Refus de la caisse unique : leçons d’un échec

Refus de la caisse unique : leçons d’un échec

Le rejet populaire de l’initiative met en évidence plusieurs niveaux de problèmes.

Refusée à plus de 4 contre 1 dans treize cantons
alémaniques, malgré un petit succès à
Neuchâtel et au Jura, et une défaite honorable en Suisse
romande et au Tessin, le score est sans appel. Manifestement,
l’initiative souffrait dès son origine d’un manque
cruel de relais en Suisse alémanique. Mais au-delà des
faiblesses de la campagne selon les régions, d’une
insolente inégalité de moyens entre les initiants et les
opposants, d’une dérive sur des montages chiffrés
hors de propos, d’une démagogie sans scrupule de la
droite, il faut bien reconnaître que les changements
apportés par l’initiative n’ont pas convaincu une
majorité de citoyennes et citoyens, focalisés sur les
coûts présumés et incertains que l’initiative
entraînerait pour chacune et chacun.

Pourtant, les enjeux sur l’avenir du système de
santé sont apparus au grand jour: la poursuite dans
l’impasse de la «santé-marchandise», à
chacun sa santé comme bien de consommation individuelle selon
ses moyens solvables sous le pilotage des assureurs privés, ou
la mise en place d’une solidarité étendue, avec
plus de démocratie et la fin d’une concurrence
délétère.

Il serait faux d’interpréter la victoire du non comme un
plébiscite pour la voie néolibérale. Pour la
grande majorité de la population, les enjeux étaient
beaucoup plus prosaïques: une charge financière en plus ou
en moins dans le budget! En effet, dans une phase de recul des
mouvements sociaux et syndicaux, en l’absence de mobilisations
significatives sur le terrain social, et encore moins dans les
entreprises, la dimension collective des enjeux devient abstraite si ce
n’est illusoire, et les avancées sur le seul terrain
institutionnel aléatoires.

Ce brutal renvoi à la réelle atomisation sociale, au
repli défensif du chacun-pour-soi, est une donnée
incontournable dont il faudra bien tenir compte dans les
stratégies à venir: sans un patient travail de
reconstruction des solidarités sociales au quotidien, dans le
monde du travail comme dans la vie sociale, aucun projet
d’envergure nationale crédible vers une solution de
rechange sociale et solidaire ne sera réalisable. Or cette
initiative avait le mérite de mettre concrètement sur la
table une solution à ce niveau, mais dans des conditions
particulièrement peu favorables: l’offensive
néolibérale continue de battre son plein dans tous les
domaines, à l’échelle européenne et
internationale, avec les dégâts multiples que nous
constatons jour après jour. Dans ce cadre, les perspectives de
changements d’orientation plus solidaires dans la politique
sociale et sanitaire semblent toujours plus difficilement
crédibles. Et pourtant, elles sont toujours plus
nécessaires et justifient notre engagement militant dans la
durée.

Gilles Godinat