Loi sur l’énergie: les locataires pris en otage…

Loi sur l’énergie: les locataires pris en otage…

La nouvelle loi cantonale sur
l’énergie sur laquelle nous votons ce week-end doit
être refusée car les milieux immobiliers en ont
détourné l’enjeu essentiel pour l’utiliser
comme bélier contre la LDTR (loi sur les démolitions,
transformations et rénovations).

En effet, la question du financement des rénovations
énergétiques est devenue la pierre d’achoppement de
cette votation: pour l’ASLOCA, la CGAS (Communauté
genevoise d’action syndicale), le PS et la gauche radicale, les
locataires ne doivent pas payer les hausses des loyers
qu’entraînera cette loi, alors que les propriétaires
bénéficieront sur tous les plans d’un texte
législatif que la droite leur a taillé sur mesure et que
les Verts soutiennent au nom de ses bienfaits pour
l’environnement.

    Non seulement les propriétaires
d’immeubles pourront reporter sur les loyers les coûts des
rénovations énergétiques, ce que permet
déjà la LDTR, mais ils bénéficieront en
plus d’un fond de subventions cantonales aux investissements,
ajouté à l’aide fédérale en la
matière et, cerise sur le gâteau, recevront en prime des
rabais fiscaux!

    Il faut savoir que sur le territoire cantonal, les
trois quarts des immeubles ont été construits avant 1980
et que la moitié de ces logements sont en dessous des plafonds
LDTR, ce qui signifie que pour cette importante partie du parc
immobilier genevois, les locataires connaîtront des hausses de
loyer qu’ils ne pourront contester. De plus, avec la modification
vers le haut du plafond LDTR, une majoration à la pièce
viendra s’ajouter pour grever davantage les revenus des
locataires.

Des rendements locatifs très juteux

Avec cette loi, les milieux immobiliers gagnent sur tous les
tableaux : seuls bénéficiaires des plus-values que
leurs rapporteront les investissements dans leurs immeubles, ils
encaisseront des loyers plus élevés au nom de la
rentabilité de ces mêmes investissements :
c’est en effet à ce seul critère que les
représentant·e·s de ces milieux se sont
intéressés dans les travaux en commission.

    Lorsque l’on sait que les rendements
immobiliers grimpent en moyenne annuelle de 10 %, à
l’exception des immeubles appartenant aux caisses de
prévoyance, et que les loyers à Genève, les plus
élevés de Suisse, n’ont cessé de
croître de plus de 2 % en moyenne annuelle cette
dernière décennie, après l’explosion des
loyers des années nonante (hausses annuelles moyennes de
près de 8 %), on ne sera pas surpris d’apprendre
que les placements immobiliers n’ont pas connu la crise en 2008,
alors que le SMI chutait de 35 % !

Politique énergétique et justice sociale

En refusant que les locataires payent la facture
énergétique, nous devons au contraire faire porter la
responsabilité des rénovations indispensables pour les
économies d’énergie dans le secteur du
bâtiment aux propriétaires des immeubles. Ces derniers
sont les seuls responsables de l’état
énergétique de leurs biens, ils seront les seuls à
bénéficier de leurs investissements, c’est donc
à eux de payer la facture.

    Depuis des décennies, à chaque hausse
des taux hypothécaires, les loyers ont augmenté. Lorsque
ces mêmes taux baissent, les loyers eux ne baissent jamais: en
2009, ils auraient du baisser de 6 %.

    Nous devrons imposer la justice sociale comme ciment
d’une nouvelle politique énergétique
cantonale : pour réduire de 40 % nos
émissions de CO2 d’ici dix ans, comme le recommande le
GIEC, la rénovation énergétique du parc immobilier
est une priorité fondamentale. L’association Noé 21
(Nouvelle orientation économique pour le XXIe siècle) a
chiffré dans son Plan Climat Cantonal les investissements
annuels nécessaires pour atteindre cet objectif: ils
correspondent au minimum à 1 milliard par an jusqu’en
2020, soit moins de 1 % de la valeur réelle du parc
immobilier. Et cet effort devra être poursuivi pour diminuer de
90 % nos émissions en 2050. Seule une disposition
contraignante pour les propriétaires d’immeubles permettra
de réaliser cette ambitieuse transformation, en rompant de
façon claire avec les mécanismes de marché.

Gilles Godinat