Fritz Platten

Fritz Platten : Un communiste suisse victime du stalinisme

«Staline a réussi là où l’Okhrana [ndlr: la police secrète tsariste] avait échoué, à éliminer politiquement ou plus précisément à liquider physiquement la fine fleur du bolchevisme» (Georges Haupt et Jean-Jacques Marie, Les bolchéviks par eux-mêmes). Parmi les victimes se trouve Fritz Platten (1883–1942), un des fondateurs du Parti communiste de Suisse.

Lors de la révolution russe de 1905, Platten s’était rendu à Riga «pour vaincre ou mourir aux côtés des sociaux-démocrates lettons». De retour en Suisse, il adhère au Parti socialiste (PSS), avant d’être, en 1912, «le général de la grève générale» à Zurich. Dirigeant de la gauche zimmerwaldienne au sein du PSS pendant la Première Guerre mondiale, il organise le retour de Lénine en Russie en avril 1917.

En 1921, Platten participe à la fondation du Parti communiste. Emigré en Russie (1923), il y fonde une coopérative agricole, puis enseigne à l’Institut des langues étrangères. Par ailleurs, dans les années 1927/28, «il s’était joint à l’opposition de Zinoviev et m’avait invité à parler aux Suisses du sovkhoze qu’il dirigeait près de Moscou, quand je m’étais opposé à Staline» (Jules Humbert-Droz, Dix ans de lutte anti-fasciste, 1931-1941). Lors des purges staliniennes, Platten est arrêté en 1936, relâché, puis réincarcéré en 1938 jusqu’à sa mort, fusillé le 22 (ou 24) avril 1942 «par ordre supérieur».

Son sort resta longtemps inconnu: en 1950, une délégation de l’Association Suisse-URSS rapporte que Platten est vivant, mais assigné à résidence à 60 km de Moscou et qu’on ne peut le voir. En 1956, après le «rapport attribué au camarade Khrouchtchev», le PCUS informe mensongèrement le Parti suisse du travail que Platten est décédé d’une crise cardiaque. Ce n’est qu’en 1989, grâce à la politique de transparence de la glasnost, que son fils Georg (vivant en URSS) peut révéler publiquement la vérité sur le sort de son père.

Hans-Peter Renk


À lire

Roy Medvedev, Le stalinisme: origines, histoire, conséquences. Paris, Seuil, 1971.

A. Duret, Platten: «Jamais il ne jetterait une ombre sur la mémoire de Lénine», La Brèche, nº 60 (décembre 1972).

André Rauber, «Platten, Fritz (1889–1942)», Histoire du mouvement communiste suisse. T. 2. Genève, Slatkine, 2000.

Markus Bürgi, «Platten, Fritz», Dictionnaire historique de la Suisse (hls-dhs-dss.ch)

Benito Pérez, «L’ami suisse de Lénine», Le Courrier, 20.6.2017