La laïcité n’est pas anti-religieuse

La laïcité n’est pas anti-religieuse

Nous publions dans ce cahier un article de Catherine Samary.
Maître de conférence à l’Université de
Paris Dauphine, collaboratrice au Monde diplomatique,
spécialiste de l’ex-Yougoslavie et membre de la LCR….
Elle s’y s’oppose à une conception répressive
et excluante d’une «laïcité», qui refuse
la confrontation pluraliste des croyances et des idées, et qui
tend ainsi à la négation de droits humains fondamentaux
comme la liberté de croyance… rejoignant donc, sur ce terrain,
les courants les plus réactionnaires et intégristes, les
tenants de la «guerre des civilisations» d’un
occident «judéo-chrétien» contre un
«islam(isme)» caricaturé et vilipendé.

Une guerre qui, quand on lui ôte ses guillemets, fait couler le
sang des peuples sous les bombes de l’Afghanistan à
l’Irak en passant par la Palestine… en attendant ses prochaines
victimes, et qui, au nom de la «lutte anti-terroriste» qui
lui est associée, réduit aussi pied à pied nos
libertés publiques.

Catherine Samary défend, au contraire, une laïcité
qui fournisse un «cadre» permettant à des croyants
et à des non-croyants, hommes et femmes, de se rejoindre dans
des luttes politiques et sociales communes et indispensables… Un
cadre qui représente aussi pour nous autres – athées,
matérialistes, libres penseurs… – le terrain indispensable (et
le seul!) sur lequel nous pouvons un jour espérer emporter la
victoire de nos idées, celui de la confrontation dans un
débat de longue durée, nourri de connaissance, de respect
et d’estime pour ceux de nos «adversaires» sur ce
plan, qui sont dans le même camp que nous,
précisément sur le plan matériel, celui du peuple
et celui des peuples…

Pour nous en Suisse, en particulier face à l’islamophobie
raciste débridée et nauséabonde d’une UDC
xénophobe, qui agite au quotidien la figure de
l’«étranger criminel» et de
l’«invasion musulmane», avec son initiative grotesque
pour l’«interdiction des minarets», comme tour de
passe-passe pour diviser les victimes de ses politiques capitalistes
ultralibérales, cette contribution vient à point
nommé. (pv)


La nouvelle Loi adoptée par le
parlement français en mars 2004 interdisant les signes religieux
«ostensibles» à l’école a produit
d’étonnantes convergences (avec des fronts en faveur de la
nouvelle Loi et de l’expulsion des filles voilées allant
de Lutte ouvrière aux diverses Droites en passant par le Parti
socialiste.) Les clivages très tendus traversant toutes les
familles politiques (notamment la LCR 1), indiquent la superposition confuse de plusieurs enjeux.2
Dans les limites de cet article, je veux me centrer sur
l’affirmation d’une conception de la laïcité
qui permette de ralliercroyant-e-s et non croyant-e-s aux luttes contre
les théocraties et contre l’étatisme
«civilisateur».

La laïcité, un ordre institutionnel, pas une philosophie anti-religieuse…

«La Loi de 19053
[…] ne marque pas le triomphe de la République laïque sur
l’Eglise catholique», rappelle la ligue de
l’Enseignement dans son bilan de cent ans de laïcité.
4
«Elle traduit une volonté de pacification dans un contexte
d’affrontements […]. Sa seule finalité est de
régler les conditions de l’exercice des cultes au sein de
la République.» L’ordre laïc, souligne de
même Robert Bistolfi.
5 est
en France le «fruit d’un compromis pratique […] de nature
juridique et institutionnelle» qu’il ne faut pas confondre
avec une «philosophie» anticléricale ou critique des
religions qui a, évidemment, sa place dans l’espace
démocratique. Les principes qui régissent la Loi de 1905,
dit-il, «sont à la fois de distance mais aussi de
protection des religions en tant qu’expressions de la
liberté de pensée et de croyance.»

Telle est l’orientation qui l’emporta en 1905 activement
soutenue par Jean Jaurès contre celle prônée par le
gouvernement d’Emile Combes qui visait un
démantèlement de l’Eglise catholique par
l’Etat.

Ce clivage entre un courant voulant utiliser le pouvoir d’Etat
pour éradiquer la religion et un courant visant à
permettre la confrontation pluraliste des croyances et idées
s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui.

Pour quiconque se réclame d’un projet émancipateur,
seule la deuxième approche permet de mettre l’accent sur
le politique et le social, l’auto-organisation: c’est
là que les confrontations, clivages ou rapprochements
idéologiques doivent être testés et
enracinés dans les expériences communes de lutte pour des
droits les institutions publiques devant protéger de telles
démarches – et non pas les faire interdire par un appareil
d’Etat… Et c’est aussi là que la lutte contre les
courants religieux intégristes et réactionnaires (de tous
bords) peuvent se mener, avec d’autant plus
d’efficacité qu’elle intègre des croyant-e-s.
Mais cela impose une conception de la laïcité
associée à la démocratie participative. Il
s’agit là d’un choix et d’un combat dont la
laïcité n’est qu’un cadre.

