Liquider la moitié des fermes en Suisse? 37 500 signatures contre la PA2011
Liquider la moitié des fermes en Suisse? 37 500 signatures contre la PA2011
Mercredi 28 février, à
quelques jours du débat parlementaire portant sur celle-ci, une
pétition contre la politique agricole 2011 intitulée
«Halte à lexode rural» a été
remise à une représentante du Département
fédéral de léconomie et
déposée à la Chancellerie fédérale.
Lancée par le syndicat Uniterre et la coopérative Longo
Maï, elle a reçu de nombreux soutiens et a
été signée par 37 500 personnes en ville et
à la campagne.
Plus dune centaine de personnes ont pris part à la remise
de la pétition. A loccasion de cet
événement, 2000 «fermes» ont
été symboliquement disposées sur la place
fédérale. En effet, chaque année en Suisse, plus
de 2000 fermes disparaissent. Cette évolution a lieu depuis 15
ans. «La loi sur lagriculture qui est proposée par
lOffice fédéral de lagriculture dans le
cadre de la réforme PA 2011 va encore accentuer cet exode. Le
chemin choisi par nos autorités est le meilleur moyen pour voir
disparaître lagriculture paysanne en Suisse» a
précisé Raymond Gétaz de la coopérative
Longo Maï dans son discours.
Souveraineté alimentaire liquidée
et spéculation foncière relancée
Dautres interventions ont dénoncé plusieurs
aspects de la politique agricole. Pierre André Tombez,
Président dUniterre a souligné «le danger de
la réforme du droit foncier rural qui crée une
agriculture à deux vitesses tout en administrant
artificiellement la réduction du nombre de paysans et les
différentes mesures proposées dans la loi sur
lagriculture qui menacent la mise en place de la
souveraineté alimentaire, tels que les abaissements de la
protection à la frontière, la réduction
annoncée des prix, ou le non rééquilibrage des
forces entre les partenaire du marché». Deux
représentants dorganisations paysannes autrichienne et
française ont salué la pétition et informé
sur lévolution de la politique agricole commune
européenne.
La politique agricole 20111, PA 2011 en jargon fédéral, a
été mise en consultation auprès des milieux
concernés en automne 2005. Plus de 350 organisations
représentant les milieux agricoles, mais aussi de nombreux
autres secteurs, ont critiqué de nombreux points du projet.
Malgré cela, le message du Conseil fédéral sur la
PA 2011 a très peu divergé du premier projet. Même
la réforme du droit foncier rural, largement
dénoncée, na pas été
corrigée. Ainsi avec cette politique, la terre devient à
nouveau un objet de spéculation. La moitié des fermes, en
premier lieu les plus petites, perdent toute protection contre la
spéculation foncière car elles ne sont plus soumises au
droit foncier rural.
Agrobusiness et surexploitation
Les initiateurs de la pétition veulent attirer lattention
de la population sur les dangers de cette réforme. La PA 2011
part du principe que dici quelques années, il ne restera
plus que la moitié des exploitations agricoles (environ 30 000).
Les moyens dexistence de 32 000 familles seront ainsi
supprimés dun trait de plume alors quil avait
fallu des générations pour les créer. Au nom de la
rentabilité, lagriculture paysanne doit être
remplacée par une agriculture toujours plus
industrialisée avec toutes les conséquences que cela peut
avoir sur les êtres humains et lenvironnement. Pourtant
cette optique ne correspond pas aux attentes ni de la population des
villes ni de celle des campagnes.
La PA 2011 porte en elle le transfert du travail agricole vers une
main-duvre facilement exploitable. Plus on augmente la
taille des exploitations, plus il faut de travailleurs occasionnels en
saisons. Paysannes et paysans expérimentés doivent
laisser la place à des ouvrières et des ouvriers
effectuant un travail à la chaîne. Ainsi
lexploitation dimmigrés sous-payés, comme
à El Ejido dans le sud de lAndalousie, devient un
modèle pour la politique agricole Suisse.
En outre, cette politique encourage une agriculture grosse
consommatrice de pétrole qui utilise plus de calories
quelle nen produit. Chacun sait que les réserves
de pétrole déclinent et pourtant la fragilité de
ce genre dagriculture nest mentionnée nulle part.
Pour une agriculture de proximité
Lobjectif premier dune politique agricole responsable
devrait au contraire être le maintien dun
approvisionnement de proximité, basé sur une alimentation
variée et saine. La production dune alimentation de
qualité nécessite pourtant de nombreux bras, un
savoir-faire et de lexpérience que nos autorités
semblent prêtes à sacrifier. Pour ces raisons, la
pétition demande la mise en place dune autre politique
agricole que celle proposée dans le cadre de PA 2011 et demande
au Conseil fédéral et au Parlement de tout mettre en
uvre pour:
- Maintenir les fermes existantes,
- Encourager les jeunes, y compris les jeunes urbains, à sorienter vers les métiers agricoles,
- Permettre aux salarié-e-es dans le secteur agricole de
bénéficier des mêmes droits et de la même
reconnaissance que dans tous les autres métiers, - Sortir les terres, les fermes et autres bâtiments agricoles de lemprise de la spéculation foncière,
- Favoriser une agriculture moins dépendante du
pétrole et une économie agricole de proximité qui
ménagent les ressources naturelles.
La politique agricole doit être renvoyée à ses
auteurs. Elle ne doit pas être basée sur une vision de
rentabilité à court terme. Une discussion large et
ouverte est nécessaire pour mettre en place nos politiques
agricole et alimentaire.