Electricité Droite, PS et Verts votent la libéralisation... A gauche toute ! favorable au référendum

Electricité
Droite, PS et Verts votent la libéralisation…
A gauche toute ! favorable au référendum

Au final, le 23 mars au National, pas
une voix PS ou verte n’a manqué, à l’exception de celle de la nouvelle
arrivante du PS fribourgeois Liliane Chappuis, pour faire adopter la
«Loi sur l’approvisionnement en électricité», qui «ouvre» ce marché en
deux étapes. Dans un premier temps, dès l’an prochain, c’est plus de
50% de la consommation électrique du pays qui serait soumise à la
concurrence, puis on passera à l’ouverture intégrale…


Cette ouverture en deux temps, avec référendum
possible pour la deuxième tranche, est présentée
par le PS et les Verts comme un grand succès, comme l’est
le fait que la société nationale de réseau –
une société de droit privé – soit «en
mains publiques». En réalité: 51% de son capital
doit être maintenu «directement ou indirectement» aux
mains des cantons et communes.

Des étapes… mais vers quoi?

Ces deux «concessions» bourgeoises sont un cataplasme qui
vise à faire oublier le rouleau compresseur
néolibéral: qu’on aille vers l’ouverture
totale du marché en une, deux ou de nombreuses étapes,
c’est la direction prise qui est catastrophique pour le service
public et l’environnement. Combien
d’«étapes» n’avons-nous pas vu
concernant la Poste et les télécoms, depuis la
décision de 1997 de casser les PTT? Ce qui n’a pas
empêché les avancées de la privatisation, les
pertes d’emplois, la dégradation des conditions de
travail, le démantèlement du réseau des postes et
le transfert de bénéfices juteux vers des groupes
privés.

Pour ce qui est de la société «nationale» de
transport – on parle ici d’un secteur électrique
dont le capital est à 85% environ «en mains
publiques» –, la loi votée ouvre bien ce secteur aux
capitaux privés et, le moment venu, il sera possible de
l’ouvrir encore plus. Mais surtout, la finalité de cette
entreprise est de faire fonctionner au mieux un
«marché» dont la règle est le profit, qui
échappe au contrôle démocratique, et dont la
croissance est à l’opposé des buts d’une
politique énergétique moins catastrophique pour
l’environnement. Et ce n’est pas le
«contrôle» exercé par des collectivités
formellement «propriétaires» – le plus souvent
indirectement – qui y changera grand-chose.

Habillage vert et spéculation électrique

Certes, il est prévu de percevoir un supplément de 0,6 ct
par kWh – au maximum! – qui servira au rachat, au prix de
production, d’énergies «vertes» dont la
«rentabilité à long terme» doit être
établie au préalable. Mais que pèsera cet
investissement indirect, dont les modalités sont encore à
régler, dans de petites installations, pour la plupart
privées, face à la vague des deux ou trois centrales
nucléaires et des cinq centrales à gaz annoncées
– simultanément au vote de la loi aux Chambres – par
Swisselectric, organe faîtier des grands groupes
électriques suisses, pour répondre aux «menaces de
pénurie».

Par ailleurs, au chapitre des économies d’énergie
– ou plutôt à celui de l’orchestration de la
dite «pénurie» – on trouve dans la loi un
«objectif» fort peu contraignant: pour les seuls
ménages et non pour les autres acteurs de
l’économie électrique, on y vise une simple
«stabilisation » de la consommation à son niveau
existant à l’entrée en vigueur de la loi… et ceci
pour 2030, soit dans un quart de siècle!

A signaler encore, qu’avec cette loi, le «fluide»
électrique fait son entrée dans… la loi sur les
bourses. Le Conseil fédéral édictera à ce
sujet des «dispositions particulières relatives au
négoce d’électricité en bourse.» La
spéculation électrique a des beaux jours devant elle.

Et l’opposition à la libéralisation?

A gauche, les seuls votes groupés contre cette LME (loi sur le
marché de l’électricité)- bis sont venus des
trois élu-e-s d’«A Gauche toute!» au National.
Favorable au référendum, le groupe doit organiser
rapidement une réunion ad hoc, à l’échelle
nationale, pour en évaluer la possibilité, sur le
modèle de celle qui s’est tenue le 10 octobre et qui a
débouché sur la création de la «Coordination
nationale contre la 5e révision de l’AI», qui a
porté le référendum contre ce nouvel avatar du
démantèlement social.