Celui-ci peut devenir attirant pour la grande masse des croyant-e-s
alors que l’ordre laïc fut et reste souvent
présenté comme «anti-religieux». La
perception de la laïcité a été d’autant
plus confuse notamment dans le monde musulman que les pouvoirs
d’Etat qui s’en sont réclamés ont
imposé des alignements sur les modes vestimentaires occidentaux
et ont été des dictatures.6 Mais la
séparation des sphères entre Etat et religion, peut
être attractive pour les croyant-e-s, non seulement de
confessions minoritaires, mais aussi pour ceux et celles qui sont
critiques de la corruption, du clientélisme, de
l’enrichissement et de l’autoritarisme associés
à la fusion des pouvoirs. Les théologies de la
libération en conflit avec les autorités
ecclésiastiques ont besoin d’un ordre laïc.

Celui-ci doit évidemment assurer de façon
générale la «libre pensée»,
c’est-à-dire aussi la liberté de quitter une
religion et de critiquer la religion, protégée dans
l’espace démocratique. Il est donc un enjeu majeur pour
les athées contre les théocraties. Mais il ne faut pas
opposer à celles-ci, par glissement symétrique,
l’objectif d’un Etat «athée». La libre
pensée ne doit pas être transformée en
«pensée officielle» – en «religion
d’Etat athée», pas plus qu’en «marxisme
d’Etat», forcément sclérosé comme
l’histoire du stalinisme l’a abondamment prouvé.

Sphère(s) publiques et privées…

Encore faut-il aussi remettre en cause les distinctions simplistes
supposées «laïques» entre sphères
publiques et privées. La Loi de 1905 définit, comme le
précise la Ligue des droits de l’Homme (LdH), trois
espaces (et non pas deux), dont les frontières ne sont pas
forcément étanches et stables7: l’espace
privé (intime) de l’individu et de la famille,
l’espace public social (lié à la
société civile), et l’espace public civique (de
l’Etat).

Avec la Loi de 1905, il n’y a plus de religion d’Etat. La
violence des affrontements à l’Eglise catholique explique
une rigueur particulière quant au symbolisme: les
bâtiments et fonctionnaires, dans l’espace public civique,
ne doivent plus afficher de signes religieux. Mais cela laisse ouvertes
bien des questions. Les religions, comme les autres faits sociaux, se
déploient et s’expriment à la fois dans
l’espace privé et dans l’espace public social
(associations, manifestations, ports de signes religieux…) Ce qui est
de l’ordre de l’intime (choix privés religieux, mais
aussi sexuels, ou culturels) peut devoir être affiché de
façon collective (plus ou moins durable) dans l’espace
social pour combattre des inégalités, une discrimination.
Et cela peut se traduire par l’exigence de représentation
(ou de modalités légales de contrôle,
évolutives, différenciées) de la communauté
discriminée dans l’espace civique…

L’hostilité anticléricale radicale de certains
altermondialistes en France s’est traduite par des
interprétations à ce point répressives de la
laïcité qu’ils proposèrent de supprimer
l’article 10-70 du projet de Traité constitutionnel
européen (TCE) permettant l’expression des convictions
religieuses, individuelles ou/et collectives dans l’espace
privé et public… Ce faisant ils voulaient supprimer une
liberté reconnue par l’article 9 de la Convention des
Droits de l’Homme que le projet de TCE ne faisait que reproduire
et provenant d’ailleurs… de la Déclaration universelle
des Droits de l’Homme (article 18)!

La visibilité du voile islamique, justement hors de
l’espace privé, en a fait la cible réelle de la Loi
de 2004 contre les signes religieux «ostensibles» (les
jeunes garçons Sikhs ayant été des «victimes
collatérales» de ces interdits.) La
«neutralité religieuse» de l’Etat est devenue
celle exigée… aux élèves. Pourtant, le Conseil
d’Etat avait confirmé la compatibilité du port du
foulard avec la Loi de 1905 lorsqu’il fut interrogé
à ce sujet après les premiers cas de conflits dans les
collèges, en 1989. La seule obligation était celle de
suivre tous les cours.

