Histoires d'elles d’Yvette Théraulaz

Histoires d’elles d’Yvette Théraulaz

«Mieux vaut allumer une petite flamme que maudire les ténèbres»
Elle se dit une amoureuse passionnée, qui a questionné le
monde sans relâche, et n’a pas trouvé de
réponse. Certaine d’aimer toujours les enfants. Pour elle,
l’humanité se divise en deux catégories, les nantis
et les démunis. Lucide: l’invention qui a changé le
XXe siècle? «L’émancipation féminine».
Elle a toujours refusé de jouer les séductrices idiotes.
Et conclut que certains metteurs en scène pourtant très
politisés conservent une vision arriérée des
femmes.

Lettre à ma mère

Yvette Théraulaz ouvre la 50e saison du Théâtre de
Carouge avec Histoires d’elles. La vie de sa mère est
marquée par le catholicisme et par une éducation
patriarcale. La jeune femme découvre avec douleur que sa
mère est mineure à 40 ans tant sur le plan social que
politique (ni droit de vote, ni d’exercer une profession sans le
consentement de son mari, ni d’ouvrir un compte en
banque…). Histoires d’elles est ponctué de
chansons, certaines sont des compositions de son imaginaire,
d’autres des textes de Brassens, Berger, Ferrat, Sylvestre…

«Histoires d’elles tente de montrer comment nos deux destins se sont nettement différenciés, chacune, mère et fille, vivant dans son époque. (…) C’est le choc de ces deux univers, de destins contrastés, déclinés au féminin, que se propose d’arpenter ce spectacle musical. Les droits obtenus par les luttes des femmes sont d’ailleurs encore fragiles. C’est une question posée à la fin de cette création sur l’histoire, l’héritage et le devenir
des mouvements de femmes, très actifs dans les années 70.
Le XXe siècle est celui où les femmes ont effectué
une percée remarquable dans tous les domaines de la vie publique
et privée. (…) Tous les progrès
réalisés n’ont pu l’être que par
l’obstination des femmes à faire reconnaître leurs
droits. Du mouvement féministe des années 70 à
aujourd’hui, l’histoire des conquêtes
féminines est avant tout d’incessants combats, qui sont
loin d’être achevés»
(Yvette Théraulaz).

Histoires d’elles: morceaux choisis

«T’avais 40 ans pas le
droit d’avorter légalement. Tu as obtenu ce libre choix tu
avais 82 ans. A 40 ans tu n’avais encore jamais eu droit à
un congé maternité, quand nous l’avons obtenu le
1er juillet 2005, tu n’en avais plus besoin depuis longtemps.




Etais-tu contente d’être une mère? J’aurais aimé être institutrice, tu disais.



Entre les courses la vaisselle, entre
ménage et déjeuner, le monde peut battre de l’aile,
on n’a pas le temps d’y penser




Ô Vierge Marie, vous qui en avez eu sans le faire, faites que je puisse le faire sans en avoir…»

Des Histoires d’elles
tendres, drôles parfois hilarantes ou piquantes, un regard
poétique, parfois rageur, triste, lumineux et pertinent sur la
condition féminine. Des images qui nous laissent aussi le
goût amer de tant de cruauté, d’absurdité et
de folie. C’est ce mélange douloureux entre le politique
et l’intime qui reste au cœur de la lutte féministe
(l’égalité des salaires n’est toujours pas
obtenue, remise en question du droit à l’avortement, du
travail des femmes…). Entre luttes et espoirs, trois
générations de femmes se côtoient au
Théâtre de Carouge, en espérant que le rappel de
ces luttes passées, radicales et nécessaires, ranime la
révolte et l’esprit libertaire disparus des combats
féministes d’aujourd’hui.

Aldjia Moulaï

Mise en scène: Jean-Paul Wenzel
Théâtre de Carouge, du 18 septembre au 14 octobre Avec:
Yvette Théraulaz, Noémie Cotton (accordéon), Anne
Gillot (clarinette basse et flûte), Sara Oswald (violoncelle,
contrebasse et ukulélé)
Textes et musiques: Yvette Théraulaz, Anne Sylvestre, Arletty,
Viviane Forrester, Georges Brassens, Jean Ferrat, Michel Berger, Guy
Marchand, Jean Tardieu, Botho Strauss, Christian Gailly
Direction musicale: Lee Maddeford
Location: 022 343 43 43


Yvette Théraulaz, portrait

Après des études musicales, elle suit l’Ecole
romande d’art dramatique à Lausanne et passe un an chez
Tania Balachova à Paris. Elle a 14 ans lorsqu’elle
débute avec Benno Besson dans Sainte Jeanne des abattoirs
de Brecht. Elle joue et chante en Suisse, France, Belgique, Allemagne,
Pologne, Québec. Elle vit le théâtre comme une
aventure collective et engagée qu’elle décide de
mener en Suisse. Elle participe à la fondation du T’Act
avec A. Steiger. On la retrouve éprise de justice, militante
lucide et engagée, dans Jenny-tout-court de Michel Beretti. Avec Claude Straatz, elle est la juive Sichel dans Le Pain Dur de Claudel. Avec Joël Jouanneau, elle joue dans Les Enfants Tanner de Robert Walser, L’Idiot de Dostoïevski, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne ainsi que Juste la fin du monde de Lagarce. Jean-Paul Wenzel met en scène avec elle L’Amour d’un Brave Type et Blessures au Visage de Howard Barker.


Jean-Paul Wenzel entre à
l’Ecole nationale supérieure d’art dramatique de
Strasbourg, où il suit l’enseignement brechtien
d’André Steiger. En 74, il joue Timon d’Athènes
pour Peter Brook. Il fonde avec Robert Gironès le
Théâtre de la Reprise, avec Jean-Louis Hourdin et Olivier
Perrier le groupe des Fédérés. Il codirige le CDN
de Montluçon, dirige l’Ecole du Théâtre
National de Bretagne. Il met en scène des pièces de
Brecht, Fassbinder, von Horvath, Levi, Namiand, Deutsch,
Cormann… Ses pièces sont éditées et
créées en France et à l’étranger,
dont Loin d’Hagondange ou la vie d’un couple de retraités des aciéries lorraines. Son objectif est de donner au théâtre la parole aux minorités et aux exclus, «à ceux qui ne l’ont pas».
La pièce a été traduite dans près de 20
langues. Il est l’un des auteurs contemporains les plus
joués à l’étranger. A St-Gervais, du 8 au 26
janvier prochains, il mettra en scène Les Figurants, d’après Jose Sanchis Sinisterra.

Anne Sylvestre (Non
tu n’as pas de nom, Lettre ouverte à Elise, Une
sorcière comme les autres, La Faute à Eve,
Langue-De-Pute…
) enregistre en duo avec Boby Lapointe,
tourne avec Reggiani. Féministe avant l’heure, dès
les années 60, elle revendique pour la femme la liberté
d’aimer. Du 25 au 30 septembre, elle fête ses 50 ans de
carrière, Mon jubilée! au Théâtre du
Trianon, Paris.