Du côté du PSS par contre, on a verrouillé les
écoutilles. Jusqu’aux trois conseillers-ères
nationaux du PS genevois, qui ont voté OUI à la loi,
malgré une résolution explicite du Congrès 2007 de
leur parti cantonal, tenu à la mimars, qui appelle à la
refuser la loi et à lancer un référendum. Le
représentant des Verts genevois, Ueli Leuenberger, dont le parti
a pourtant soutenu l’initiative cantonale anti-libérale et
écologique «Energie-Eau: notre affaire…», que la
loi vide de son contenu, s’est aussi aligné en votant
OUI…

Capitalisme «renouvelable»…

Les courageux délégué-e-s du PS genevois qui ont,
quant à eux, essayé de soulever la question à
l’assemblée de délégué- e-s de ce
parti, à Locarno, ce 24 mars, se sont vu opposer un refus de
tout débat sur une question qui n’était «pas
à l’ordre du jour.» Leuenberger et le
président du parti, Hans-Jurg Fehr, étaient en personne
de la partie, pour éviter toute dérive
anti-libérale à ce sujet. A propos
d’énergie, ce dernier a déclaré: «Il y
a aujourd’hui non plus seulement une motivation écologique
pour un changement de cap dans la politique énergétique,
mais aussi une motivation capitaliste: on peut désormais gagner
de l’argent avec les énergies renouvelables.» Et en
effet, du point de vue de la «motivation capitaliste», la
nouvelle LApEL est un succès…

Sur le plan syndical, le SSP (syndicat des services publics), qui
avait, avec la FTMH (syndicat de la métallurgie et de
l’horlogerie), été l’un des acteurs de
première heure du référendum contre la LME,
à la fin 2000, doit se prononcer sous peu, mais la
décision risque d’être négative. Du
côté de l’USS, on a pu lire que Rolf Zimmermann,
premier secrétaire, déclarait, avant le vote final, que
l’USS «ne lancerait, ni ne soutiendrait un
référendum» dans la mesure ou le parlement
n’étendait pas l’ouverture immédiate du
marché aux clients commerciaux groupés pour atteindre 100
MWh de consommation annuelle.

Illusions et promesses, bis…

Ainsi, pour l’heure il semble qu’à force de menacer
d’un référendum à propos de tel ou tel
aménagement de la loi, en évoquant à chaque
tournant du débat le vote de 2002 et le référendum
anti-LME, les acteurs sociaux-démocrates et verts ont perdu de
vue l’essentiel… On les a entendus au parlement se lancer et
lancer à leurs partenaires bourgeois des fleurs sur leur
«pragmatisme», sur leurs capacités à
dépasser les «idéologies», en oubliant que
c’est au nom d’arguments pareils que leurs groupes avaient
voté à la quasi-unanimité cette LME tant
décriée aujourd’hui. Interpellée à ce
sujet par Pierre Vanek, à deux minutes du vote final, la verte
vaudoise Anne-Catherine Ménétrey a dû
reconnaître que les Verts s’étaient engagés
dans la campagne référendaire contre la Loi sur le
marché de l’électricité «quand ils
s’étaient rendus compte» – après avoir
voté la LME au parlement – que «ce projet contenait
beaucoup d’illusions et de promesses». Pour enchaîner
sur le fait qu’elle «croit que le service public et la
lutte contre les libéralisations sont une chose utile, mais ici,
en l’occurrence, nous avons aussi des promesses d’un avenir
plus favorable…»

L’erreur est humaine… La persévérance dans
celle-ci en la matière, par contre, relève d’un
aveuglement volontaire, comme aussi la déclaration de la
porteparole social-démocrate, la bernoise Ursula Wyss, avant le
vote final au National, selon laquelle cette loi serait
«l’oeuvre collective de toutes les forces constructives du
parlement.» Ces mêmes «forces constructives»
qui, quelques jours plus tôt, votaient en effet en bloc pour la
construction… de nouvelles centrales atomiques!

L’UDC rentre dans le rang

L’UDC de Christoph Blocher quant à elle a beaucoup
gesticulé dans ce débat. Elle s’est plainte de la
prétendue «nationalisation » du réseau, a
réclamé une libéralisation plus rapide et a
même agité à ce sujet le drapeau…
européen, pour se plaindre qu’on ne respectait pas les
rythmes de libéralisation ordonnés à Bruxelles!
Cette pseudo-opposition – se fondant sur un point de
départ aussi libéral que celui d’un Leuenberger
– a pu contribuer à mettre en valeur la position des
partisans de la loi, acharnés à ne pas discuter du fond
de celle-ci. Dans les faits et au vote, cette «opposition»
est rentrée dans le rang: les deux tiers du groupe environ ont
voté OUI et les autres «opposants »
blochériens savaient qu’ils ne risquaient pas de faire
capoter la loi.

Pierre Vanek