jusqu’à l’amour.
Je veux une grève ou tout s’arrête
la montre, les fabriques,
la plantation, les écoles,
le bus, les hôpitaux,
la route, les ports.

Une grève d’yeux, de mains et de baisers.
Une grève où respirer ne soit pas permis
Une grève où naisse le silence
Pour entendre les pas du tyran qui s’en va.

Gioconda BELLI

Gioconda Belli est surtout connue en sa qualité de poète et d’écrivaine. Sa plume, comme sa vie, elle l’a mise au service de la révolution. Membre active du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) dès 1970, elle a participé activement, neuf ans plus tard, au renversement de la dictature de Somoza.

Issue d’une famille bourgeoise, Gioconda Belli va très rapidement s’affirmer en tant que femme, indépendante et fière de sa féminité. Toute sa vie durant, elle refusera les carcans de la conception patriarcale du couple et assumera ses désirs, ses amours, divers, parfois rudes, mais toujours authentiques. Sa conception de la famille, profondément ancrée dans la libre émancipation de chacun de ses membres dans un cadre de solidarité et non de rapports de pouvoir, est sa première rupture avec la société bourgeoise dans laquelle elle a grandit.

Dans ses «Mémoires d’amour et de guerre»1, elle raconte sa vie de militante, qui débute à 21 ans lorsqu’elle rejoint le FSLN dans la clandestinité. Elle évoque la difficile lutte menée par les sandinistes, la répression, l’exile, la perte de camarades chers, mais aussi l’exaltation de mener un combat pour des idéaux qui l’ont à jamais transformée, la joie de retourner avec ses filles à Managua, enfin libérée de la tyrannie. Elle parle aussi beaucoup d’amour, de ces hommes qu’elle a tant aimé, Marcos, Sergio, Modesto, Charlie…

Et quand bien même la lente et douloureuse dérive du FSLN, sous la direction des frères Ortega, l’a profondément blessée, Gioconda Belli ne renie rien de son passé. «L’important n’est pas de voir tous ses rêves accomplis, mais de les poursuivre, de les harceler, de les rêver».

Erik GROBET

  1. Gioconda Belli, Le Pays que j’ai dans la peau – Mémoires d’amour et de guerre, Bibliophane, Paris, 2003.