Etat espagnolOffensive contre le droit à lavortement
Etat espagnol
Offensive contre le droit à lavortement
La récente grève des
cliniques pratiquant lavortement dans lEtat espagnol ne
peut être ramenée à une simple défense
dun marché juteux. Pas plus que les enquêtes,
scandaleusement menées, de la Guardia civil ne relèvent
dun simple zèle policier. Après la Pologne, la
Slovaquie, la Lituanie, lItalie dans une certaine mesure,
lEtat espagnol connaît une véritable offensive
contre le droit à lavortement.
En première ligne, lEglise espagnole et son secteur le
plus droitier, soutenu en sous-main par le Parti populaire, qui engage
ainsi, à labri des soutanes des évêques, sa
campagne pour les élections législatives. Après la
béatification de ses «martyrs» de la Guerre civile,
lEglise, avec le soutien du pape, a mobilisé plus de
200 000 personnes, fin décembre, dans les rues de Madrid
pour la défense de la «famille traditionnelle», donc
contre la reconnaissance des couples homosexuels, contre le divorce
facilité et contre linterruption de grossesse. Selon un
évêque, cette interruption nest «quun
euphémisme qui recouvre une action horrible et
abominable», sans aller toutefois jusquà la
rhétorique de larchevêque de Burgos, qui compara
lavortement aux crimes nazis et staliniens. Rappelons que pour
lEglise, les catholiques qui soutiennent le droit à
lavortement sont en état de péché mortel et
ne peuvent accéder à la communion.
Si les églises de lEtat espagnol sont les derniers lieux
où lon peut exhiber les symboles du franquisme,
cest aussi lendroit doù partent les
commandos anti-avortement, qui agressent et intimident
régulièrement le personnel médical qui pratique
des avortements.
Des abus comme prétexte
97% des avortements sont pratiqués et facturés en
conséquence dans des cliniques privées dans
lEtat espagnol, puisque nombre de médecins refusent de le
faire dans les hôpitaux publics. En même temps, quatre
candidates sur dix sont des mineures, soulignant labsence ou
léchec des politiques de contraception, évidemment
peu stimulées par les condamnations cléricales de la
sexualité hors de la «famille traditionnelle». La
loi prévoit dautoriser lavortement dans trois cas:
suite à un viol (pour autant que la femme ait porté
plainte
); lorsquil y a malformation grave du ftus
ou lorsquil y a un danger pour la santé physique ou
mentale de la mère, attesté par un médecin. Dans
les deux premiers cas, linterruption est limitée dans le
temps, avant respectivement 12 et 22 semaines de grossesse. Lors de
mise en danger de la santé physique ou psychique de la
mère, il ny a pas de délai. Une émission de
la TV danoise, suggérant que lobtention de
lautorisation fondée sur lexistence de ce danger
était une simple formalité dans certaines cliniques, a
donné le prétexte à de multiples enquêtes
policières. Lavortement jusquau dernier mois de
grossesse semblait soudain devenir une pratique courante, quand bien
même les statistiques du Ministère de la santé
indiquaient que 94% des avortements se font avant le 4e mois.
La Garde civile sen est donné à cur joie
durant les enquêtes sur déventuels abus,
interpellant médecins et infirmières en pleine rue; les
femmes suspectées davoir avorté dans les cliniques
mises en cause furent souvent convoquées dans des conditions
révoltantes (notification du motif devant toute la famille, p.
ex.).
A tel point que la Fédération pour la planification
familiale et de nombreuses organisations féministes
dénoncent «une campagne dintimidation et de
persécution politique orchestrée par les courants les
plus conservateurs». Elles revendiquent la
dépénalisation du droit à lavortement et sa
garantie pour toutes les femmes. Un pas en avant que le chef du
gouvernement, le social-démocrate José Luis Zapatero, a
déjà rejeté.