Marches européennes vers l’anti-G8Agriculture industrielle: précarisation des travailleurs
Marches européennes vers lanti-G8
Agriculture industrielle: précarisation des travailleurs
Le 19 mai à Genève une
manifestation ouvrait lune des «Marches européennes
contre la précarité et lexclusion» qui
traversent toute lEurope jusquau 2 juin comme prologue
à la mobilisation contre le sommet du G8 à Heiligendamm,
près de Rostock en Allemagne. Le 21 mai à
létape de Nyon, Philippe Sauvin de «Lautre
syndicat» intervenait sur le thème de la
précarisation des travailleurs-euses agricoles en Suisse. Nous
publions ici lessentiel de son propos.
La précarisation des travailleurs-euses agricoles en Suisse est due principalement à cinq raisons:
- Labsence de vraies dispositions légales
contraignantes qui permettraient une adéquation aux normes de
travail usuelles en Suisse. Pour des raisons historiques et avec la
complicité évidente des milieux paysans dominants, la
main duvre agricole nest pas soumise à la
Loi sur le Travail (LTr). Alors que les rythmes de travail
saccélèrent et que la majorité de
lemploi agricole est soumise à des cadences industrielles
(production et conditionnement), la régularisation du temps de
travail est laissée aux seuls cantons qui ont lobligation
dédicter des contrats-types de travail, auxquels il peut
être dérogé par contrat écrit. Le travail
hebdomadaire fluctue de ce fait très fortement, entre 48 et 66
heures, selon les cantons et le statut du travailleur, quil soit
engagé à lannée ou saisonnier. La
grande majorité des CTT cantonaux ne reconnaît pas de
salaire minimum. LUnion Suisse des Paysans (USP) recommande un
barème salarial qui permet de rémunérer 55 heures
hebdomadaires pour un salaire mensuel de 3020 Fr. soit un salaire
horaire de 12 francs et 69 centimes, ceci brut, les cotisations
sociales (AVS, chômage, accident, comme le logement et
nourriture, etc.) étant encore déduites. Le salaire peut
être évidemment moindre, pour autant que le producteur
trouve du personnel, ce qui est courant pour des personnes sans permis
de travail (Sans-Papiers). - Une très faible organisation syndicale des
employé-e-s agricoles. Alors que dans quelques cantons, romands
notamment, lorganisation syndicale a permis des
améliorations, la représentation syndicale reste faible
dans les autres. Aujourdhui, le syndicat majoritaire UNIA
reconnaît la nécessité dintensifier les
efforts afin dobtenir une réglementation nationale pour
les salarié-e-s de lagriculture et relance le
débat et la mobilisation avec dautres syndicats
régionaux. - Lintransigeance de lUSP et du monde politique face
aux revendications justifiées des travailleurs agricoles. Les
coûts à la production augmentent et les revenus agricoles
sont sous pression, ceci dû à la libéralisation des
marchés. Le maillon le plus faible de la chaîne de
production, la main duvre agricole, est
déconsidéré par les organisations des producteurs.
Louvrier-ère agricole nest pas perçu comme
partenaire social, il na pas réussi, à
lexemple de louvrier-ère industriel, à
saffranchir aux cours des luttes sociales qui ont fait suite
à lindustrialisation dès la fin du XIXe
siècle. LUSP a mis en consultation, du bout des
lèvres, un projet de convention collective, convention sans
salaires minimums et avec des horaires de travail de 50 et 55 heures.
Il va sans dire que ses propres troupes rejettent ce projet
minimaliste, le trouvant trop contraignant, à linstar de
lUnion Maraîchère Suisse (UMS) dont les membres
sont les principaux employeurs de main duvre agricole. Il
faut par contre relever que certaines organisations agricoles
minoritaires, à lexemple du syndicat paysan UNITERRE,
prennent position en faveur dune juste
rémunération des employé-e-s agricoles et
participent activement à la Plate-forme pour une agriculture
socialement durable. […] - Les consommateurs-trices ne sont aujourdhui que
très mal informés et peu conscients des conditions
sociales de la production des denrées alimentaires
indispensables à lalimentation quotidienne.
Lécologie et la protection des animaux ont fait leur
place dans la législation, à juste titre! Les conditions
sociales du petit producteur ou de lemployé-e agricole
manquent fortement dans la réflexion et nont quune
infime influence sur le choix des aliments qui atterrissent dans le
panier dachat. Les consommatrices-teurs jouent un rôle
important, rôle quil sagit de renforcer en faveur
de conditions de travail équitables. - Et enfin les principaux intéressés: les
travailleuses-eurs agricoles. Le travail agricole ne jouit pas
dun grand prestige pour les raisons évoquées plus
haut. Les Suisses ne veulent pas exécuter des tâches
répétitives dans de mauvaises conditions. Plus de la
moitié des employé-e-s agricoles, quelque 20000
personnes, engagées à lannée ou pour des
travaux saisonniers, sont dorigine étrangère.
Alors que les employé-e-s suisses, qui sont majoritairement
à des postes de responsabilités, arrivent à mieux
défendre individuellement leurs conditions de travail, les
travailleurs-euses étrangers, souvent saisonniers, doivent se
soumettre aux conditions cadres énumérées plus
haut. Parmi les travailleurs-euses étrangers, nous estimons le
nombre de Sans-Papiers à quelque 8000 personnes. Celles-ci sont
sans aucun doute les plus vulnérables. […]
Conclusions: lindustrialisation de lagriculture renforce
évidemment la pression sur les petits producteurs et la
mainduvre agricole, tout en précarisant les
conditions de travail.
Nous avons besoin:
- De conditions légales de travail pour lagriculture,
qui doivent être en adéquation avec le niveau de vie et
les normes de travail usuelles en Suisse. - Dun travail syndical de proximité et de
défense des intérêts des travailleurs et
travailleuses agricoles accru. - Dune attitude offensive en faveur de la
main-duvre agricole de la part de lUSP et des
organisations y étant affiliées, soit la reconnaissance
des travailleurs et travailleuses agricoles en tant que partenaires
sociaux. - Dun large débat sur la souveraineté
alimentaire qui permettra de situer la production agricole dans un
contexte global. Cette réflexion permettra également aux
consommateurs de prendre position quant aux conditions sociales
requises pour les produits agricoles dimportation ou de
production nationale. - Dune législation, qui régularise le statut
des milliers de travailleurs agricoles Sans-Papiers, en Europe comme en
Suisse.