Eviction de Blocher, une nouvelle donne?

Eviction de Blocher, une nouvelle donne?

Christoph Blocher viré du
Conseil fédéral, nous ne pouvons que nous en
réjouir! Le tribun milliardaire symbolise une politique
xénophobe, ultralibérale et réactionnaire. Cette
non-réélection est en partie le résultat de
l’indignation qui s’est manifestée largement dans la
population contre l’affiche du «mouton noir» et la
propagande raciste de l’UDC. Ce coup de théâtre
parlementaire a été orchestré conjointement par le
PSS, les Verts et le PDC. Une «mini-révolution de
palais» qui n’a rien d’un virage au
«centre». C’est avant tout le «style» de
Blocher, son arrogance, qui ne sont pas du goût de
l’establishment politique, habitué aux manières
feutrées de la démocratie de concordance.

Les 29 % obtenus par l’UDC aux élections
fédérales de cet automne ne vont pas s’effacer pour
autant! Si l’on doit se féliciter de l’accès
d’une troisième femme au Conseil fédéral, il
n’y a donc aucune raison de penser, que la présence en son
sein de Mme Widmer-Schlumpf, infléchira la brutale politique
antisociale du gouvernement. Tout juste devrait-elle conduire à
une observation plus attentive des «règles du jeu»
de la collégialité, dont les ministres du PSS sont depuis
des décennies les otages consentants.

L’UDC reste le premier parti bourgeois et conservera une
influence décisive sur l’agenda politique. Dans une
prétendue «opposition», tout en ayant deux
sièges au Conseil fédéral, elle va peut-être
même se renforcer dans les années qui viennent. Son aile
blochérienne, largement majoritaire, mènera une politique
musclée pour parachever la construction d’un parti
«populaire» capable de mobiliser la base, ce dont ni le PDC
ni les Radicaux n’ont les moyens, tout en multipliant les
attaques contre les salariée-s, sous couvert de la chasse aux
prétendus «abus».

Sur ce terrain, les autres partis bourgeois feront chorus, ce
d’autant qu’après le coup du 12 décembre, le
PDC va chercher à se dédouaner en réaffirmant son
ancrage à droite. Après tout, la nouvelle loi sur
étrangers (LEtr) particulièrement discriminatoire, qui
entre en vigueur le 1er janvier 2008, a été
concoctée par deux conseillers fédéraux PDC,
Arnold Koller et Ruth Metzler! Radicaux et PDC vont donc se mettre en
quatre pour montrer qu’il ne sont pas prêts à des
concessions, même mineures, au PS et aux Verts.

Ces derniers ont ovationné Eveline Widmer-Schlumpf lors de son
élection, offrant une fois de plus le triste spectacle de leur
adaptation de plus en plus rapide à un libéralisme
parfois saupoudré de quelques miettes sociales ou
écologiques. Blocher lui-même ne s’y trompe pas,
lorsqu’il ironise sur «le PS et les Verts [qui] sont
obligés de se réjouir d’avoir élu un membre
de l’UDC. Quel beau succès pour le PS!» (Le Matin,
16 déc. 2007).

Sous la houlette de Merz et de Couchepin, brillamment
réélus avec de nombreuses voix socialistes et vertes et,
désormais, de Mme Widmer-Schlumpf, légitimée par
l’appui de la «gauche», nul doute que la politique
antisociale du gouvernement sera encore plus agressive: cadeaux fiscaux
aux actionnaires, baisses d’impôts pour les
multimillionnaires, concurrence fiscale accrue entre les cantons,
nouveaux démantèlements de
l’assurance-chômage, de l’assurance-invalidité
et des droits sociaux. Le désaccord historique entre l’UDC
et les cercles dominants de la bourgeoisie par rapport à
l’UE était en voie de résobtion, grâce aux
accords bilatéraux à la carte. L’UDC risque
aujourd’hui de se mobiliser plus fortement contre leur volet
«libre circulation» des personnes…

Face au danger que constitue l’UDC, il faut une stratégie
résolue sur le long terme. Dans ce sens, solidaritéS
s’est engagé dans la construction d’un large front
pour combattre la gangrène du racisme distillée par
l’UDC, en n’oubliant pas que celle-ci se nourrit du racisme
d’Etat mis en place depuis les années 1920 dans le cadre
de de la législation sur les étrangers, et qu’il ne
saurait y avoir de politique antiraciste conséquente sans une
opposition de tous les instants à la casse du social.

Notre mouvement sera donc partie prenante de toute forme de
résistance aux attaques antisociales qui s’annoncent:
démantèlement des assurances sociales, privatisation des
services publics, mise en cause des maigres protections en
matière de conditions de travail, notamment à travers les
dérogations supplémentaires à l’interdiction
du travail du dimanche ou de nuit et de la démolition des
quelques conventions collectives qui fixent encore des salaires et des
droits pour les travailleurs-euses.

Cependant, cette résistance se heurte à un
système. C’est pourquoi elle doit aussi défendre
une alternative d’ensemble au capitalisme. SolidaritéS
tentera de relever ce défi d’envergue en contribuant
à construire une force anticapitaliste à
l’échelle nationale, porteuse d’un projet
écosocialiste face à un système qui met en cause
la survie d’un nombre croissant d’êtres humains, en
particulier les plus pauvres, par la destruction massive des ressources
naturelles, le nucléaire et les changements dramatiques du
climat.

Jean-Michel Dolivo
Sébastien Guex