À qui s'en prend le Conseil d'État neuchâtelois?

À qui s’en prend le Conseil d’État neuchâtelois?

Fin décembre le Conseil d’Etat neuchâtelois s’est empressé d’introduire une série de mesures s’en prenant aux plus faibles, pour qu’elles prennent leurs effets dès janvier 2006. Ces mesures concrétisent le plan de législature 2006-2009, soutenu par une majorité du Grand Conseil (socialistes, libéraux, radicaux et UDC). Nous avons demandé à François Konrad, assistant social, élu de solidaritéS au Conseil Général de Neuchâtel, de nous en décrire les effets.

Qui sont les personnes touchées par les décisions du Conseil d’Etat?

Les bénéficiaires de l’aide sociale, de prestations complémentaires AVS/AI, les demandeurs d’asile et les personnes admises provisoirement, les femmes seules avec enfants, les femmes qui accouchent sans être au bénéfice d’une assurance maternité, une partie des personnes à bas revenus qui bénéficiaient d’une prise en charge partielle des primes d’assurance maternité. Bref toutes les personnes qui se trouvent au bas de l’échelle des revenus

Peux-tu décrire concrètement les conséquences de ces mesures?

Par exemple, une famille de 5 personnes (3 enfants) sans revenus autres que l’aide sociale bénéficiait jusqu’à aujourd’hui d’une allocation mensuelle de 2700 Fr. (à laquelle s’ajoutait la prise en charge du loyer et des primes d’assurance maladie). Cette allocation est réduite à 2325 Fr. Auparavant, les personnes à l’aide sociale bénéficiaient d’une prime de 200 Fr. par mois par adolescent-e en formation. Maintenant le montant est de 200 Fr., une seule fois pour les premiers enfants, et une seconde fois 200 Fr. pour le quatrième enfant et suivants. Ainsi, plus il y a d’enfants, plus la pénalité est grande. Une famille de 5 personnes perd en tout 775 Fr. soit 23% de son revenu!Une personne seule à l’aide sociale touchait un montant de 1060 Fr.: il passe à 960 Fr.

Les demandeurs d’asile et admis provisoirement voient leur aide, pour un adulte, passer de 480 Fr. à 455 Fr. mensuels (ils sont placés en appartements et la caisse maladie est prise en charge, mais comment vivre avec 455 Fr.?).

Une femmes divorcée avec enfant qui n’arrive pas à se faire verser la pension qui lui est due par son ex-conjoint bénéficiait (au maximum deux ans, après il n’y a plus rien) d’un subside de 400 Fr. par enfant, jusqu’à versement de la pension; ce montant est baissé à 386 Fr.

Les prestations complémentaires AVS/AI sont accordées à celles et ceux qui sont au minimum pour leur permettre d’avoir un revenu juste en-dessus de l’aide sociale. Ces prestations sont réduites de 3%, mais les impôts de ces personnes ne vont pas baisser puisque ces montants ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’impôt. La perte globale est importante.

Les femmes à bas revenus recevaient une allocation maternité durant une année, indépendamment de l’assurance maternité, introduite pour celles qui sont salariées. Cette allocation tombe. L’Etat compte économiser un million sur le dos des jeunes mères les plus pauvres.

Qu’en est-il des jeunes à l’aide sociale dont le Conseil d’Etat a annoncé vouloir couper les subsides s’ils ne fournissent pas un effort?

Pour l’instant, ils/elles sont touchés par les baisses de prestations générales. Les programmes d’occupation sont complets. La sortie de ces programmes vers un emploi est problématique, car le marché du travail est devenu très exigeant. Si le but est seulement de les occuper et de les contrôler, c’est un peu illusoire. De plus ces programmes d’occupation ont un coût. L’Etat doit de toute façon à toute personne l’aide minimale d’urgence de 27 Fr. par jour pour une personne seule.

Comment réagissent les personnes touchées par ces mesures?

L’immense majorité des personnes à l’aide sociale ne vivent pas bien; le sentiment de culpabilité, d’être à charge de la société est très fort. D’ailleurs, les statistiques montrent que dès qu’il y a des emplois, le nombre d’assisté-e-s diminue, ce qui prouve bien que les personnes à l’aide sociale souhaitent travailler! La réaction devant ces mesures est l’abattement; avec l’arrivée de la gauche, ils s’attendaient plutôt à une amélioration, alors c’est la douche froide, mais rares sont celles et ceux qui osent se plaindre publiquement. Ils se serrent un peu plus la ceinture, se privent pour élever au mieux leurs enfants avec toutes les conséquences néfastes sur leur santé qui s’en suivent. Je connais des parents et des mères seules qui, pour ne pas faire souffrir leurs enfants, se privent au niveau de la nourriture ou des soins médicaux. Les mises aux poursuites vont augmenter, ce qui pénalisera de manière accrue celles et ceux qui souhaitent changer de logement.

Il est choquant que, sous couvert de solidarité, on pénalise celles et ceux qui n’ont presque rien. Aux plus démuni-e-s, on s’en prend au revenu vital, aux plus riches on touche à peine le superflu (petit impôt temporaire sur la fortune). Ce qui n’empêche pas la droite unie de continuer de s’agiter pour s’opposer à toute réforme de la fiscalité à la hausse.

Entretien réalisé par
Henri VUILLIOMENET


Extrait du postulat déposé par le groupe PopVertsSol au Grand Conseil

Les mesures prises dans le cadre de la diminution des subsides de l’assurance maladie pour les salariés et retraités se présentent ainsi:

Personnes seules catégorie 1 revenu 23 000.-
Subsides 2005 184.-
Subsides 2006 40.-
Perte mensuelle: 144.
Perte annuelle: 1728.-
Réduction du pouvoir d’achat: 7.51%

Personnes seules catégorie 2 revenu 25 000.-
Subsides 2005: 138.-
Subsides 2006: 30.-
Perte mensuelle: 108.
Perte annuelle: 1296.-
Réduction du pouvoir d’achat: 5.18%

Couples catégorie 1 revenu 34 000.-
Subsides 2005: 368.-
Subsides 2006: 80.-
Perte mensuelle: 288.
Perte annuelle: 3456.-
Réduction du pouvoir d’achat: 10.16%

Couples catégorie 2 revenu 37 000.-
Subsides 2005: 276.-
Subsides 2006: 60.-
Perte mensuelle: 288.
Perte annuelle: 2592.-
Réduction du pouvoir d’achat: 7.01%

Ces situations sont réelles et démontrent un déséquilibre que le groupe PopVertsSol ne peut pas accepter. Pour remédier à cette situation, il est demandé au Conseil d’Etat d’étudier la suppression de ces réductions dès que possible, mais au plus tard pour le budget 2007