A Gauche Toute! dans l’impasse…Pour un bilan de l’histoire électorale de solidaritéS

A Gauche Toute! dans l’impasse…
Pour un bilan de l’histoire électorale de solidaritéS

Afin d’en tirer toutes les
implications pour solidaritéS, la contre-performance
d’«A Gauche Toute!» (AGT) à Genève doit
être replacée dans un contexte plus large. Elle
s’inscrit tout d’abord dans le cadre d’un
échec national évident (une seule élue au lieu de
trois, en 2003), qui renvoie à d’autres impasses
électorales de la gauche antilibérale européenne.
Y a-t-il en effet un espace pour la construction de forces politiques
définies comme antilibérales? Peut-on nourrir une
volonté d’opposition durable à la logique du
capitalisme sans renforcer le caractère alternatif de notre
programme, sans revendiquer clairement un projet de rupture en positif
avec le système? Ces débats sont lancés à
solidaritéS, avec la proposition d’un congrès de
notre mouvement, probablement au mois de mars à Genève,
qui pourrait se poursuivre par un congrès national. Comme
matériel dans cette perspective Jean Batou nous livre un bilan
sommaire de l’histoire électorale de solidaritéS…

Depuis la fondation de notre mouvement à Genève,
il y a 15 ans, nous avons pris part à douze campagnes
électorales: quatre élections cantonales, quatre
élections municipales et quatre élections nationales.
Nous nous sommes présentés trois fois tout seuls, quatre
fois avec le groupe des Indépendants et cinq fois unitairement
avec l’ensemble des forces situées à la gauche du
PS et des Verts. Dans l’ensemble, nos résultats laissent
apparaître deux périodes clairement distinctes,
indépendamment de la formule électorale choisie: a) La
phase des succès, de 1993 à 1999, où nos scores
d’ensemble,toutes composantes réunies, varient entre 17,1%
et 19,0% aux Cantonales, 22,0% et 27,5% aux Municipales en ville, et
13,2% et 16,7% aux Nationales; b) La phase des déboires, de 2001
à 2007, où nous obtenons entre 13,0% et 14,8% aux
Cantonales, 11,7% et 19,0% aux Municipales en ville, et 7,5% et 8,8%
aux Nationales.

Résultats cumulés de la gauche antilibérale 1993-1999 / 2001-2007

    Cantonales    Municipales    Nationales
        (Ville)
93-99    17.1-19.0?%    22-27.5%    13.2-16.7?%
01-07    13-14.8%    11.7-19?%    7.5-8.8?%

Un déclin continu depuis 2001…

Contrairement à une opinion répandue, dans ces deux
périodes successives, nos meilleurs scores d’ensemble ont
été obtenus sur des listes séparées. Pour
la première période, 16,7% aux Nationales sur deux listes
(1999), 27,5% aux Municipales en ville sur deux listes (1999), 19% aux
Cantonales sur une liste unique (1993), mais avec des campagnes
distinctes; pour la seconde période, 8,8% aux Nationales sur
trois listes (2003); 14,8% aux Cantonales sur trois listes (2005); 19%
aux Municipales sur deux listes (2003). L’idée que les
divisions entre les composantes de l’ADG, puis d’AGT,
seraient à l’origine du déclin de nos
résultats est donc un mythe. En revanche, le déclin de
nos résultats, tirés constamment vers le bas par le PdT
(en termes de sièges sur les listes unitaires ou de pourcentages
sur des listes séparées), a sans doute été
l’un des principaux ferments de nos divisions. De leur
côté, les Indépendants, plus proches du PdT sur le
plan politique, mais dépourvus de force organisationnelle et de
projet politique propre, n’ont cessé de changer de
partenaire, partant tantôt avec solidaritéS, tantôt
avec le PdT, en fonction de critères essentiellement
électoraux.

Dans la seconde période, depuis que le PdT a frisé le
quorum dans son bastion en ville de Genève (7,3% en 2001),
perdant désormais sa capacité de partir seul avec de
réelles chances de succès, la vie de notre alliance
électorale a été particulièrement
chahutée. Aux Nationales (2003), Jean Spielmann a obtenu le
départ en solo du PdT, empêchant ainsi la
réélection probable de Christian Grobet. Puis, tablant
sur le reflux de l’altermondialisme (après la
répression de l’anti-G8 de juin 2003) et sur
l’épuisement du mouvement de la fonction publique
(après les dernières mobilisations de 2004), les
Indépendants et le PdT ont refait cause commune pour tenter de
tirer l’ADG vers une ligne plus conciliatrice avec le PS
(réticence à soutenir nos propositions
d’initiatives fiscales), doublée d’appels du pied
démagogiques à l’électorat populaire,
gagné par la droite nationaliste (dénonciation des
frontaliers comme responsables du chômage). L’échec
de cette tentative désespérée a laissé des
traces, on le sait, en favorisant d’abord l’essor du
Mouvement des Citoyens Genevois (MCG), dont l’électorat
est en passe aujourd’hui de rallier l’UDC; ensuite, elle a
conduit les Indépendants, soutenus par le PdT, à rejeter
tout compromis avec solidaritéS en vue d’une liste commune
au Grand Conseil en 2005, provoquant l’éviction du
Parlement des deux formations issues de l’ADG, chacune à
un cheveu du quorum de 7%.

Combat de chefs ou impasse politique?

