NON à la casse du service public et des assurances sociales
NON à la casse du service public et des assurances sociales
La casse du social et des services publics a été annoncée dès 1995 par le «Livre blanc» de David de Pury et consorts. «Les dirigeants des corporations multinationales doivent en faire plus» et «endosser le rôle dhommes dEtat» écrivait celui-ci dans le New York Herald Tribune, peu avant sa mort, en réaction aux «périls» incarnés par la contestation altermondialiste depuis Seattle.
En Suisse, dès 1999, quatorze multinationales créent Avenir Suisse, une fondation au capital dune cinquantaine de millions de francs. Son but: «sensibiliser les différents milieux aux problèmes quelle juge opportun daborder» et conduire «à leur inclusion rapide dans lordre du jour des processus décisionnels.»
Et lorsque ces «processus décisionnels» ne donnent pas pleinement satisfaction à la droite patronale, comme au lendemain de la victoire du 16 mai dernier contre le paquet de cadeaux fiscaux aux riches et contre lélévation de lâge de la retraite des femmes, Avenir Suisse affirme sans sourciller: «On devrait diminuer le pouvoir des électeurs » et revendique «moins de droits démocratiques» en critiquant ce «pouvoir de veto incongru et exotique qui empêche de conduire les réformes ». Ces «réformes», ce sont celles que revendique economiesuisse, une autre officine patronale dans sa feuille de route néolibérale, parue il y a deux ans: 108 pages et 300 propositions pour sattaquer au rôle de lEtat dans tous les domaines!
Noirs desseins et nouveau «livre blanc»
Au programme, notamment: réduire laide au développement, limiter les effectifs des enseignants, restreindre laccès aux universités, financer les écoles selon leurs «résultats», augmenter les taxes détude, limiter lengagement public dans la recherche, promouvoir les baisses dimpôts afin denrayer les nouvelles dépenses, conserver des primes dassurance-maladie par tête et limiter la couverture de lassurance de base, supprimer les subventions publiques aux hôpitaux, créer une police intercantonale, refuser que les impôts financent les assurances sociales, relever lâge de la retraite, adapter le moins possible les rentes au coût de la vie, allonger la durée de cotisation et réduire les indemnités de chômage, traiter «plus vite» les demandes dasile, financer et exploiter des routes par le privé, «optimiser» les subventions aux CFF, faire rentrer le secteur privé dans les transports publics locaux, favoriser les concentrations dans lagriculture, limiter lintervention de lEtat en matière de politique énergétique et dans tous les domaines économiques, développer les mandats de prestation et les enveloppes budgétaires
Faire payer les chômeurs
Dans tous les domaines la réalité tend à rejoindre les scénarios patronaux, aussi «provocateurs» et «irréalistes» quils puissent paraître au moment de leur publication. Petit tour dhorizon non exhaustif.
La deuxième révision de la loi sur lassurance chômage a privé celle-ci de plus de 2 milliards par an, soit 1/3 de ses recettes. Les chômeurs-euses doivent ainsi cotiser 12 mois au lieu de 6 pour avoir droit à 400 indemnités journalières au lieu de 520. En les forçant 6 mois plus vite à accepter des postes prétendument «convenables», mais précaires et à bas salaire, la révision a renforcé la dérégulation et la concurrence sur le marché de lemploi, au détriment de tous les employé-e-s, de leurs salaires et de leurs conditions de travail.
Santé aux enchères
En matière dassurance-maladie, la droite na cessé de crier à l«explosion des coûts», alors quen fait la hausse régulière des coûts a été reportée pendant trente ans sur les ménages, tandis que la part des pouvoirs publics na cessé de diminuer depuis 1971! La LAMal a mis en concurrence caisses-maladie et fournisseurs de soins, mais na pas empêché la hausse continuelle des primes. La révision de cette loi veut introduire de nouveaux mécanismes de marché qui laisseraient lavenir du système de soins aux mains des assureurs privés! Alors que la solution dune caisse unique nationale simpose, sur le modèle de lassurance accidents de la CNA/SUVA, avec des primes en fonction du revenu, le Conseil fédéral a chargé un professeur de luniversité de St Gall, apôtre des privatisations, de «déterminer les coûts et les profits dune CNA privatisée» et entend se pencher sous peu sur les résultats de cette étude.
AVS-AI au rabais
Depuis lintroduction de lAVS en 1947, la droite et les milieux patronaux se sont battus pour des rentes au rabais, voulant favoriser lépargne forcée. Avec lappui du PSS, lintroduction du système à trois piliers a mis un frein au principe de la répartition, ouvrant la voie à la privatisation des retraites et à la capitalisation individuelle. Avec la flexibilisation du taux de rendement et la priorité aux cotisations, les salarié-e-s paient les pertes, et nont plus de garanties sur les prestations. De plus, la capitalisation ne garantit pas lindexation des rentes. Le système du 2e pilier a montré son vrai visage: un bassin daccumulation pour les investisseurs qui enferme les salarié-es dans la logique capitaliste: privatisation des profits et socialisation des pertes. Aujourdhui, malgré le refus populaire de la 11e révision-régression de lAVS, le Conseil fédéral garde le cap: préparation dune nouvelle révision axée sur une prétendue «consolidation financière» au dépens des rentiers-ères
Pour lassurance-invalidité (AI), même programme: réduction des rentes et augmentation de la durée de cotisation donnant droit aux prestations sont au menu de la prochaine révision. Sans parler du transfert de responsabilités aux cantons, prévu par la nouvelle répartition des tâches avec la Confédération (RPT), sur laquelle on votera le 28 novembre, qui favoriserait les inégalités régionales et les baisses de prestations.
