NON au démantèlement programmé de notre système de santé

NON au démantèlement programmé de notre système de santé

L’art. constitutionnel 117a est
devenu la cible des critiques de tous-tes les professionnel-le-s
concernés: toutes les grandes associations (médecins,
infirmières, sages-femmes, physiothérapeutes,
ergothérapeutes, etc) se sont mobilisées au plan
national, associées à la FRC et à l’OSP
(organisation suisses des patients). Rarement un si large front
s’est trouvé uni pour dénoncer l’attaque au
libre choix des soignant-e-s. De leur côté, les
conseillers d’Etat en charge des finances et de la santé
se retrouvent avec l’Association des Médecins Dirigeants
d’Hôpitaux de Suisse (AMDHS) pour contrer le transfert du
financement et du pilotage des hôpitaux aux mains des assureurs.
Mais d’autres enjeux dans cette importante votation visent le
système de soins lui-même.

Les professionnel-le-s «montent aux barricades» car
ils-elles connaissent déjà les multiples pressions
exercées par les caisses-maladie sur leur activité:
contrôle tatillon des ordonnances, des consultations de plus
longue durée, des prescriptions médicamenteuses
coûteuses, des prestations spécialisées remises en
cause (physiothérapie, ergothérapie), demande de
justification des choix thérapeutiques, et pour les psychiatres
psychothérapeutes, une réglementation qui les oblige
à signaler et justifier toute psychothérapie après
6 séances. Ces exemples sont devenus le quotidien de nombreux
professionnels qui ne cachent plus leur colère face à la
pression toujours plus forte des caisses – maladie dans le
contrôle de leur pratique.

Financement et économies

Le financement de l’ensemble du dispositif hospitalier aux seules
mains des assureurs (financement dit «moniste» en lieu et
place du financement mixte actuel: assureurs et pouvoirs publics)
inquiète les responsables institutionnels actuels. Le risque de
voir réduire l’offre de prestations hospitalières
et la qualité des prestations diminuer est programmé.
L’exemple genevois est révélateur: son directeur
général, Bernard Gruson vient de pavaner dans la presse
en annonçant triomphalement 100 millions en moins pour les HUG
(Hôpitaux Universitaires de Genève), en lien avec le plan
d’économie appelé Victoria. Gruson prétend
ne pas toucher aux soins, mais plusieurs exemples montrent qu’il
n’en est rien. Outre les modifications institutionnelles qui
voient disparaître certaines prestations (disparition du centre
pour paraplégiques transféré à Lausanne,
suppression du Petit Beaulieu «déplacé»
à Belle-Idée, restructuration de l’ophtalmologie,
avec réduction des activités) d’autres services
n’arrivent pas à faire face à l’augmentation
des besoins: les listes d’attente en chirurgie s’allongent,
avec les difficultés que cela représente pour les
patient-e-s dont certain-e-s restent en attente à jeun plus de
24h, parfois 48h! Des patientes atteintes d’un cancer du sein
font partie des listes d’attente! Cette évidente surcharge
par manque de moyens a pour conséquence directe un risque majeur
pour la santé des patient-e-s et à terme favorise le
sentiment que la prise en charge en milieu privé, même si
elle est plus onéreuse, est moins risquée et que les
soins y sont de meilleure qualité. Un tel transfert des
patient-e-s du public vers le privé est donc en train de se
réaliser en douceur.

Surcharge, mise en concurrence et baisse de la qualité

La surcharge des équipes hospitalière est
désormais connue, documentée. Plusieurs exemples
frappants: les soins intensifs, l’oncologie. Le personnel
soignant ose plus ouvertement résister à cette politique.
Jeudi 22 mai, plus d’une cinquantaine
d’infirmières-ers de médecine se rassemblaient sur
leur liue de travail pour demanderf une hausse de leurs effectifs.
Alors que les problèmes de santé croissent, par exemple
le nombre de cancers, il n’y a pas assez de lits
spécialisés disponibles pour les greffes de cellules chez
les patient-e-s leucémiques. D’autres services connaissent
également la surcharge, comme la psychiatrie depuis plusieurs
années. Mais les restrictions budgétaires drastiques sont
annoncées: chaque département doit faire son lot
d’économie pour 2009: 4 millions pour la psychiatrie par
exemple, idem pour les autres services qui se battent entre eux pour
garder du personnel spécialisé (entre la médecine
et la chirurgie par exemple) afin de réduire les coûts de
formation du personnel nécessaire.

Cette mise en concurrence des services a pour conséquence
d’accroître la pression vers les prestations les plus
rentables, en réduisant le personnel pour les prestations
ordinaires, et en réduisant progressivement l’offre de
prestations. Partout, la logique de la concurrence se concrétise
au détriment de la coopération, de la collaboration, de
l’interdisciplinarité, donc de la qualité des soins.

Enfin, comme l’a récemment souligné Pierre
Théraulaz, président de l’ASI (association suisse
des infirmières et infirmiers) dans son article «Une
attaque contre l’offre de soins» (Le Temps, 16.5.08),
l’article 117a menace les soins de santé:
«l’assurance des soins prévoit des prestations en
cas de maladie et de maternité et peut prévoir des
prestations en cas d’accident et de besoins en soins
réguliers.»

Cette possibilité remet en cause la solidarité de base de
la LAMal, car elle ouvre la porte à des assurances
séparées en fonction des différents besoins de
différentes catégories de la population: sont
particulièrement visés les personnes âgées
et les patient-e-s atteints d’une maladie chronique. Au parlement
fédéral, l’idée d’une assurance
supplémentaire pour les soins en EMS ou pour les soins à
domicile, par exemple, a déjà été
évoquée. De même que le système de
bonus/malus, en lien avec la responsabilité individuelle dans la
gestion de sa santé, par exemple pour les personnes souffrant
d’addictions. Cette orientation va exactement à
l’encontre de la déclaration d’Alma-Ata (OMS 1978),
qui, au contraire, veut privilégier les soins de santé
primaire, lesquels permettent de meilleurs résultats de
santé.

Le risque d’une régression à ce niveau a
été dénoncé par la conseillère aux
Etats Liliane Maury-Pasquier, au cas où l’art. 117a
était accepté.

Il s’agit donc bien de contrer une étape décisive
dans le démantèlement de notre système de
santé, en votant NON. 

Gilles Godinat