Assurance-invalidité: un avant-goût de la 5e révision
Assurance-invalidité: un avant-goût de la 5e révision
Pendant toute la récolte de
signatures du référendum contre la 5e révision de
lAI, nous avions souligné dune part que la chasse
aux prétendus abus avait déjà été
ouverte par la 4e révision et que dautre part la
sévérité des décisions de lAI
conduisait déjà à des situations dramatiques. La
5e révision, avec ses restrictions budgétaires et sa
priorité à la réintégration sur le papier,
ne pouvait quaggraver cette tendance. Les cas
présentés par Pierre Noverraz, dans
lEvénement syndical du 7 mars sont à ce titre
exemplaires. En voici un extrait.
«Inhumain, kafkaïen, absurde. Au secrétariat Unia
à Delémont, on peine encore à trouver les mots
pour qualifier les mésaventures endurées par deux
frères employés dans le secteur jurassien de la
construction. Giorgio, laîné est arrivé en
Suisse à 19 ans pour travailler sur les chantiers. Devenu
maçon en se formant sur le tas, il pensait prendre une retraite
anticipée en 2004, après quarante-quatre ans de dur
labeur accompli avec compétence, loyauté et
efficacité. Mais patatras, ce projet on ne peut plus
légitime et mérité sest brisé tout
net sur les écueils dune bureaucratie tatillonne
accrochée à ses règlements comme une huître
à son rocher.
Forcé à chercher un travail impossible
Pour comprendre cette navrante affaire, il faut revenir en 2002. Cette
année-là, Giorgio est victime de graves maux de dos et
dun accident du travail, un talon fissuré avec apparition
darthrose. Les atteintes sont à ce point invalidantes que
lAI lui accorde une rente entière
dinvalidité dès le 1er août 2003. Or, un peu
moins de trois ans plus tard, le 29 mars 2006 exactement,
loffice AI reconsidère sa décision en se fondant
sur les éléments du dossier médical qui portent
à croire que la santé du travailleur sest
améliorée. Loffice juge que le taux
dinvalidité nest plus que de 51 % et décide
ainsi de réduire sa rente de moitié. Dans la
foulée, lAI estime que Giorgio est désormais en
mesure dexercer une activité lucrative à plein
temps dans le domaine de lhorlogerie ou de la
mécanique…
En clair, Giorgio, usé par 44 ans de chantier, miné par
le mal de dos et par les souffrances au pied, se voit sommé
daller chercher du travail à lusine à
lâge de 64 ans et demi. Effarant! [
]
Fausto, le frère cadet de Giorgio, 63 ans aujourdhui, a
connu lui aussi les affres de ce système. En Suisse depuis
lâge de 18 ans, il a toujours uvré dans la
construction. Des suites dusure au travail, il a dû se
faire poser une hanche artificielle et a été mis en 2002
au bénéfice dune rente AI complète. Or, en
octobre dernier, Fausto reçoit un projet de révision de
sa rente AI. Loffice voudrait ne plus lui verser que le 50%. Il
soppose à cette décision et obtient gain de cause.
Mais lAI ne désarme pas: elle revient à la charge
ce mois-ci avec un deuxième projet préconisant cette fois
un taux dinvalidité à 65%, équivalent
à 2/3 de rente. Une proposition inacceptable, aujourdhui
encore en suspens. A noter que si le taux avait été
fixé à 66%, Fausto aurait conservé sa rente
entière. «Ceci renforce
ma conviction que ces deux travailleurs sont les victimes des pressions
économiques qui pèsent sur lAI. LAI manque
de moyens, alors, au lieu de prélever davantage
dimpôt chez les plus fortunés, on met la pression
sur les assurés; ce sont souvent les plus fragiles qui plongent.
Et cette situation pourrait encore empirer si la 5e révision de
lAI, combattue par référendum, venait à
passer la rampe», explique Jean-Claude Probst, secrétaire syndical de la section transjurane dUnia.