Formation à trois vitesses
Dans ce domaine, les provocations pullulent: taxes universitaires à 5000 francs par an, soumission de la politique de recherche aux offres de «partenariat» de léconomie privée, appel à des pôles dexcellence qui rafleraient tous les budgets et laisseraient la majorité sur le carreau, développement dun système de hautes écoles à trois vitesses: avec des unités de pointe, compétitives à léchelle mondiale (en anglais), une formation supérieure, surtout pratique, de portée européenne et une formation professionnelle nationale
Poste télécoms: rentabiliser!
Fin avril 1997, les Chambres approuvaient à une écrasante majorité quatre lois visant à démanteler les PTT et à entamer un processus de libéralisation-privatisation, pour le plus grand bénéfice des multinationales du secteur. Nous avions dénoncé les conséquences de la scission de cette régie publique en deux entreprises La Poste et Swisscom soumises aux règles du privé, et lancé un référendum, qui na malheureusement pas abouti. On a vite vu les effets désastreux de cette «restructuration» du service public: suppressions demplois massives, dégradation des conditions de travail, baisse des prestations, files dattente dans les postes, fermetures de bureaux, augmentation des tarifs! Depuis lors, le processus de fragmentation et de privatisation se poursuit: la distribution des lettres et paquets est «libéralisée». Dans les télécoms, on sattaque maintenant au «dernier kilomètre» du réseau Swisscom
Rail: sur le modèle anglais
En matière ferroviaire, les CFF ont été transformées en SA, avec séparation de linfrastructure et de lexploitation. On a scindé les «activités» entre voyageurs «grandes lignes», trafic régional (payé par les cantons) et CFF Cargo. Les gares «fantômes» sans personnel se multiplient Et demain, on pourra voir tel «opérateur» privé faire rouler «ses» trains avec ses propres mécaniciens à bas prix et à faible qualification. On roule à tombeaux ouverts vers le «modèle» britannique: dégradation du réseau, des services et de la sécurité
Electricité: volonté populaire bafouée
La libéralisation-privatisation du secteur électrique a été marquée par une bataille victorieuse, suite au référendum que nous avons impulsé. Le refus en votation populaire, il y a deux ans, de la «Loi sur le marché de lélectricité» na pas empêché le Conseil fédéral et les Chambres de remettre sur le métier un projet qui mine le service public. Résultat: les réseaux seraient délaissés et les pannes se multiplieraient, conduisant aux black-outs à la californienne. Là-bas, ce sont les Enron et compagnie qui se sont mis des dizaines de milliards dans les poches. On crée ainsi les conditions dune spéculation au détriment des petits consommateurs et on prépare la suppression de milliers de postes de travail. Cette «réforme» liquiderait le principe même dune politique axée sur les énergies renouvelables et mène au bradage des barrages
Leau en ligne de mire
Contre la LME, le comité référendaire a adopté une plateforme «sopposant fondamentalement à la libéralisation et à la privatisation de lapprovisionnement en électricité». Son but: dire non à laménagement du marché, affirmant que «réseaux et grandes centrales doivent être intégralement entre les mains des pouvoirs publics […] et soumis à un contrôle public et démocratique», la loi devant «garantir la sécurité dapprovisionnement» avec des objectifs sociaux et écologiques clairs. Objectifs qui ont pour condition la défense dun monopole public sur ce bien vital qui fait lobjet dune offensive sans précédent mené sous le drapeau de la Commission de la concurrence (ComCo) et de la loi sur les cartels. Au-delà de cette bataille, cest le gaz et surtout leau qui seront dans le collimateur des privatiseurs.
Personnel corvéable
Cette ensemble dattaques supposait le démantèlement du statut des travailleurs-euses de la fonction publique, pour les précariser et diviser leurs rangs, avec la LPers à léchelon fédéral et ses avatars cantonaux, dont le dernier en date est le projet de la droite genevoise
On le voit, le tableau est sombre. Le rouleau compresseur néolibéral marche à plein régime, trop souvent avec la caution des directions du PSS. Raison de plus pour se battre pied à pied, pour ne rien laisser passer et travailler à la construction dun front dopposition sociale à de telles politiques néolibérales, chaque fois que cela est possible, à chaque sujet Cest dans le creuset dune telle résistance que peut et doit se dessiner le profil dune alternative au diktat des profits, une lalternative qui mette notre bien commun et nos besoins dabord.
Pierre VANEK