La nouvelle Loi a «libéré» des
interprétations extensives de la laïcité,
au-delà même des interdits explicites. On a assisté
au rejet de mamans portant le foulard, stigmatisées devant leurs
enfants, interdites de pénétrer dans les enceintes
scolaires ou de s’intégrer aux sorties collectives. Le
refus de femmes musulmanes d’être soignées par un
médecin homme a été présenté comme
une atteinte à la «laïcité» – alors que
le libre choix de son médecin est un droit (sauf en cas de
menaces vitales) que pratiquent massivement les femmes envers leurs
gynécologues. La demande d’une adaptation de la nourriture
des cantines aux interdits, de carrés musulmans dans les
cimetières ou de mosquées sont devenus autant de
démonstrations de «communautarisme» et de
«menaces»… Au point qu’un projet d’amendement
a été récemment déposé par des
députés de droite visant à interdire le port du
voile sur tout le territoire «public» de la France…

Certes, ces dérives n’ont pas été
légalisées et des résistances (notamment
d’associations de parents d’élèves, ou des
autorités de surveillance contre les discriminations) leur ont
été opposées. Mais la loi a conforté les
rejets: «Soyez voilées, mais “en
privé”, c’est-à-dire “chez
vous”… “Chez vous”, dans votre maison… et dans
“votre pays” – pas en France!» L’implicite
devenait explicite: on ne pouvait être Française et
musulmane voilée?

Quels dangers ?

En-deçà du voile et même du racisme, quatre
ensembles de «données» se sont conjugués de
façon explosive:

• le basculement international vers un «nouvel ordre
mondial» notamment marqué par les enjeux du Proche-Orient
et l’instrumentalisation par Israël et les courants
sionistes du «nouvel antisémitisme» soutenant la
lutte des Palestinien-ne-s;

• une effective islamophobie8 au sens d’une
interprétation «essentialiste» de l’islam,
comme un tout imperméable aux idées progressistes, et
porteur d’une «sh’aria» antagonique au droit
commun – les attentats et le réseau Ben Laden étant le
sommet de l’iceberg;

• un «républicanisme» français de
tradition jacobine et étatiste pesant dans toutes les familles
politiques;

• une déstabilisation majeure de ce «modèle» par le retournement de la croissance.

Mais la France est une variante d’un problème plus vaste.
Les Trente Glorieuses avaient stabilisé divers
«modèles» historiques d’Etat en Europe
occidentale: des Pays-Bas à la France, de la Grande-Bretagne
à l’Allemagne, tous les régimes en place ont voulu
attirer les immigré-e-s comme force de travail «de
passage»… Tellement «de passage» qu’on les
appelait «Gastarbeiter» (travailleurs-euses ayant le statut
d’«hôte», invités) en Allemagne; et
qu’aux Pays-Bas, la préservation des liens avec les pays
d’origine était privilégiée pour
faciliter… le retour. En France, dans les années de la
décolonisation, le retour au pays d’origine où
demeuraient les familles restait une option dominante pour les
travailleurs venus notamment du Maghreb…

Mais avec le retournement de la croissance la politique
d’immigration va changer. Elle est bloquée en France en
1974 sous Giscard d’Estaing. Le choix de s’installer et le
regroupement familial prévalurent désormais devenant la
base principale de l’immigration. La France a connu un doublement
de l’effectif musulman dans sa population en vingt ans (2,5
millions en 1983, environ 5 aujourd’hui). Alors même que
les politiques néolibérales désagrègent les
politiques de cohésion sociale, les équilibres culturels
antérieurs sont déstabilisés, les
«modèles» d’Etat-Nation, quelles qu’en
soient les variantes historiques, entrent en crise, ce qui favorise la
montée d’un «racisme à peine
voilé».9 Les fantasmes sur
«l’invasion musulmane» prolifèrent sur la base
de ces transformations sociales réelles et d’analyses
démographiques alarmistes10 sur lesquelles surfe la
politique sarkozienne – allant jusqu’à
l’intolérable contrôle des filiations familiales par
les test ADN.

«Sur ce terreau politique et social incertain, la plupart des
pays de l’Union vont devoir gérer la coïncidence dans
le temps de deux faits», analyse Robert Bistolfi11:
«d’un côté la formulation par les
élites musulmanes d’Europe de revendications
politico-culturelles de plus en plus pressantes, de l’autre un
terrorisme qui s’alimentant aux nombreux dénis de justice
dont souffre le monde arabo-musulman a trouvé des relais chez
quelques musulmans européens.» Les «demandes de
reconnaissance» des musulmans partent «dans leur immense
majorité d’une acceptation de la situation de
minorité dans les pays dont ils acceptent les lois»,
précise R. Bistolfi. Jocelyne Cesari12 analyse les
diverses composantes de l’islam confrontés à une
situation durable de minorité, aux Etats-Unis et en Europe. Elle
souligne que «Tariq Ramadan rejette, pour sa part,
l’idée d’une jurisprudence de la
minorité». Il «considère qu’à
l’ère de la mondialisation il n’est plus possible
d’opposer un monde de l’islam à un
“autre” monde quel qu’il soit […]. Consultation et
liberté de pensée, qui sont à la base du
fonctionnement démocratique, constituent [selon lui] deux
principes islamiques qui ne peuvent justifier aucune théocratie
ou despotisme». Et il incite ce faisant les «Musulmans
d’Occident»13, à s’emparer du
contexte démocratique pour un «renouveau islamique»
en fidélité avec les démarches internes à
la tradition réformiste musulmane.

