CFF Cargo: les travailleurs ont enrayé la machine à licencier et à privatiser…

CFF Cargo: les travailleurs ont enrayé la machine à licencier et à privatiser…

La lutte paye, tous unis nous sommes forts, la grève c’est
l’arme des travailleurs, osons lutter – osons vaincre…
Non, rassurez-vous, ce n’est pas le début d’une
compilation de slogans sortie des cartons d’archives pour la
commémoration des quarante ans de Mai 68. C’est
l’expérience vivante que viennent de faire, les
travailleurs-euses de CFF-Cargo à Bellinzone, après un
bon mois de grève. En effet, après un combat,
déterminé d’une durée sans guère de
précédents dans ce pays, ils ont obtenu la satisfaction
à 100% de leur exigence première: le retrait sans
conditions du plan de restructuration, privatisation, licenciements et
baisses de salaires que voulait leur imposer la direction de CFF-Cargo.
Bravo donc!

C’est une leçon de choses pour tous les salarié-e-s
de ce pays. Une leçon en particulier pour celles et ceux qui
donnaient en exemple, du côté de Fribourg, la
«non-grève» au call-center de CFF Cargo,
respectueuse de la paix du travail absolue et des habitudes
helvétiques, s’appuyant principalement sur la perspective
d’une défense des travailleurs-euses
déléguée à tel ou tel politicien.
Après un moment de flottement, où ils ont pu se poser la
(bonne!) question de savoir s’il fallait faire grève pour
être entendus… les travailleurs-euses fribourgeois
concernés ont appris que, de leur côté aussi, les
pendules des licenciements étaient «remises à
zéro», pour le moment, grâce au combat de leurs
collègues tessinois.

Bien entendu, c’est «seulement» un round de
gagné. Sur le papier, ce qu’ont obtenu les
salarié-e-s de CFF Cargo au Tessin, ce n’est en effet
«que» le respect des faibles dispositions légales
helvétiques qui prévoient encore – sur le papier – un
minimum de consultation et de négociation avant une
«restructuration» telle que celle envisagée.

Cependant, les premiers concernés – et nous tous et toutes avec
eux – ont, dans les faits, gagné bien plus. Les grévistes
ont en effet sérieusement amélioré le rapport des
forces pour la négociation qui va s’ouvrir… Ils ont
renforcé leur organisation et leurs moyens matériels –
avec un fond de grève qui dépasse largement le million -,
mais aussi gagné un soutien populaire et politique
énorme. Celui-ci s’est traduit par des manifestations
à répétition qui ont mobilisé au total des
dizaines de milliers de personnes. Ce soutien s’est
matérialisé aussi au Tessin par l’aboutissement, en
quelques jours, avec plus du double des signatures nécessaires,
d’une initiative populaire cantonale pour un pôle
technico-industrel public qui garantisse la pérennité des
activités actuelles des Ateliers CFF de Bellinzone. Il
s’est matérialisé aussi par un premier
frémissement d’activités de soutien dans
différentes régions du pays, de Genève à
Zurich.

D’ailleurs, la réélection par les grévistes
de leur Comité de grève, au lendemain de
l’arrêt de celle-ci, ainsi que la décision de tenir
une AG hebdomadaire tous les vendredis sont des signes d’une
capacité de faire front… Ce n’est qu’un
début, le combat continue! L’initiative, quant à
elle est un signal d’une volonté justifiée de
capitaliser le soutien régional dont la grève a
bénéficié et de porter ce combat sur le plan
politique.

En effet, le démantèlement projeté des Ateliers
CFF de Bellinzone ne relève pas d’une quelconque
«nécessité». Il est l’un des fruits –
attendus et annoncés – d’une politique de
libéralisation et de marchandisation des services publics qui
les met à la botte des marchés. Elle les soumet à
des logiques de concurrence et de
«compétitivité», accroissant
l’exploitation du personnel et péjorant ses conditions de
travail, pour préparer la privatisation de leurs
activités les plus rentables par les multinationales qui se
préparent à faire main basse sur elles.

Ce qui est donc en jeu ce n’est pas la veulerie ou
l’incompétence de tel ou tel dirigeant
«socialiste» ou bourgeois, c’est une politique qui
tourne volontairement, depuis des années, le dos au service
public, au primat des besoins sociaux et à ceux des
usagers-ères, pour mettre le profit du capital «au
centre».

Poste, télécoms, santé, formation, transports
publics… la machine à broyer le bien commun est en marche
et chacun-e a pu en voir de nombreux effets. Ainsi, ce combat nous
concerne tous et toutes: contrôle démocratique, monopole
de service public, respect des travailleurs-euses, primat des objectifs
sociaux et écologiques sur la rentabilité marchande et le
profit… Voilà les enjeux du conflit de Bellinzone…
comme de bien d’autres attaques contre les salarié-e-s.

Pour que le match entamé par les grévistes de Bellinzone
– dont le score est actuellement de 1 à 0 en leur faveur – se
termine par une victoire, notre victoire aussi, ils ont besoin de tout
notre soutien à l’échelle nationale… Nous
avons aussi grand besoin de nous inspirer de leur exemple, notamment en
nous posant la question du type d’organisation, sur le terrain
des entreprises, qui a rendu ce combat possible.

Pierre Vanek