Vers une initiative cantonale pour un salaire minimum

Vers une initiative cantonale pour un salaire minimum

Par 71 voix contre 64 et trois
abstentions, le Grand Conseil vaudois a rejeté, le 22 janvier
2008, l’initiative parlementaire, déposée le 26
juin 2007 par le groupe A Gauche toute! (POP et solidaritéS)
visant à faire inscrire dans la Constitution le droit à
un salaire minimum (cf. no 113 du journal solidaritéS). Cette
initiative constitutionnelle avait obtenu une majorité de voix
en commission, soutenue par les socialistes, les Verts et le
représentant de l’Alliance du Centre, malgré
l’opposition de l’exécutif cantonal, exprimée
par le chef du Département de l’économie,
Jean-Claude Mermoud.

Le gouvernement a mis en œuvre un véritable tir de barrage
pour contrer ce projet. Tout d’abord, il a tenté
d’écarter l’initiative en mettant en cause sa
constitutionnalité. Mal lui en a pris, puisque ce sont ses
propres services (!) qui ont dû reconnaître que cette
initiative était «juridiquement admissible»
(Déterminations du Service juridique et législatif du
30.10.07). Appelées ensuite à la rescousse, les
associations d’employeurs (Chambre vaudoise du commerce et de
l’industrie ainsi que Fédération patronale
vaudoise) ont, sans surprise, pris position contre l’inscription
de ce droit dans la Constitution, reprenant l’argument selon
lequel le canton de Vaud n’en aurait pas la compétence et
s’opposant, sur le fond, à la fixation d’un salaire
minimum.

Quant au syndicat Unia, également consulté, il a
donné, en novembre 2007, un avis pour le moins ambigu: «l’introduction
d’un salaire minimum légal obligatoire mérite
d’être inscrit (sic) dans la constitution cantonale, mais
pas sous la forme proposée
» ! Selon Unia, il
n’aurait fallu instituer un salaire minimum cantonal que
s’il était négocié par les partenaires
sociaux… Or, comme l’a relevé à juste titre
le député socialiste, rapporteur de la majorité de
la commission en plénum, «moins
d’un salarié sur deux est au bénéfice
d’une convention collective de travail (CCT), et celles-ci ne
prévoient pas toujours des salaires minimaux. Ainsi, dans le
canton de Vaud, seules treize des CCT nationales et neuf des CCT
cantonales qui ont force obligatoire prévoient des salaires
minimaux. En outre, plusieurs CCT, dont la CCT nationale étendue
de l’hôtellerie et restauration ou la CCT de
l’horlogerie, prévoient des salaires à
l’embauche inférieurs à 3500 francs bruts par mois,
voire, dans la CCT nationale étendue du nettoyage, à 3000
francs bruts. Enfin, de nombreux vides conventionnels, notamment dans
les secteurs à bas salaire (par exemple, coiffure) rendent les
minima conventionnels inopérants
». Pour
s’opposer au droit à un salaire minimum, libéraux,
radicaux et UDC ont fait feu de tout bois dans le débat
parlementaire, brandissant la menace de l’interventionnisme
étatique, s’indignant de la mise en cause du
«partenariat social», mettant en avant son prétendu
«effet pervers»! La droite n’a pas
hésité à qualifier les partisans d’un tel
droit «d’apprentis sorciers» qui contestaient les
lois du marché… Débat passionné qui a
amené A Gauche toute! à proposer à toutes les
forces politiques, syndicales et associatives du canton de Vaud de
s’associer pour lancer une initiative populaire pour le droit au
salaire minimum dans les mois qui viennent. Le débat
parlementaire n’était donc qu’une première
étape. La récolte de signatures (12 000 en quatre
mois), puis la votation populaire seront les suivantes.

Jean-Michel Dolivo