A propos des «deux référendums»: Eléments pour une clarification utile
A propos des «deux référendums»: Eléments pour une clarification utile
par les Chambres en septembre. Dans un renvoi kafkaïen des
responsabilités, sans rapport dailleurs avec
lopinion réelle de leurs bases, les sommets des grandes
organisations du secteur du handicap dun côté,
comme du PSS et de lUSS de lautre, se renvoyaient la
balle pour ne pas lancer le référendum indispensable.
Justifiant publiquement ce refus de sengager contre ce
démantèlement par le fait que lautre partie ne
montait pas au front.
Dans ce contexte, il faut reconnaître au Zentrum für
Selbstbestimmtes Leben (Centre pour la vie autonome, ZSL) de Zurich,
animé par son directeur Peter Wehrli, le mérite
dêtre parmi les premiers initiateurs du
référendum contre la 5e révision de la loi sur
lassurance invalidité (LAI). Le ZSL conteste la nouvelle
LAI surtout parce quelle ne répond pas du tout aux
nécessités dune véritable politique
dintégration des personnes avec handicap et il a raison
de le faire. Par contre, les critiques aux politiques de
démantèlement social et aux tendances de
léconomie à produire toujours plus
dexclusion sociale sont quasiment absentes de
largumentation du ZSL. Comme sont absentes également la
dégradation générale des conditions de travail et
ses répercussions sur la santé des salarié-e-s.
Réduction massive des coûts et économies nécessaires?
La non prise en compte de ces dimensions, qui déterminent
largement lactuelle crise financière de lAI et qui
ont aussi largement façonné la 5e révision, rend
largumentation du ZSL problématique à plusieurs
niveaux. En premier lieu, le problème du financement de
lAI est largement escamoté. Pas un mot nest dit
sur lurgente nécessité daugmenter le
financement de cette assurance sociale. Pour le ZSL au contraire, la
réduction «massive» des coûts est une
nécessité pour empêcher lAI de
sécrouler. Pour réaliser les
«économies nécessaires» il ny aurait
quune seule solution: lintégration.1
Alors que, malheureusement, pour une partie des personnes
handicapées latteinte à leur
intégrité limite grandement leur intégration dans
le monde professionnel, mais rend évidemment toujours
nécessaire lintégration sociale, ce qui est une
autre affaire. Si la politique «institutionnelle» peut et
doit sans doute être revue pour ladapter aux besoins des
personnes handicapées, nombre de ces instituions doivent non
seulement être soutenues, mais aussi développées.
Largumentation devient encore plus problématique quand le
principe des économies nécessaires est utilisé
pour critiquer la 5e révision de la LAI dans la mesure où
elle créerait une «horde de nouveaux fonctionnaires
très bien payés qui ne seront pas en mesure de favoriser
lintégration» (argumentaire
référendaire du ZSL).
Trop de rentiers AI et de faux invalides?
La reprise à son propre compte dune argumentation typique
de la droite populiste ne sarrête malheureusement pas
là. «Blocher a en principe raison» a encore
réaffirmé dernièrement Peter Wehrli, directeur du
ZSL, dans un article récent: la discussion sur les «faux
invalides» reflèterait le réel problème que
«trop de gens sont à lAI et beaucoup dentre
eux pourraient travailler».2 Cette argumentation est
plus que problématique parce quelle contribue à
légitimer laspect le plus odieux de la propagande de la
droite populiste, même si Peter Wehrli précise quon
ne peut pas tenir les personnes handicapées pour responsables de
cette situation.
Relevons encore un aspect problématique de largumentation
du ZSL, concernant cette fois lattitude hésitante ou
contraire au référendum des grandes organisations
dentraide. «Toute cette industrie de prise en charge des
handicapés gagne son argent sur les rentiers AI [
] et
na donc pas un intérêt à ce que le nombre de
rentiers AI se réduise».3
A ce propos, il faut espérer que la campagne
référendaire devienne une occasion non pas pour
éloigner les grandes organisations de défense et
dentraide des personnes handicapées et leurs membres,
mais au contraire pour les rallier dans cette campagne pour la
défense des droits sociaux de tous et toutes. Nombre
dacteurs de ce secteur, ont dailleurs déjà
rejoint la Coordination référendaire dans la phase
actuelle de la campagne de récolte de signatures.
Alleingang ou large front dopposition?
Enfin, il faut encore rappeler que le ZSL sest volontairement
tenu à lécart de la constitution de la
Coordination référendaire, mise en place le 21 octobre
suite à lappel des conseillers nationaux d«A
gauche toute!», Pierre Vanek et Marianne Huguenin. Invité
à la première réunion constitutive du front
référendaire à Neuchâtel, Peter Wehrli
déclinait en effet linvitation, considérant
quun référendum marqué «à
gauche» posait problème et quil devait maintenir
«son» référendum. Un peu aussi dans une
logique dun référendum des handicapés
dont il se présente comme porte-parole de manière
assez exclusive pour les handicapés. Tendance qui
escamote le fait quau-delà des personnes
handicapé-e-s et bénéficiaires actuels de
lAI, ce sont aussi nos droits à tous et toutes, notre
couverture sociale, même pour ceux dentre-nous qui ne
sommes pas atteints aujourdhui dans notre santé, qui est
menacé.
Ainsi, formellement, on sest trouvé avec deux demandes de
référendums distinctes, celle du ZSL avec sa
propre centralisation et validation de signatures et celui de
la Coordination contre la 5e révision de lAI.4
Bien sûr, les signatures de ces «deux
référendums» se cumuleront et seront
déposées au même moment à Berne. Ils
contribueront tous deux à permettre le vote populaire qui
permettra aux citoyen-ne-s de dire NON à cette révision
inacceptable de lAI. Bien sûr, nombre de citoyen-ne-s ont
signé lun où lautre
référendum sans y regarder de plus près. Mais,
à la veille de la campagne de votation qui souvrira au
lendemain du dépôt le 25 janvier, un bilan
simposera sans doute: cest bien autour de
«notre» référendum fut-il «de
gauche», que se seront ralliés le plus largement les
suffrages des citoyen-ne-s et qua ét organisée
concrètement la campagne la plus étendue sur le terrain.
1 Cf. prise de position du ZSL dans la
procédure de consultation pour la 5e révision LAI,
23.12.2004, p.1
2 Der Bund, 4.01.07
3 ibid.
4 V. à ce sujet «Pourquoi deux
référendums?» par P. Vanek dans solidaritéS
N° 97 du 16.11.06