ASPASIE en campagnecontre les violences faites aux femmes travailleuses du sexe

ASPASIE en campagne
contre les violences faites aux femmes travailleuses du sexe

Se faire agresser, insulter, maltraiter plus souvent en tant que femme
et parce qu’on est femme? Autrefois très discuté,
le fait que la santé, l’honneur et
l’intégrité des femmes sont plus souvent
touchés par les risques de violence que ce n’est le cas
pour les hommes est maintenant admis. Des initiatives de
sensibilisation et de prévention se sont
développées un peu partout à partir des
engagements des Etats signataires de la Déclaration des Nations
Unies contre les violences envers les femmes (CEDAW en anglais).

A Genève, le Bureau de l’égalité entre
femmes et hommes lançait en 2003 avec le soutien de l’Etat
de Genève une campagne intitulée «La violence est
inacceptable». Inacceptable, voilà un mot qui a
résonné très fort à ASPASIE,
l’association de solidarité avec les personnes dans le
travail du sexe. On y rencontre en effet beaucoup de femmes qui
considèrent les violences comme des «risques du
métier». Dès qu’on va un peu plus loin dans
la discussion, pourtant, on voit bien que les agressions subies font
mal. Nommer, prévenir, réagir contre les violences: cela
concerne aussi le travail du sexe. En les combattant, c’est la
dignité et l’honneur des travailleuses du sexe que
l’on défend.

Etude et matériel…

Avec l’appui du Fonds de prévention de la violence du
Conseil d’Etat1genevois, ASPASIE a confié le projet
à Àgi Földhàzi et Milena Chimienti du
Département de sociologie de l’Université de
Genève. Leur étude qui vient de paraître2 sert de base à la campagne qui débute ce printemps.

Un matériel de sensibilisation original est constitué de
dépliants qui seront utilisés principalement par les
médiatrices du programme Aspasie Prévention Migrantes,
dans le Bus Boulevardsprésent dans la rue en soirées,
ainsi que dans les permanences et consultations qui ont lieu à
Aspasie. Il appuie les entretiens de prévention destinés
à faire le point avec les personnes sur leurs risques de
santé, à les encourager à mobiliser leurs
ressources et stratégies de défense individuelles,
à faire le lien avec les institutions médicales, sociales
et juridiques qui peuvent les aider à réagir face aux
abus rencontrés.

Le texte des dépliants «Violences dans le travail du sexe:
NOMMER, PRÉVENIR, RÉAGIR», édité en 6
langues (français, anglais, espagnol, portugais,
thaïlandais, russe), est adapté et conçu
spécifiquement en direction de trois lieux de travail du sexe
dans lesquels l’offre d’accueil et de soutien est
présente: la rue, les salons et les cabarets/bars à
champagne.

Violences et prostitution forcée

Le risque de prostitution forcée est une forme de violence
délinquante à laquelle les personnes prostituées
sont exposées. Les risque de viol, de séquestration, de
contrainte physique et de vol au sens des art. 195 et 196 du code
pénal existent. Cependant, ces crimes et ces délits sont
rares par rapport aux risques les plus courants de violences
rencontrés au quotidien dans le travail du sexe. La peur de
l’agression physique est particulièrement présente
dans la rue et les studios.

Le «processus de contrôle» sur le travail est plus
caractéristique des cabarets et des bars. Le statut
d’employées des hôtesses de bars et danseuses de
cabarets diminue leur autonomie d’organisation: «Elles
n’ont pas la possibilité de choisir leurs clients
(consommateurs d’alcool) ni de réelle maîtrise
– malgré quelques subterfuges – sur la
quantité d’alcool qu’elles doivent elles mêmes
consommer. De même, elles subissent de fortes pressions dans le
domaine de la transaction prostitutionnelle concernant le choix du
client, la fréquence des passes, le tarif et le lieu de
pratique.» (Etude Földhàzi, p. 60 et Chimienti,
à paraître). Dans les salons, les rapports contractuels
avec les «managers» détenteurs ou sous-traitants de
locaux sont dans un flou juridique souvent en défaveur des
travailleuses du sexe. La prostitution n’échappant pas aux
lois du marché et de la concurrence dans un secteur
déjà peu transparent, les profits parfois usuraires des
intermédiaires sont très difficilement
sanctionnés.

Des droits essentiels

Le recours au droit relève donc du parcours de combattante. Les
travailleuses du sexe, qui sont en majorité des migrantes,
n’y font pas appel «pour des raisons liées à
leur statut de séjour, leur perception du fonctionnement des
lieux d’exercice, ou encore leur expérience avec les
forces de l’ordre».
 
La Campagne contre les violences et pour les droits dans le travail du
sexepuise son inspiration dans la volonté
d’améliorer la mise en pratique des principes de droit sur
le terrain. Les objectifs à atteindre sont: une police et une
justice efficaces, formées au respect des droits fondamentaux.
Les violences dans le travail du sexe, comme en général
les violences envers les femmes, sont en effet sous-estimées par
les institutions, marquées par un état d’esprit
relativement laxiste en la matière, une réglementation
communale et cantonale des lieux de travail du sexe qui tienne compte
des risques de formes détournées de prostitution
forcée (exploitation sexuelle art. 195 et 196 CP), le soutien
à des offres de prévention et d’aide sociale
accessibles à toutes les personnes travailleuses du sexe en
Suisse, une gestion d’attribution des permis de séjour qui
garantissent l’égalité de traitement (càd.
la non discrimination) des personnes qui annoncent leur activité
de prostitution et une réelle garantie du séjour des
plaignantes en cas de prostitution forcée (modèle italien
ou belge).

Marie-Jo Glardon

1 Àgi Földhàzi, Milena Chimienti avec la
collaboration de Géraldine Bugnon, Laurence Favre et Emilie
Rosenstein (2006). Marché du sexe et violences à
Genève. Rapport de recherche Département de sociologie,
Uni. de Genève. www.aspasie.ch.

2 Un Fonds de prévention de la violence malheureusement
gelé depuis 18 mois, a fait remarqué le Dr Daniel
Halpérin, chef du CIMPV (Centre Interdisciplinaire de
Médecine et de Prévention de la Violence des HUG) lors de
la Conférence de presse de présentation de
l’étude le 25 mai 2007.