Trop de libéraux tuent l’impôt: 2 x OUI aux initiatives de solidarité fiscale

Trop de libéraux tuent l’impôt: 2 x OUI aux initiatives de solidarité fiscale

Le 26 septembre 1999, le peuple genevois acceptait malheureusement
l’initiative libérale intitulée
«Réduisons les impôts». Cette initiative
accordait une diminution de 12% de la facture d’impôts sur
le revenu de tous les contribuables. Une diminution linéaire
signifie bien évidement un formidable cadeau pour les revenus
élevés et quelques cacahuètes pour les revenus les
plus bas.

Au total, ce sont quelques 350 millions de francs de recettes par
année qui échappent à l’Etat,
empochés principalement par les plus riches du canton. Curieux
de constater que ce montant est proche du montant du déficit de
l’Etat ces dernières années.

On le sait, cette initiative libérale n’a
été qu’un des éléments de la
politique de diminution des prestations de l’Etat que prône
la droite. Baisse des impôts des entreprises, suppression de
l’impôt sur les successions en ligne directe, suppression
du droit des pauvres font également partie des «outils
libéraux». David Hiler peut continuer à couper dans
les prestations sociales pour atteindre l’équilibre
budgétaire pendant le reste de la législature. Il se
trouvera alors face à de nouveaux projets de loi de la droite
pour diminuer, encore et toujours, les impôts. Car ce n’est
pas l’équilibre budgétaire que vise la droite, mais
bien la redistribution des prestations de l’Etat au profit du
privé. Il n’entre bien évidemment pas dans les
projets libéraux de considérations sur le rôle
social de l’Etat, encore moins sur la solidarité ou la
justice sociale!

C’est dans ce contexte que solidaritéS et nos partenaires,
maintenant réunis dans le cadre d’«A Gauche
toute!», suivis à l’époque par le parti
socialiste et les Verts et appuyés par les organisations
syndicales du Canton (CGAS), a lancé l’initiative 130
intitulée «Suppression des cadeaux fiscaux au profit des
très hauts revenus pour le rétablissement social des
finances cantonales», ainsi que l’initiative 131
«Contribution temporaire de solidarité des grandes
fortunes pour le rétablissement social des finances
cantonales».

Suppression des cadeaux fiscaux (IN 130)

L’IN 130 a donc pour but de rendre à l’Etat une
partie des ressources perdues par l’initiative libérale
tout en préservant le pouvoir d’achat des personnes avec
de faibles revenus. Elle propose donc la suppression de la diminution
de 12% de la facture d’impôt par pallier, les revenus les
plus faibles n’étant pas touchés par
l’initiative.

Ainsi, la situation actuelle prévaut jusqu’à un
revenu de 130 000 Fr. pour les couples et de 100 000 Fr. pour les
personnes seules avec le maintien de la diminution de 12%. Pour les
revenus supérieurs à ces valeurs, la diminution de la
facture d’impôt baisse progressivement par pas de 1% par
tranche de 10 000 Fr. Ainsi, à partir d’un revenu de 240
000 Fr. pour les couples et de 210 000 Fr. pour les personnes seules,
la diminution d’impôts sur le revenu instituée par
l’initiative libérale est complètement
supprimée.

L’initiative 130 ne propose donc pas une augmentation absolue
d’impôt, mais un retour partiel à la situation qui
prévalait avant la diminution de 12% de l’impôt sur
le revenu. Elle tend également à plus de justice sociale
en ne modifiant pas les impôts des personnes à faibles
revenus. Ainsi, environ 80% des contribuables ne sont pas
touchés par l’initiative. Cependant, au total, ce sont 150
Mio de francs de recettes que l’Etat devrait retrouver.

Taxer les grandes fortunes (IN 131)

L’initiative 131 se propose, elle, de taxer un peu plus fortement
les grandes fortunes. Ce n’est qu’à partir
d’une fortune de 1,5 Mio de francs que l’initiative propose
une légère augmentation d’impôt. Ainsi pour
une fortune de 5 Mio de francs, l’augmentation est de 18 500 Fr.
L’élément temporaire de l’initiative est
constitué par la suspension de son effet au moment où la
dette totale de l’Etat diminue selon un critère qui
correspond à une diminution de 50% environ. Cette initiative
devrait rapporter environ 150 Mio de francs de recettes fiscales.

Avant l’examen de ces deux initiatives par le Grand Conseil, les
initiants ont été invités à faire valoir
leurs arguments devant la commission fiscale. Pas de débat, pas
de question. Les positions à droite sont suffisamment
figées sur le problème des impôts pour ne pas
perdre du temps. Une seule remarque d’une députée
radicale pour laquelle une fortune de 1,5 Mio de francs n’est
vraiment pas grand’chose! On l’imaginait.

Une votation populaire pour bientôt

Ces deux initiatives seront donc rejetées sans contreprojet par
le Grand Conseil qui doit les examiner avant le 16 mai 2007. A partir
de là, elles devraient être soumises à une votation
populaire. Quand? Ce sera au Conseil d’Etat d’en
décider.

Sans aucun doute, les libéraux et leurs amis de la droite vont
ressortir à cette occasion leurs arguments éternels: la
baisse des impôts attire les contribuables fortunés et
favorise la relance économique. On sait depuis longtemps ce
qu’il faut penser de tels arguments. Il est vrai que le nombre
des millionnaires augmente depuis quelques années à
Genève, mais essentiellement par la redistribution des revenus
au profit des classes les plus riches que génère
l’organisation économique néolibérale et non
pas par l’importation des millionnaires eux-mêmes! Quant au
développement économique provoqué par une baisse
des impôts, il est inexistant dans le cas de l’initiative
libérale sur les revenus. La part la plus importante des 350 Mio
de francs d’économie d’impôts a
été distribuée aux classes les plus riches qui
thésaurisent plutôt qu’elles ne dépensent,
alors que ces mêmes ressources mises à disposition de
l’Etat auraient été dépensées
principalement en salaires directs ou indirects.

Mais rien n’y fera, on entendra les mêmes fariboles. A nous
de faire entendre une autre voix lors de la campagne que nous devrons
mener pour faire accepter les deux initiatives par le peuple. En
rappelant qu’il s’agit au moins de conserver les
prestations que l’Etat doit offrir à l’ensemble de
la population: enseignement, santé, culture, aides sociales.

Jacques François