DECFO-SYSREM, comme...un défaut dans le système !

DECFO-SYSREM, comme…un défaut dans le système?!

Decfo-sysrem: sous cet étrange acronyme se cache une
réforme bien réelle, sur le point d’affecter les
quelque trente mille salarié-es de la fonction publique et
parapublique vaudoise. Sous l’impulsion du conseiller
d’Etat Pascal Broulis, les fonctions des employé-e-s
vaudois seront en effet «réévaluées»
(decfo), et mises en correspondance avec de nouvelles grilles
salariales (sysrem). Voilà pour le principe. Seulement, à
observer la réforme de plus près – et même si
cette observation est rendue difficile par le peu d’empressement
dont fait preuve le conseil d’Etat lorsqu’il s’agit
d’aborder avec les syndicats les «détails»
concrets de la réforme – on s’aperçoit vite
que les «réévaluations» annoncées
correspondent en réalité à une attaque
dirigée contre la reconnaissance des qualifications et des
diplômes. Du même coup, les «nouvelles grilles
salariales» deviennent un autre nom pour dire: baisse des
salaires!

Une politique de longue haleine

Il ne faudrait surtout pas croire que cette réforme
procède d’une lubie soudaine du conseiller d’Etat
radical Broulis. Tout au contraire, le decfo-sysrem s’inscrit
dans un projet de longue haleine mené par la droite patronale
vaudoise, majoritaire au conseil d’Etat et au Grand conseil.
Depuis le milieu des années 90, entre absence
d’indexation, paiements partiels des annuités et
«contribution de crise», les salaires de la fonction
publique vaudoise ont en effet baissé de quelque 20% – au
bas mot. Chaque année, et avec une constance redoutable,
c’est quelques dizaines de millions qui sont soustraits aux
salarié-es de l’Etat de Vaud: 34 millions en 2005, 34 en
2006, 17 en 2007. En sommes cumulées, depuis 3 ans, la masse
salariale de la fonction publique vaudoise a baissé de 190
millions de francs! Le decfo-sysrem donne malheureusement à
penser que cette politique dirigée contre les
intérêts de la grande masse des employé-es de
l’Etat de Vaud a encore quelques beaux jours devant elle.

Ecrans de fumée

Un des nerfs de la nouvelle réforme consiste en un
étalement de la progression salariale due à
l’ancienneté de la fonction: de 20 annuités, la
progression salariale s’étalera désormais sur 30
annuités. Anodin? Sûrement pas, dans la mesure où
ce ralentissement de la progression salariale représente, sur
une carrière complète, une perte nette qui sera souvent
supérieure à 10% du salaire gagné actuellement
à carrière égale: ainsi par exemple, un-e
infirmier-ère qui aujourd’hui gagne 2 millions et demi de
francs en quarante ans de métier, perdra quelques 250 mille
francs sur l’ensemble de son parcours professionnel! Dès
lors, si le conseil d’Etat cherche à noyer le poisson en
annonçant à qui mieux mieux une hausse des premiers
salaires (hausse par ailleurs tout à fait justifiée),
cette hausse est malheureusement compensée, et même
complètement annihilée, par l’étalement
global des annuités. D’ailleurs, pour ce qui est de noyer
le poisson, le conseil d’Etat ne semble pas être à
un artifice près. Malgré les demandes
répétées des syndicats SUD et SSP depuis quelques
mois, il semble très difficile d’obtenir du gouvernement
des chiffres précis, notamment en ce qui concerne la nouvelle
grille salariale de certaines fonctions depuis longtemps
laissées pour compte (cantonniers-ères,
instituteurs-trices, pénitentiaires). Cette opacité
signifie-t-elle que le gouvernement vaudois aurait d’autres
choses encore à se reprocher? En tous les cas, il est difficile
pour les syndicats de mener de véritables négociations
avec un gouvernement qui refuse de jouer cartes sur table.

Diviser les salariés

Ce qui est sûr toutefois, c’est que pour faire passer sa
réforme, le gouvernement vaudois use d’une technique qui a
largement fait ses preuves depuis que le capitalisme existe…
diviser les salarié-e-s: par exemple en faisant jouer les unes
contre les autres les quelques revalorisations auxquelles il consent
çà et là, ou encore en ouvrant la porte à
une individualisation des salaires et des cahiers des charges, ou enfin
en encourageant les salaires «au mérite». La gestion
récente (et catastrophique) du service des autos, mélange
de polyvalence imposée et de gloriole managériale,
devrait nous servir de mise en garde. Du reste, les seuls
salarié-e-s à tirer réellement profit du
decfo-sysrem seront ceux qui contribuent à le mettre en
œuvre: les chefs de service, les cadres de l’administration
et autres sbires de la techno-structure qui voient, eux, la progression
de leur salaire fortement augmenter.

Le gouvernement contre les femmes

Comme par hasard, les premières à subir de plein fouet
cette nouvelle réforme seront les femmes. En effet, les
métiers où les femmes sont majoritairement
représentées sont aussi les premiers attaqués:
service social, administration, enseignement primaire et secondaire,
personnel de santé… De plus, le passage à trente
annuités pénalise davantage les femmes, dont la
carrière est statistiquement plus courte que celles des hommes.

Quelle résistance?

Le conseiller d’Etat radical Broulis s’ingénie
à donner au public l’image d’un «gentil
centriste», d’un «modéré»
soucieux d’équilibre budgétaire et de paix sociale.
Mais en réalité, la politique qu’il mène
depuis bientôt cinq ans à la tête du
département des finances s’inscrit dans la plus pure
tradition d’une droite économique et patronale
«dure». Le groupe A Gauche Toute! du Grand conseil
continuera à se battre contre le decfo-sysrem, mais cela
n’empêchera pas la droite et l’extrême droite
de faire la loi, au législatif comme à
l’exécutif vaudois – aussi longtemps du moins que
les salarié-e-s ne parviendront pas à établir un
rapport de force véritable qui mette le gouvernement au pied du
mur. C’est dire dès lors l’importance de la
manifestation de la fonction publique prévue à Lausanne
le 22 novembre. Elle sera un premier pas dans un processus de
résistance qui s’annonce long et difficile.

Hadrien Buclin


Pour plus d’infos sur le decfo-sysrem, l’excellent dossier du syndicat SUD sur www.sud-vd.ch

Manifestation

« Défendre nos salaires! »

Jeudi 22 novembre 17h30
Place Saint-François
Lausanne