Procédures bâclées pour des femmes menacées d’excision
Procédures bâclées pour des femmes menacées dexcision
A Genève, trois
requérantes dasile vivent dans la terreur dune
expulsion vers leurs pays dorigine. Leur demande de protection a
été rejetée par les autorités
suisses
Situation, hélas fréquente, vu la
rigidité des lois anti-étrangers en Suisse et dans toute
lEurope. Cependant, les cas de ces femmes, dont lexil a
été provoqué par la pratique de lexcision,
ont été portés à la connaissance du public
et largement commentés. La conférence de presse
organisée le 28 juillet par ELISA, assistance juridique
bénévole auprès des requérant-e-s
dasile, a levé le voile sur la
légèreté du travail de lOffice
fédéral des migrations, sur les mauvaises conditions de
détention à laéroport et sur les
difficultés de la lutte contre les mutilations génitales
féminines.
Les mandataires des requérantes, Yasmina Sonderegger, Thao Pham,
et Michel Ottet, permanent dELISA à
laéroport, ainsi que Véronique Egger, et
Anne-Madeleine Reimann de lAumônerie genevoise
auprès des requérants dasile (AGORA), ont
démontré aux journalistes que les procédures
sommaires pratiquées à laéroport non
seulement bafouent les droits humains, mais encore dysfonctionnent. Par
rapport aux demandes dasile déposées aux centres
denregistrement et de procédure (Vallorbe, pour la Suisse
romande), la procédure à laéroport est
encore écourtée et rigidifiée, la décision
de renvoi est prise par un juge unique au lieu dun
collège de trois et les requérant-e-s sont détenus
dans la zone de transit, dans des lieux clos et insalubres durant deux
mois.
Une justice expéditive
La jeune mère nigérienne, Sophie, et sa fillette de 7
ans, menacée dexcision, ont passé 7 semaines sans
sortir dans cette zone malsaine. Grâce à
lénergique intervention dELISA, elles ont pu
être placées au foyer des déboutés des
Tattes dans de mauvaises conditions dhygiène certes, mais
un tout petit peu plus humaines, pouvant prendre lair et
rencontrer des compatriotes et dautres enfants. Les conditions
de détention en zone de transit ne font lobjet
daucun contrôle.
La demande dasile, ainsi que le recours, ont été
rejetés par le juge du Tribunal administratif
fédéral pour des motifs bien superficiels, alors que le
dossier était bien étayé par une enquête sur
la situation de lexcision au Nigéria, des lettres de
soutien du HCR (Haut commissariat aux réfugiés) et
dAmnesty International. La requérante sest vu
opposer le fait que, dans un sac en plastique en sa possession,
figurait un ticket de caisse antérieur à sa demande
dasile! Ce document à charge est apparu, alors
quil nen avait nullement été question
auparavant, en fin de procédure sans que Sophie ne puisse se
défendre sur ce point! Les mandataires dELISA y sont
allés de leur petite enquête: le ticket concernait un
achat de souliers dhommes, alors que Sophie est mère
seule et indigente
La seule explication possible est
quelle a ramassé un sac traînant à
laéroport. Ce point illustre bien le manque de
sérieux de linstruction sur la demande de Sophie.
Le dossier dEva, une évangéliste gravement
agressée en Gambie par des partisans de lexcision, a
également été examiné de façon
inconséquente, les arguments de première instance
et du recours se contredisant. Plus grave encore, la preuve des
sévices subis na pas été examinée
par un médecin. La main dEva, amputée de plusieurs
phalanges par ses agresseurs – qui na pas reçu de soins
appropriés à laéroport – na
même pas été prise en considération par le
juge. Quant à la souffrance psychique de cette amputation, elle
est niée! La mandataire dELISA, Yasmina Sonderegger,
dénonce ce grave manquement au droit de toute personne
emprisonnée de recevoir des soins appropriés.
La lutte contre lexcision sera longue
Maria Roth-Bernasconi, conseillère nationale socialiste,
présente à la conférence de presse, engagée
dans la lutte contre les mutilations génitales féminines,
avait voyagé en avril 2008 en Gambie, pour se rendre compte sur
le terrain comment combattre concrètement ces pratiques. En
Gambie, petit pays parmi les plus pauvres dAfrique, la
mortalité des mères est une des plus
élevées du monde. Cette tragédie est liée
à la pratique des mutilations sexuelles, qui entraînent
des risques accrus lors de laccouchement (complications
diverses, hémorragies, etc.). Il nexiste pas de loi
interdisant lexcision, même si certaines dispositions
légales pourraient aller dans ce sens. De toute façon,
les préjugés en faveur de lexcision sont toujours
très vivaces dans lopinion publique: les jeunes filles
non excisées ne peuvent pas se marier, les exciseuses sont bien
payées et ont du pouvoir.
Il est donc léger de la part du juge Scherrer daffirmer
quEva a fabulé. Trop dintérêts sont
en jeu, trop dignorances subsistent pour contrer efficacement
une tradition millénaire. Il faut éduquer toutes les
femmes sur leur droit à la santé, il faut aider les
exciseuses à retrouver des situations lucratives et
valorisées pour changer les mentalités. Et ce travail
demande du temps et de largent.
Lors de la session de juin des Chambres fédérales, Maria
Roth-Bernasconi a demandé à la conseillère
fédérale Widmer-Schlumpf, responsable de la politique
dasile, si lexcision ou la menace dexcision
était un motif dasile en Suisse. Toute conservatrice
quelle soit, Eveline Widmer-Schumpf, a répondu
très clairement de façon positive. Cependant, dans les
deux cas présentés par ELISA, les demandes nont
pas été correctement examinées et le Tribunal
administratif fédéral les a rejetées.
Lassociation Camarada, centre daccueil et de formation
pour les femmes migrantes et leurs enfants, a écrit au Conseil
dEtat genevois pour lui rappeler quen mai 2007, il avait
exprimé sa position contre les mutilations génitales
féminines et depuis a financé une campagne de
prévention auprès des femmes africaines habitant
Genève. Elle demande donc aux autorités genevoises
dintervenir fermement à Berne pour obtenir la suspension
du renvoi de ces requérantes dasile suivies par ELISA et
lAGORA.
Sophie et sa fille, ainsi quEva seront-elles sauvées?
Espérons en tout cas que leur triste histoire permettra de faire
avancer lopinion publique et les lois vers plus
dhumanité.