Yverdon s’affiche…Quand les LGBT sortent du placard
Yverdon saffiche
Quand les LGBT sortent du placard
A loccasion de la
journée internationale du coming-out (11 octobre), deux
associations de défense des droits des lesgaybitrans (LGBT)
VoGay (association vaudoise de personnes concernées par
lhomosexualité) et plan-Queer (cercle des
étudiant-e-s LGBT des Hautes Ecoles) ont organisé
deux soirées dans des lieux inédits. Lune
delle, «Yverdon saffiche
!», a eu lieu
aux Citrons Masqués, le 12 octobre 2007. Pour sa part,
plan-Queer a proposé la première soirée LGBT sur
le site de lUniversité de Lausanne la veille du
Coming-out Day.
Safficher à Yverdon? Pas facile! A la fin du mois
davril, une conseillère communale yverdonnoise de
lUnion démocratique fédérale (UDF), parti
de droite dobédience évangéliste demandait
le retrait de laffiche de prévention sida,
éditée par loffice fédéral de la
santé publique, présentant deux hommes nus dans un lit,
et assortie du double slogan «pas de sperme ou de sang dans la
bouche; pas de pénétration sans capote».
Mais pourquoi safficher?
Laffiche était située à la sortie
dune école, et la vue de ces hommes, tout comme le
message de prévention, aurait pu choquer des enfants,
disait-elle.1 VoGay interpelé à ce
propos par écrit la municipalité dYverdon;
lassociation na cependant reçu de réponse
officielle quaprès la soirée du 12 octobre.
Lexécutif a alors précisé avoir
demandé à la SGA, leader de laffichage
publicataire en Suisse, de retirer toutes affiches jugées
indécentes à proximité des écoles.
Lassociation avait été mal informée et il
ne pouvait y avoir dhomophobie dans cette
décision
Cette position confirme des renseignements
obtenus entre-temps auprès de différentes instances
communales, qui nont pu toutefois certifier que des affiches
montrant des femmes dévêtues auraient connu le même
sort. Le fait de «safficher» est une attaque
courante accompagnant le coming-out des LGBT. Lintitulé
de la soirée a donc joué sur deux facettes: le retrait de
laffiche de prévention et laffirmation de soi.
Chaleureusement accueillie par léquipe des Citrons
Masqués, cette soirée LGBT, jusqualors jamais
organisée dans le nord vaudois, a été un franc
succès. Cependant, le titre de la soirée na pas
été sans susciter la crainte dun
«excès de démocratie», en
référence explicite aux incidents de Berne, pour
reprendre le discours prononcé par un conseiller communal
socialiste devant lassemblée. Invitée, la
conseillère communale UDF et un collègue de son parti ont
eu la possibilité de réaffirmer leur position à la
presse couvrant la soirée: si les LGBT ont le droit
dexister, ils devraient le faire cachés.2
Sortir du placard
Le «placard» est une métaphore qui désigne la
condition des LGBT durant les Trente Glorieuses: reclus-es dans la
solitude, marié-e-s au nom de théories
pseudo-psychologiques misant sue le changement dorientation au
contact de lautre sexe, surveillé-e-s par la police quand
affirmé-e-s, et exclu-e-s de la fonction publique dans la
majorité des sociétés occidentales, voire
stigmatisé-e-s au cinéma en une sorte de personnage
inexorablement pervers. Si les conditions sociales, notamment suite
à lhécatombe du sida, ont fortement
évolué et ont permis ladoption de contrats de
partenariat, force est de constater la persistance dun placard
mental, parfois alimenté par des conceptions sexistes. Une fois
passée la phase des injures de préaux
décole, ce placard prend la forme dun silence
intériorisé bien compréhensible.
Lopprobre social est suffisamment fort dans notre pays pour
quun-e jeune sur quatre se suicide à cause de
laffirmation dune sexualité différente.
Dans loptique de favoriser la visibilité des LGBT
à lUniversité de Lausanne, plan-Queer a
organisé, la veille du coming-out Day, la première
soirée LGBT sur le site de Dorigny sur le thème: le
«Zelig [espace de rencontre autogéré] sort du
placard». Prosélytisme? Non, juste reconnaissance du
placard mental dans un environnement a priori ouvert à la
diversité des genres, et lutter contre ses effets au quotidien.
Depuis sa constitution en avril de cette année,
lassociation propose des activités
régulières et gagne progressivement des membres. A
Yverdon, trois étudiants ont eu le courage de témoigner
dans lémission «Illico» qui sera
prochainement diffusée sur la TSR. Sensibles, mais pas
larmoyants, ces interviews témoignent de la difficulté
rencontrée par les jeunes.
Hétérofriendly
Paradoxalement, le reproche (ou la culpabilité)
dorganiser des activités réservées fait
partie du placard mental et le verrouille: dun
côté, il ne faudrait pas safficher, mais de
lautre, il ne faudrait pas se dispenser dêtre vus.
Logiquement, ce dilemme devrait se résoudre en ne se
réunissant pas en public. Or toutes les activités et
soirées ont été demblée ouvertes aux
hétérosexuel-les. Ces contacts permettent de mesurer une
progression de lacceptation des LGBT et une prise de conscience
de labsurdité du binaire homo-hétéro parmi
les personnes présentes. Suite à ladoption de la
loi sur le partenariat enregistré indice objectif de la
tolérance de la population en général , le
militantisme LGBT est en mutation. Une sortie des grandes villes est
devenue nécessaire pour pouvoir agir concrètement dans
des lieux inattendus. En témoigne les propos dun ancien
étudiant de lUniversité de Lausanne (25 ans) venu
au Zelig: «Durant toutes mes années détudes
à Dorigny, jai toujours rêvé de voir deux
garçons ou deux filles sembrasser, ici à
lUni. Je ne laurais jamais cru possible».
1 Cf. 24 Heures, 5.5.2007
2 Cf 24 Heures, 15.10.2007; sur les positions explicites de lUDF, voir le site www.gayromandie.ch