Grèves dans la constructionLes patrons ne veulent pas entendre raison

Grèves dans la construction
Les patrons ne veulent pas entendre raison

Depuis le 1er octobre, il n’y a plus de convention collective
dans le secteur principal de la construction. C’est une branche
importante qui occupe 80 000 travailleurs et qui est dirigée par
des patrons qui sont largement des émules de Blocher.

C’est aussi une branche où les travailleurs avaient
obtenu, par des combats continus, une convention collective qui offrait
une palette de protections relativement étendue, en particulier
des salaires minimaux qui sont au coeur de la polémique. En
décidant de dénoncer l convention, ce patronat style UDC
espère tout simplement l’élimination des
syndicats.Ils pensent réaliser la même opération
que Blocher dans son usine EMSChemie et ne s’en cachent pas.

La «flexibilité» à outrance

Derrière la volonté d’écarter les syndicats,
il y a évidemment un enjeu social d’importance.
L’argument officiel des patrons pour dénoncer
unilatéralement la convention, est la flexibilité
insuffisante des horaires pourtant déjà grande dans la
branche. Ils veulent l’étendre davantage. Actuellement
l’horaire de travail varie entre 37,5h et 45h hebdomadaires en
fonction de la météo et des commandes. L’horaire
moyen est de 41h25. Une réglementation spéciale sur les
heures flexibles permet d’accumuler en cours d’année
jusqu’à 100 heures en plus sur des comptes individuels.
Ces heures en plus ne sont pas assimilées à des heures
supplémentaires et l’employeur ne doit ni les indemniser
spécialement, ni les compenser comme le souhaite le travailleur
(il peut par exemple ordonner à la place, l’hiver suivant,
des «vacances forcées»). L’obligation de
verser une majoration au titre des heures supplémentaires
n’existe dans la construction qu’au-delà de 48
heures hebdomadaires.

Des grèves réussies

Quand les patrons ont décidé la dénonciation de la
CCT, les oppositions dans leurs rangs ont été
pratiquement inexistantes et les abstentions rares. Pour
répondre à ce qui était une véritable
provocation, les syndicats UNIA et Syna, (il faut bien dire
qu’UNIA est la force dominante qui tire le mouvement) ont
appelé à des mouvements de grève régionaux
avec pour projet de faire monter régulièrement la
pression et ramener les patrons à la table de négociation.

Sur les chantiers des transversales alpines, à Genève,
Neuchâtel, Berne, Bâle, Zürich, le mouvement a
été un succès. Les chantiers ont
débrayé parfois même là où on ne
s’y attendait pas. Dans toutes les régions et dans les
tunnels, la mobilisation a été au rendez-vous. Certes,
ces grèves ont demandé du syndicat, de ses permanents, un
investissement militant considérable, mais la base a suivi,
à la grande déception des patrons qui espéraient
un échec syndical.

Maintenant le discours patronal change, au moins en Suisse Romande. Les
employeurs se plaignent, assurant qu’ils veulent une convention,
que ce n’est qu’une question de temps et que les syndicats
«trompent» les travailleurs. On a vu les patrons
neuchâtelois signer une tribune où ils se disent
dégoûtés par la façon dont les syndicats ont
prétendument «pris en otage» les maçons dans
le conflit sur le renouvellement de la CCT du secteur principal de la
construction. Mais pourquoi ne les a-t-on pas entendus quand la
décision a été prise de dénoncer
unilatéralement la convention? Ils se sont faits silencieux
espérant secrètement que la direction de la SSE
(société suisse des entrepreneurs) réussisse son
coup.

La lutte doit durer

La réalité, c’est que les patrons à la
tête de la SSE maintiennent leur stratégie: se
débarrasser de la convention collective, pour se
débarrasser rapidement des salaires minimaux, des horaires de
travail contrôlés, de la retraite anticipée. La
séance de négociation du 5 novembre n’a encore rien
donné. Nous allons entrer dans une période où les
employeurs essayeront d’obtenir du syndicat qu’il cesse ses
grèves en contrepartie de vagues promesses. Les travailleurs
n’ont aucune confiance à accorder à desprovocateurs
qui espèrent éliminer leurs syndicats. La lutte sera
longue jusqu’à la signature d’un nouveau contrat,
mais chaque nouvelle grève donne de l’espoir, du courage
et permettra l’élargissement du mouvement. Les patrons ont
semé la tempête; ils récolteront ce qu’ils
méritent.

Henri Vuillomenet

Des patrons de choc

L’évènement syndical, journal du syndicat UNIA
(www.evenement.ch) relate dans son numéro du 31 octobre
l’invraisemblable réaction des patrons des entreprises qui
oeuvrent sur les NLFA (nouvelles transversales alpines) à
Sedrun, dont les ouvriers s’étaient mis en grève
pour 24 heures à l’appel des syndicats.

Les contremaîtres font remplir sur les chantiers un petit
questionnaire demandant: «Avez-vous participé à la
grève? Etiez-vous disposés à travailler ce
jour-là?» Une bonne réponse au patron donne droit
à une prime de 200 francs!

C’est un scandale, une atteinte à la liberté
individuelle, au droit de grève, qui conduirait ces patrons,
dans n’importe quel pays démocratique, devant un tribunal
pour au moins entrave à la liberté syndicale. Ces faits
illustrent une nouvelle fois la pauvreté de la
législation sociale en Suisse, la faible protection des
travailleurts-euses et l’absence de droit de présence
syndicale dans l’entreprise. Nous espérons bien que la
mobilisation ouvrière les fera taire!

(hv)