Ces tribulations des années 2001 à 2005 ont
été présentées le plus souvent par les
médias sous l’angle très subjectif d’un
combat de chefs. En réalité, elles s’expliquaient
plutôt par le déclin rapide du PdT, qui remettait en cause
par là même le rôle de trait d’union des
Indépendants au sein de l’alliance. Mais plus
fondamentalement, ce déclin du PdT renvoyait à
l’impasse de son orientation politique traditionnelle,
calquée sur celle de PCs européens, visant au maintien
d’un accord privilégié avec la
social-démocratie pour tenter d’en infléchir
à gauche la politique sociale-libérale: mission
impossible, compte tenu des transformations qualitatives du capitalisme
globalisé, depuis les années 80. C’est la
même orientation, partie pourtant d’un discours beaucoup
plus à gauche et de liens autrement plus forts avec le mouvement
social, qui a poussé Refondation communiste, en Italie, à
jouer aujourd’hui les flancs gauches du gouvernement
Prodi…

Dès lors, la tentative de repartir ensemble aux élections
Municipales et Nationales de 2007, avec le petit groupe des Communistes
en plus, à l’enseigne nouvelle d’A Gauche Toute!,
allait se solder par un échec cuisant. En modifiant la forme
– les structures de l’ADG –, nous avons
malheureusement renoncé à débattre du fond: de la
ligne politique de la nouvelle alliance: de son projet de
société. Pourtant, une résistance au
néolibéralisme qui ne dénonce pas explicitement la
logique du capitalisme devient de plus en plus illisible. Dans les
faits, elle ne peut qu’évoluer vers une politique du
moindre mal – programme commun minimum avec le PS et les Verts au
Conseil administratif de la Ville de Genève, renonciation
à présenter une liste au Conseil des Etats pour ne pas
handicaper les deux candidat-e-s de l’«Alternative»,
etc. –, apparemment plus radicale, du fait du lancement de
référendums contre la politique de capitulation de la
«gauche» de gouvernement, mais sans mobilisations sociales
et des chances de succès limitées. En
réalité, AGT perdait ainsi une bonne part de sa
crédibilité alternative (au sens fort du terme),
repoussant même une partie de l’électorat de
solidaritéS vers les Verts… C’est pourquoi, les
deux échecs électoraux successifs de 2007 sont un coup de
semonce: un pas de plus dans cette direction, et solidaritéS
risque bien de s’enfermer dans la même impasse que le
PdT… avec les mêmes résultats

Jean Batou

L’élection du Conseil National: grandes tendances en chiffres

Les résultats des élections au Conseil National dans le
canton de Genève sont nets. Il s’en dégage quatre
tendances fortes:

  1. L’UDC fait un tabac en absorbant une partie de
    l’électorat du MCG (Mouvement des Citoyens Genevois). Elle
    devient ainsi le premier parti du canton (21,1%; 23,6% avec le MCG),
    devant le PS (19,1% avec les Jeunesses Socialistes). Dans les grandes
    communes suburbaines (sauf à Carouge), le bloc UDC-MCG atteint
    même des scores «zurichois»: 30,6% à Vernier,
    30,5% à Meyrin, 28,8% à Onex et 27,4% à Lancy. La
    progression de ce pôle se fait essentiellement aux dépens
    du PDC (-2.1%) et des Libéraux (-2%), mais aussi marginalement
    du PS (voir plus loin).
  2. Le PS recule massivement: de 24,8% à 19,1% (-5,7% en
    moyenne cantonale). Son déclin est cependant
    particulièrement net, là où le tandem UDC-MCG
    triomphe: Vernier (-8,1%), St-Jean (-7,9%), Onex (-7,6%),
    Prieuré-Sécheron (-6,8% ), Meyrin (-6,5%). Ailleurs, ses
    pertes sont généralement plus en rapport avec les gains
    des Verts (il abandonne 5,7% en ville, ou ceux-ci gagnent 5,2%).
  3. Les Verts font un bond en avant (+5,2%) et talonnent le PS avec
    une moyenne cantonale de 16,4%, dopés par leurs bons
    résultats dans les quartiers populaires de la ville (22,9%
    à Cluse-Roseraie, 22,6% aux Pâquis, 21,9% à
    St-Gervais et Mail-Jonction, 20,7% à Prairie-Délices et
    St-Jean et 20,6% aux Acacias) et à Carouge (18,8%), une tendance
    déjà amorcée lors des élections cantonales
    de 2005. Ils font cependant moins bien dans les grandes communes
    suburbaines (entre 14,5% à Lancy et 14,9% à Vernier).
  4. A Gauche toute! (solidaritéS et Indépendants)
    réalise un très mauvais score (4,9%), inférieur
    aux résultats obtenus par solidaritéS, lorsque nous nous
    sommes présentés seuls aux Nationales en 2003 (5,4%) ou
    aux Cantonales en 2005 (6,7%). Le chef de file des Indépendants,
    Christian Grobet, moins bien élu que Pierre Vanek sur la liste
    AGT (-279 suffrages), lui aurait cependant ravi le siège,
    grâce au plus grand nombre de suffrages qu’il recueille sur
    les autres listes: il est rajouté 385 fois de plus que notre
    candidat sortant sur les bulletins officiels, 340 fois de plus par le
    PS et les Verts et 326 fois de plus par la droite. De son
    côté, le PdT qui faisait bande à part tombe
    à 1,9% (-0,8%): par son refus du sous-apparentement, il permet
    aux socialistes de conserver leur troisième siège aux
    dépens de l’Indépendant Christian Grobet, avec
    lequel ils faisaient pourtant liste commune il y a deux ans, au Grand
    Conseil… Quant aux Communistes, ils maintiennent leur 0,7%. (jb)