L'Europe sociale ou ça va chier
6-7 décembre: manifestations contre le Sommet de lUE
«LEurope sociale ou ça va chier »
La grande presse na fait que de brèves allusions à lénorme rassemblement syndical ou à la manifestation anticapitaliste devant la Conférence, préférant faire lexégèse des positions des différents pays sur le vote à la majorité qualifiée. Pourtant, avec 80 000 personnes dans la rue, Nice a constitué la plus importante mobilisation européenne de salarié-e-s de toute la décennie. On sait que la soi-disant Charte des droits fondamentaux a été adoptée, mais sans avoir force de loi, et que la politique de la santé, de léducation, de laudiovisuel et de la culture continuera à être soumise à la règle de lunanimité. Un résultat médiocre pour les partisans de lEurope libérale. Un succès partiel pour les opposant-e-s mobilisé-e-s. Sans dresser ici un bilan du Sommet officiel, nous aimerions revenir sur la mobilisation des opposant-e-s.
par Jean Batou
La participation de la Confédération Européenne des Syndicats (45 millions de membres) à la manifestation du 6 décembre est un fait nouveau, en dépit de ses positions extrêmement ambiguës.(1) Rappelons que les Marches contre le chômage et la précarité, qui avaient ponctué, depuis trois ans, les sommets de lUnion Européenne à Amsterdam, Cardiff, Vienne et Cologne, sétaient développées face au vide syndical par rapport aux enjeux de la construction européenne.
Une manif syndicale impressionnante
La manifestation syndicale du 6 décembre était massive. Des dizaines de milliers de salarié-e-s ont défilé pendant six heures contre lEurope néolibérale. Au cur du cortège, la CGT regroupait 25000 militant-e-s. La CFDT était nettement moins bien représentée, divisée entre Confédéraux, avec Nicole Notat, et oppositionnels. Parmi les 15 000 syndiqué-e-s venus dautres pays Européens, dont 5000 de lEtat espagnol, dominaient clairement les mots dordre combatifs (cf. «des manifestant-e-s parlent»). Fermant la marche, 10 000 militant-e-s défilaient derrière la banderole du «Collectif pour une autre charte, pour nos droits, tous nos droits, pour une autre Europe» On y retrouvait des délégations des Mar-ches européennes, du Groupe des dix (dont Sud), de la CNT, dATTAC, dAC ! La FSU (enseignement) avait signé cet appel, bien que défilant entre la CES et le Collectif. A larrivée, un millier de personnes décidaient de poursuivre jusquà la gare afin de protester contre le blocage du train italien à la frontière. Ils allaient être brutalement reçus par des lacrymogènes et des charges de police.
6000 pour encercler les Global Leaders européens
Le lendemain, jeudi 7 décembre, des rendez-vous avaient été pris pour 7heures du matin à deux endroits de la ville. Allaient sy retrouver quelque 6 000 militant-e-s dATTAC, des Marches européennes, du Groupe des 10, de la FSU, de No Pasarán, de la CNT, de la LCR, dautres groupes de la IVe Internationale, du SWP britannique, ainsi que de divers mouvements basques, espagnols, italiens, kurdes, etc. Lobjectif: encercler lA-cropolis, où se tenait le sommet, pour en perturber la tenue. Mais les autorités avaient décidé de sopposer par tous les moyens à lapproche des manifestants. Après chaque charge de CRS, précédée de jets de grenades lacrymogènes, les cortèges se reformaient, réussissant même à pénétrer un moment dans la vieille ville. La police a également brutalisé des groupes isolés, notamment devant un commissariat, où 300 manifestants ré- clamaient la libération dun militant italien. La manif sest conclue par un meeting unitaire. Les manifestations contre le Sommet européen de Nice devaient permettre de conjuguer la puissante vague de protestation des organisations de salarié-e-s et de chômeurs/euses avec les secteurs mobilisés contre les effets de la mondialisation capitaliste en Eu- rope, après Genève, Millau et Prague. Lenjeu était de taille, si lon considère que ces protestations partagent des préoccupations communes et peuvent se renforcer mutuellement et se féconder politiquement. Dès lors, il était stratégiquement important de faciliter leur rapprochement dans laction tout en discutant des divergences.(2) Cela impliquait de dépasser un certain nombre de préventions entre organisations.
Les salarié-e-s européens dans la mêlée
Cétait lobjectif déclaré dATTAC au sein du «Collectif pour une autre charte». Cette volonté de former un «tissu conjonctif» entre secteurs et moments divers de la mobilisation lui a conféré une omniprésence et une visibilité importantes, à côté des grandes organisations syndicales, contrairement aux mouvements de chômeurs/euses, par exemple, dont la présence a été largement oubliée. A tel point, que certains ont perçu lattitude dATTAC comme une tentative de récupération médiatique La discussion devra se poursuivre sur ce point.
Des manifestant-e-s parlent
«Hé les grand chefs ! Attention ! Ou lEurope sociale ou ça va chier» (pancarte de lOGBL, syndicat so-cialiste luxembourgeois).«Les gouvernements parlent de marché unique, de libre circulation des marchandises. Nous devons ré-clamer la libre circulation des gens. Nous devons lutter contre le racisme. LEurope que je veux est une Europe où les travailleurs sont unis, quelles que soient leurs couleurs et leurs langues» (un syndiqué de la CGIL de Gênes).
«Vous voulez savoir contre quoi nous luttons? Regardez lAngleterre, avec ses trains privatisés et sa vache folle! Cest ce que les privatisations et le marché libre leur a apporté. Nous ne voulons pas quon nous impose ça dans toute lEurope. Nous voulons une Europe où les gens passent avant les profits, une Europe où les services publics comme la santé, léducation et les transports répondent aux be-soins des gens» (une employée de la SNCF de Nice).
«Nous devons insister pour que ce ne soit pas une Europe où tout est à vendre. Nous voulons une Europe pour les travailleurs, où les besoins des gens passent avant les besoins des capitalistes» (un syndicaliste enseignant de Bel-gique).
«Les leaders européens en parlent comme dun business. Il nest question que dargent. Nous voulons plus de travail et dégalité» (un membre des Commissions Ouvrières de Valencia).
«Cest un message aux leaders européens pour quils prennent garde aux travailleurs. Nous luttons pour nos droits» (un ouvrier autrichien).
- Depuis les menues concessions faites par les gouvernements de lUE à la CES, au sommet de Biarritz, celle-ci ne combattait plus la Charte des droits fondamentaux, mais demandait son intégration au Traité, pour quelle acquière force de loi.
- Contrairement à la CES, un courant plus radical sétait regroupé autour dun appel «Pour une autre Charte».