Pour une prévoyance vieillesse solidaire II: fusionner l’AVS et le deuxième pilier

Pour une prévoyance vieillesse solidaire II: fusionner l’AVS et le deuxième pilier

Nous avons constaté (v.
article I dans le solidaritéS n°135 du 9 octobre)
qu’au travers des réductions de prestations
programmées, de la crise boursière et de sa tendance
à viser l’individualisation de la prévoyance
vieillesse, le deuxième pilier perdait beaucoup de sa
crédibilité et qu’il fallait relancer la lutte pour
une autre solution qui soit sociale et solidaire, avec l’objectif
suivant:

Assurer des revenus permettant à chacune et chacun de vivre
convenablement sa retraite, avec des rentes correspondant au 80% du
dernier salaire net, mais au minimum égales à 3500
francs, ces rentes étant indexées annuellement.

On pourrait concevoir une modification de l’AVS allant dans ce
sens, mais c’est oublier l’existence du deuxième
pilier! Par contre la fusion de ces 2 piliers en un seul système
unique applicable à chaque salariée et salarié et
à chaque personne à la retraite est la solution qui
permet de financer cet objectif. Des calculs relativement
élémentaires, même s’ils simplifient
fortement la situation, le montrent assez clairement (cf.
encadré «modèle financier»).

Ce modèle peut être décrit comme un système
de répartition avec fonds de réserve: les cotisations des
salariées et salariés servent à payer une grande
partie des pensions des retraitées et retraités 
(c’est la répartition), le reste étant fourni par
le rendement du capital (fonds de réserve). L’ordre de
grandeur donné dans le «modèle financier»
montre que ce système est un net progrès par rapport
à la situation actuelle, et qu’il est aujourd’hui
viable et non utopique.

Non seulement il garantit pour chacune et chacun la primauté des
prestations, mais encore il offre de meilleures pensions ( en moyenne
4924 francs mensuels pour tous contre 4110 maintenant  pour celles
et ceux qui cotisent au deuxième pilier et ont une rente AVS
simple maximale), et tout ça en ayant aujourd’hui des
revenus supérieurs d’environ 25 milliards aux
dépenses! De plus, le financement majoritaire en
répartition est la meilleure manière de garantir
l’indexation des rentes et de se protéger des fluctuations
boursières.
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Et le long terme?

Cela a presque l’air trop beau. Il faudrait affiner le
modèle et les calculs, tenir compte des prestations risques
(décès et invalidité des actifs), des frais
administratifs, évaluer le coût de la pension minimale de
3500 francs et le gain d’un plafonnement des rentes, traduction
de la solidarité. Et surtout tenir compte du fait que
l’image donnée par le «modèle
financier» est celle d’aujourd’hui, alors que la
prévoyance vieillesse doit envisager le long terme.

En particulier il faut considérer l’augmentation de
l’espérance de vie, qui va augmenter le nombre de
retraitées et retraités par rapport au nombre de
personnes actives. Aujourd’hui il y a 3 actifs-ives pour un-e
retraité-e; si l’on considère que l’on
pourrait vivre en moyenne jusqu’à 85 ans, avec 40 ans de
vie active et 20 de retraite, ce rapport peut se rapprocher de 2.

Notre choix est de privilégier l’objectif de rente, et
s’il faut à l’avenir adapter le financement à
cet objectif, eh bien nous estimons qu’il se produit assez de
richesses en Suisse et que la question politique est de savoir comment
se répartit cette richesse. Le fait que ce probable financement
supplémentaire n’est pas vraiment un problème est
illustré par le fait que la cotisation totale devrait passer de
27,5% à environ 35%, comparé aux 34,1% déjà
totalisés entre AVS et deuxième pilier dans le cas de la
caisse CIA à Genève.

Mesures transitoires et droits acquis

Cette «fusion» AVS – deuxième pilier est la seule
solution qui permette le retour à une assurance sociale garantie
par l’Etat et qui élimine une nécessité de
capitalisation intégrale. Le passage à un système
unifié de répartition avec fonds de réserve doit
cependant assurer le respect des droits acquis, non seulement ceux
garantis par la loi (les prestations en cours), mais également
les prestations «promises» aux assurées et
assurés, en particulier les rentes définies
statutairement par les caisses actuelles.

Le modèle proposé offre des rentes supérieures en
moyenne, mais cela n’empêche pas que cela se traduise pour
certains par une forte augmentation, et pour d’autres par une
diminution, essentiellement comme conséquence des
différences de taux de cotisations existants aujourd’hui.
Il est certainement prématuré de définir ici la
manière de conserver ces acquis, mais il faut affirmer que
c’est une condition absolue de toute fusion.

D’autre part, certaines caisses connaissent un fonctionnement
vraiment démocratique, favorisé par l’existence de
la parité dans la gestion du deuxième pilier. C’est
aussi un acquis à préserver, d’autant plus que le
but n’est pas de licencier et mettre au chômage tous les
employées et employés des caisses du deuxième
pilier.

Une réflexion à ce niveau est sûrement à
mener, sauf sur un point: il est évident que les assurances
privées doivent être exclues de cette gestion, la
prévoyance vieillesse ne doit pas être une marchandise
source de profits privés.

Une priorité, mais un combat difficile

La sécurité sociale, et en particulier la
prévoyance vieillesse, fait certainement partie des enjeux
politiques prioritaires face au néolibéralisme. De plus,
on perçoit une réelle inquiétude et une perte de
confiance dans le modèle des 3 piliers dans la population.

Donc le moment se prête bien à une campagne sur ce
thème, avec un projet qui, même s’il faut encore le
préciser, apporte une très nette amélioration des
prestations pour un grande majorité de travailleuses et
travailleurs, tout en étant financièrement solide. Et
pourtant le combat est difficile. Un tel projet ne peut être
concrétisé que par une loi fédérale, et
l’on ne peut pas compter sur le parlement pour aller dans ce
sens. En d’autres termes, le seul chemin possible pour
concrétiser ce projet est l’initiative
fédérale.

A ce stade, on se heurte à nos limites au niveau national. Il
est donc nécessaire d’élargir les soutiens pour une
telle campagne, et a priori l’adhésion de l’USS, du
PS ou des Verts est difficilement une certitude! Il faut trouver le
juste équilibre entre le temps nécessaire à la
popularisation du projet, en le proposant au débat public, et
l’augmentation de son impact en période de
déconfiture boursière, qui n’est sans doute pas
éternelle. Nous devons faire des choix, et cela sans trop
attendre!

Michel Ducommun