Constituante : Une liste de solidaritéS pour défendre des principes essentiels

Constituante : Une liste de solidaritéS pour défendre des principes essentiels

Le 24 février dernier, nous
avions appelé à voter NON à la convocation
d’une Assemblée constituante-bidon, chargée de
réviser à froid la Constitution cantonale dans son
ensemble. Aucun projet politique explicite n’était
d’ailleurs défendu par les forces favorables à
cette démarche – des socialistes aux libéraux, en passant
par les verts, les démocrates-chrétiens, les radicaux et
le MCG -, qui ne faisaient pas mystère de rechercher un
consensus «à froid» dans le cadre de rapports de
force très défavorables aux milieux populaires…

Malheureusement, en l’absence de tout débat public et dans
l’indifférence générale, les
électeurs-trices ont suivi les mots d’ordre de leurs
partis: une forte majorité s’est donc
déclarée en faveur de cette Constituante. Les partisans
des contre-réformes néolibérales en cours (de
droite comme de «gauche») entendent ainsi se saisir de
cette occasion pour «moderniser» et «assouplir»
(comme ils-elles disent…), voire rejeter dans la loi (que le
Parlement peut modifier sans référendum obligatoire), des
articles jugés souvent trop «contraignants», qui
découlent le plus souvent de mobilisations sociales et
d’initiatives populaires. Ils-elles n’en font
d’ailleurs pas mystère.

Défendre des fondamentaux

Dans de telles conditions, une nouvelle étape se profile,
puisqu’il faudra désigner 80 constituant-e-s en octobre
prochain, avec un quorum réduit à 3% et aucune
possibilité d’apparentement. L’Assemblée
générale de solidaritéS du 17 mars a donc
décidé de présenter une liste propre de notre
mouvement, ouverte à des candidat-e-s non affiliés. Voici
les principales raisons de cette décision.

L’élection à une Constituante se distingue, dans
une certaine mesure, de l’élection à un parlement
(municipal, cantonal ou fédéral), parce qu’elle met
prioritairement l’accent sur des options
«fondamentales». D’où notre volonté de
présenter une liste anticapitaliste, féministe et
écologiste qui défende des objectifs clairs. Nous
entendons certes faire campagne pour la défense des acquis
sociaux et écologistes inscrits dans la Constitution actuelle,
mais aussi en faveur de nouvelles propositions, comme un salaire
minimum cantonal. Nous voulons enfin ancrer nos propositions dans une
critique systématique du capitalisme, producteur
d’inégalités sociales, de régressions
autoritaires et de destructions environnementales. Pour cela nous
appellerons à élire des constituant-e-s issus d’une
gauche de gauche, attachés aussi à une perspective de
lutte collective.

Les échecs de l’Alliance de gauche (PdT et
Indépendants) et de solidaritéS aux élections
cantonales de 2005 ont pu être attribués à la
présentation de deux listes séparées. Par
ailleurs, les mauvais résultats d’A Gauche Toute! (AGT)
aux Municipales 2007 l’ont été en dépit de
listes unitaires. Enfin, l’échec aux Nationales 2007
s’est vérifié autant sur la liste unique AGT
(solidaritéS et les Indépendants faisant un moins bon
score ensemble, que solidaritéS seul, 4 ans plus tôt),
qu’en raison des divisions (les Communistes et le PdT
décidant au dernier moment de faire cavaliers seuls)…
Aujourd’hui, il n’existe plus aucun cadre unitaire un tant
soit peu crédible pour mener une campagne pour la Constituante,
auquel les constituant-e-s élus devraient rapporter leur
travail. Notre Congrès des 17-18 mai discutera des raisons
politiques de ces impasses répétées et des
leçons que nous pouvons en tirer.

Unifier toute la gauche?

La proposition du PdT d’une liste unique de toute la gauche
(autant solidaritéS que le PS ou les Verts) a pu surprendre. Il
confirme son choix d’une «large union de la gauche»,
de facto sous la houlette du PS et des Verts, au moment même
où ces partis abandonnent une grande part de leur ancrage
à gauche en matière de défense des services
publics et des prestations sociales. Le PdT annonce en même temps
le lancement d’une initiative pour des cadeaux fiscaux aux plus
défavorisé-e-s, sans majoration de la taxation des plus
riches, ce qui revient à mener une politique des caisses vides
«par en bas»… Un projet qui fait le jeu des
libéraux. Après nos divergences sur la libre-circulation
et les frontaliers-ères, ce dernier épisode montre le
caractère de plus en plus fragile des alliances de la gauche
antilibérale, non pas en raison de querelles de personnes mais
de désaccords de fond…

Listes, principes et salaire minimum

L’élection à la Constituante a suscité de
nouvelles vocations… Par exemple, la Fédération
associative genevoise justifie ainsi la présentation de sa liste
indépendante: «Pour s’assurer que
l’assemblée élue le 19 octobre soit un
véritable espace public et non le terrain de jeu
d’intérêts particuliers, la représentation
politique doit être distincte de la représentation
citoyenne». Elle ajoute: «Sans cette dialectique limpide
entre associations et partis, les ténors de la politique
genevoise pourraient monopoliser le débat, la Constituante
deviendrait un clone du Grand Conseil et/ou un dégradé
d’Infrarouge» (cf. L’invité de la Tribune de
Genève du 12 mars). Cette nouvelle vocation est plus
inquiétante qu’il n’y paraît, dans la mesure
où les partisan-e-s de cette démarche contribuent encore
à affaiblir le potentiel de mobilisation du monde associatif sur
le terrain social…

A l’autre bout de l’échiquier politique, la
Fédération des entreprises romandes de Genève
(FER) et d’autres institutions patronales ne seront pas
représentées seulement par l’Entente. Ils-elles
élaborent aussi une liste propre, dont les thèmes
principaux sont présentés par Olivier Sandoz, son
directeur adjoint: «la libre entreprise, la gestion
économe et dynamique de l’Etat, la limitation de la
fiscalité, etc.» «Il faudra aussi éviter,
ajoute-t-il, que nos adversaires imposent de nouveaux droits comme le
salaire minimum ou le congé paternité par exemple»
(Tribune de Genève du 28 mars). La FER ne croit pas si bien
dire… En effet, solidaritéS a décidé
formellement, lors de son AG du 17 mars, de lancer une initiative pour
un salaire minimum cantonal. Les modalités précises de
cette décision seront fixées à l’issue de
notre Congrès des 17 et 18 mai. Entre-temps, nous souhaitons
constituer le front le plus large possible, ouvert aux milieux
syndicaux, aux forces progressistes, etc.

Marie-Eve Tejedor