Mexique: retour à OaxacaLAPPO est toujours là!
Mexique: retour à Oaxaca
LAPPO est toujours là!
De laéroport au
centre-ville, les slogans «Uro, va-ten!» exigeant la
démission du gouverneur Ulises Ruiz revendiquée
par lAssemblée populaire des peuples dOaxaca
(APPO) ont été recouverts de peinture
La Commune dOaxaca a replié ses bannières. Les
tanks bloquent les rues. Tout est tranquille. Les soldats courtisent
les filles. Version actuelle de lhistoire: lAPPO,
cest fini, rien ne sest passé. Il y a de nombreux
prisonniers? Réponse classique: «Ils ne sont pas dici», «sils sont prisonniers, ce nest pas pour rien…».
On trouve à de nombreux carrefours des textes
surréalistes: «Les habitants remercient le gouverneur pour
les améliorations de la vie quotidienne». Le Mexique
d«Uro» et de«Fecal» (le président
Felipe Calderon) montre une sinistre normalité.
«Ils ne passeront pas!», mais ils ont passé…
Il ny a plus personne au local dIndymedia: les
médias alternatifs ont payé un lourd prix avec la mort
atroce de Brad William (cameraman tué par la police).
Flavio Sosa était un des 260 responsables de lAPPO,
assemblée sans dirigeants reconnus. Il avait travaillé
pour lex-président Vicente Fox et ressemble par son
aspect à Abimael Guzmán, du «Sendero
Luminoso». Avec larrestation de Sosa, les ennemis de
lAPPO pensent que le mouvement est décapité.
Nul ne confirme lemprisonnement de la professeure Bertha
Muñoz (de Radio-Université Benito Juarez). Jai
tenté daller à sa prison, sur la
Panaméricaine, à 30 km dOaxaca. Mon chauffeur
explique que cette femme est dangereuse. «Elle militait
déjà en 1968!». Dix chars, un barrage et une
patrouille mempêchent de prendre des photos et
dapprocher: «Ah, cette femme est vraiment
dangereuse», commente le chauffeur. Faire passer cette
respectable bourgeoise de 60 ans, pour une dangereuse
délinquante, un Ousama Ben Laden féminin, montre combien
la droite craint le pluralisme de linformation.
Les affrontements du 25.11.2006 où des infiltrés
du PRI et des secteurs ultras ont joué un rôle important
ont porté tort à limage de lAPPO.
Dans La Jornada (12.12.2006), Luis Hernández Navarro estime que
les violences attribuées à lAPPO servaient
parfaitement les intérêts de Ruiz. Sinon, comment
expliquer lincendie de ladministration fiscale, où
ont disparu les preuves des escroqueries commises par Ruiz et ses
proches?
Terrorisme dEtat
Sara Mendez, secrétaire du Réseau des droits humains
à Oaxaca (RODH), est très préoccupée.
«Des enseignants ont été arrêtés alors
quils donnaient leurs cours. Du 28 au 30 novembre, il y a eu une
stratégie claire de terreur, pour semer la panique dans la
population». Les chefs locaux du PRI ont dressé des listes
d «ennemis». On y trouve des personnes de toutes
conditions, y compris des mineurs, qui nont pas participé
aux marches et apportaient de la nourriture sur les barricades. 40
femmes ont été tondues et certaines delles ont
été violées. A Oaxaca, on ne dénonce pas
les viols, en raison de la peur et surtout de la honte ancestrale.
Depuis le début du conflit, des policiers ou des paramilitaires
ont assassiné plus de 20 personnes.
Joel Aquino, représentant des communautés
indigènes, rappelle que les méthodes de Ruiz et du
nouveau président mexicain ressemblent à celles des
dictatures militaires, comme à lépoque de Porfirio
Diaz (1876-1911): déportation, mise au secret, obstacles
à la défense. Le point le plus grave concerne Nayarit,
localité frontière entre les Etats de Jalisco et de
Sinaloa, à plus de 16 heures dautobus de Oaxaca,
où ont été expédiés 140
détenus. But évident: éloigner les prisonniers de
leur communauté grâce à un voyage épuisant
et traumatisant, rendre la défense difficile et faire du
problème des prisonniers le seul thème négociable.
Récemment, le dimanche 17 décembre 2006, bien que le
gouverneur ait admis que 80 % des détenus étaient
étrangers à tout acte de violence, seul 43 dentre
eux ont pu sortir de prison, un mois après leur
incarcération.
Pourtant le mouvement vit toujours
Il y a 15 jours, sur un mur dOaxaca, on pouvait encore lire
cette inscription: «Le fascisme, cest réprimer les
luttes du peuple et de ses organisations, contrôler les moyens
dinformation, favoriser les grands monopoles exploiteurs, la
discrimination raciale, lusage permanent du mensonge et la
haine, beaucoup de haine». Il se peut que les historiens ne
soient pas daccord avec cette définition, par rapport au
fascisme classique. Mais ce pourrait bien être une
définition précoce du «fascisme du XXIe
siècle», dont le gouvernement de Felipe Calderon
qui compte dans ses rangs un tortionnaire notoire, le ministre de
lIntérieur Francisco Ramirez Acuña veut
être un archétype.
Le dimanche 10 décembre, la ville sest
réveillée avec une marche de lAPPO, qui voulait
sortir de limpasse dans laquelle elle sétait
retrouvée le 25 novembre. 1000 murs jusquici
immaculés avaient été recouverts de la consigne:
«LAPPO vit, la lutte continue».
Réclamant la libération des prisonniers, les bases de
lAPPO sont à nouveau descendues dans la rue. La
manifestation a réuni 15 000 participants. Le mouvement
connaît une usure évidente, accentuée par la
criminalisation médiatique de Flavio Sosa.
Jai revu Sara lors de la marche. Le thème des clandestins la préoccupe: «Beaucoup
de gens se sont cachés ou ont dû quitter lEtat.
Probablement 1000-4000 personnes. Sil ny a pas une
solution politique peprmettant à ces gens de rentrer chez eux,
il y aura un problème de clandestinité massive».
La peur et la criminalisation nont pas
éradiqué lAPPO parmi les secteurs populaires et
indigènes. «Les cadres peuvent être mis en
déroute», relève une militante. «Mais
lAPPO comme mouvement horizontal et réseau de mouvements
est toujours là, il sera très difficile de la
briser».
Article tiré de la Brecha, Montevideo du 29.12.2006
Traduit et adapté par H.P. Renk daprès: www.espacioalternativo.org