Afrique du Sud : vague de xénophobie et de solidarité
Afrique du Sud : vague de xénophobie et de solidarité
Après la chute de
lapartheid et la victoire de lANC de Nelson Mandela,
lAfrique du Sud, la « nation arc-en-ciel », se
voulait un modèle dharmonie et de
prospérité pour le reste du continent africain. La chasse
aux immigré-e-s qui sest déroulée dans
plusieurs villes du pays a passablement mis à mal cette image
idyllique. Misère persistante, chômage et amertume issue
dune décennie de politique néolibérale et
antisociale sont à lorigine de cette vague
meurtrière dagressions xénophobes. Qui ne sont pas
restées sans réponse, comme le montre la lettre
envoyée par deux des animateurs de la revue Amandla. Cette revue
sud-africaine (www.amandla.org.za/) participe à la recomposition de la gauche militante dans ce pays.
Chers-Chères Ami-e-s,
La vague actuelle de xénophobie sest largement
répandue, gagnant de nouvelles parties du pays à partir
de Johannesburg. Le Cap a vu des agressions se dérouler dans de
nombreux townships, débouchant sur un nouvel exode
dimmigré-e-s, terrorisés et traumatisés.
Les attaques du Cap nont pas été aussi
meurtrières que celles de Johannesburg où plus de 45
personnes ont été tuées, dans certains cas
écharpées ou brûlées vives.
Au Cap, il semblerait que cela se soit accompagné de pillages de
petits commerces. Quoi quil en soit, cela a suffi pour provoquer
la fuite de milliers de personnes sattendant au pire.
Actuellement, des milliers de personnes sont réfugiées
dans les centres communautaires, les églises ou dautres
endroits. Nombre dentre nous se sont mobilisés pour
organiser lhébergement, la nourriture et trouver des
abris pour nos frères et soeurs déplacés.
Les locaux de nos organisations ont été
transformés en centre dorganisation de laide,
fournissant des lieux daccueil où les personnes sont
protégées.
Plus de 150 000 Mozambicain-e-s sont rentrés dans leur pays,
donnant une victoire temporaire aux auteurs des agressions. Victoire
temporaire, parce que la violence a suscité un grand nombre de
réponses en terme de solidarité de différents
secteurs de la société. Les gens se sont réunis
pour coordonner les secours et laide durgence pour
ceux-celles qui ont fui.
Ce sont les gens ordinaires qui ont agi, pas le gouvernement. En fait,
le gouvernement a été grandement absent et nous
navons pas vu la réponse dampleur qui aurait
dû être la sienne dans une telle situation. Nous ferons
prochainement une analyse plus approfondie de ce qui sest
passé et de ses causes. Ceci nest quune
brève note sur la situation actuelle.
A Mowbray, où nous vivons, nous avons aidé
limportante communauté immigrée à prendre
en charge les personnes cherchant refuge. Nous avons trouvé une
salle paroissiale, où une centaine dentre elles sont
actuellement accueillies. Nous avons mis en place un comité
chargé de surveiller les menaces qui pèsent sur la
communauté locale et hier, nous avons organisé avec
succès une première rencontre pour accroître les
forces vives de la solidarité. Lundi, nous organiserons une
réunion de masse contre la xénophobie à la mairie,
où toute la communauté de Mowbray pourra exprimer sa
solidarité avec ceux-celles qui sont la cible des attaques.
Ce sera aussi une occasion pour ces personnes de parler de ce qui
sest passé et dexprimer leur douleur. Cette
réunion sera suivie dune marche locale pour
démontrer que Mowbray est une zone de non-droit pour la
xénophobie. Nous espérons que cet exemple sera repris
dans dautres régions.
Notre objectif est daller dans les zones les plus
touchées et de rassembler les personnes contre les attaques
visant les prétendus «étrangers-ères»,
dont beaucoup vivent et travaillent en Afrique du Sud depuis de
nombreuses années.
Si cela vous intéresse, je vous transmettrai dautres
rapports sur la situation et sur ce que les gens sont en train de faire.
Brian Ashley et Mercie Andrews, 26 mai 2008
Traduction de la rédaction
Personne nest illégal!
«De même que nous agissons, comme simples habi- tant-e-s et
comme membres de la société civile, contre la
xénophobie, nous demandons au gouvernement sud-africain de
reconnaître son rôle dans la crise, et dassumer sa
responsabilité de fournir des solutions qui sattaquent
aux causes profondes du problème. Nous demandons que des mesures
immédiates soient prises pour porter assistance aux personnes
et, à long terme, des changements pour nous tous et toutes.
A cette fin, nous demandons au gouvernement sud-africain de:
- Fournir une aide durgence immédiate pour les
individus et les familles déplacées par la violence
actuelle; - Suspendre immédiatement et réexaminer les
politiques relatives aux immigrant-e-s, en particulier celles qui
concernent la définition et le traitement des
réfugié-e-s, politiques et économiques – Personne
nest illégal ! Lindela1 ne dois pas exister ! - Suspendre les politiques macro-économiques
néolibérales et assurer laccès à
lemploi, à des logements décents, à
leau, à lélectricité et, en
général, à des moyens permettant de vivre
dignement à tous ceux et celles qui vivent en Afrique du
Sud; - Enquêter sur les agissements de la police et autres
autorités de lEtat dans la vague actuelle de violence,
dans le but de concevoir des mécanismes visant à
encourager les pratiques non xénophobes.» || - Extraits de lappel de la Coalition contre la
xénophobie, adressé aux autorités de la
région de Johannesburg.
La Coalition regroupe des dizaines dassociations des droits civiques, de sans-papiers, de sans-terre et de syndicats.
1 Lindela est le nom dun centre de détention et de
rapatriement pour les migrant-e-s, tristement célèbre
pour les violences qui sy exercent, débouchant
quelquefois sur des meutres purs et simples.