Face aux mythes d’un «occident
judéo-chrétien» opposé à
l’Islam (qu’il faut combattre dans les mises à plat
historiques indispensables), face aussi à la
réalité des courants intégristes dans toutes les
religions et à la crise des projets socialistes, le basculement
«laïc» répressif exprime un profond pessimisme
qui n’est ni justifié ni porteur de réponses
adéquates aux dangers.

Ceux et celles d’entre nous qui voulaient se mobiliser en faveur
d’une «Ecole pour toutes et tous» aux
côtés des premières victimes de la loi de 2005, ont
été confronté-e-s aux milieux athées
refusant tout front avec des associations musulmanes, pire, des femmes
voilées … et rares ont été les organisations
musulmanes recherchant l’action avec des athées. Il
était pourtant important pour l’avenir qu’elles
existent. Il s’est agi en pratique de la «mouvance»
de Tariq Ramadan, qui s’était également
tournée vers le mouvement altermondialiste, exigeant, justement
qu’on cesse «de «communautariser» les
musulmans, de prendre en bloc tous les courants de
l‘islam», et «d‘ethniciser ou/et
d‘islamiser la question de la fracture sociale en France.»14

Nos plateformes et démarches de lutte nous ont
rapproché-e-s de ces femmes et hommes musulmans qui luttaient
contre l’interdiction du voile mais aussi contre le voile
imposé, pour des droits civils et sociaux sur des bases
égalitaires; qui recherchaient la mixité (croyant-e-s et
athées, non musulmans et musulmans, hommes et femmes,
voilées ou non voilées) démocratique et de combat
pour ces droits, refusaient le clientélisme des pouvoirs
d’Etat français autant que les dépendances
financières envers les pays d’origine… Leur affirmation
comme «musulmans» sur le plan associatif, bien
analysée par Abdellalli Hajjat15 ou Yamin Makri16,
recouvrait un «repli d’ouverture» pour se battre pour
l’égalité réelle des droits, se
différenciant des logiques «d’assimilation» ou
de replis communautaristes d’autres courants musulmans.

Le «Manifeste pour un nouveau “nous”» lancé par Tariq Ramadan en septembre 200617
s’inscrivait dans cette même dynamique, confrontée
de toutes part à de puissantes résistances. Des campagnes
calomniatrices et islamophobes ont cherché (et réussi en
partie) à diviser des fronts altermondialistes et anti-guerre
potentiels, solidaires de la cause palestinienne et critique
d’une mondialisation où s’inscrit aussi un
«islam de marché».

Théocratie et religion – des distinctions essentielles

Le contexte actuel devrait permettre un approfondissement des
réflexions critiques sur les expériences
accumulées et les arrogantes ignorances du présent.

Les courants qui se réclament du socialisme ont
été et demeurent jusqu’à ce jour
traversé de tendances contradictoires, notamment dans la
façon de «traiter» la religion.18
Certain-ne-s ne retiennent de Marx que la formule «c’est
l’opium du peuple», omettant… tout ce qui
précède : «La religion est la théorie
générale de ce monde, son compendium
encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point
d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale,
son complément solennel, sa raison générale de
consolation et de justification […] La misère religieuse est
d’une part l’expression de la misère réelle
et d’autre part une protestation contre la misère
réelle, le soupir de la créature accablée, le
cœur d’un monde sans cœur, l’esprit d’un
temps privé d’esprit.»19

Certes, tous les athées qui se revendiquent d’un
humanisme radical émancipateur, critiquent l’obscurantisme
et tout ce qui, dans les religions détourne des pleines
responsabilités humaines, des objectifs égalitaires et
démocratiques. Mais de telles approches peuvent se retrouver
aussi… chez des croyant-e-s – notamment musulmans. Ceci impose
des distinctions essentielles:

•    entre pouvoirs cléricaux (Eglises et
Etats théocratiques) que l’on combat parce qu’ils
imposent de façon dictatoriale un ordre juridique et
politico-social «de droit divin» – et croyants (faisant
partie à part entière d’une société)
qui sont eux-mêmes susceptibles d’adhérer dans leur
grande masse à des procédures de choix
démocratiques;

•    entre courants religieux qui tournent les
croyants vers l’acceptation des ordres oppresseurs existant sur
Terre (au nom d’un futur Paradis céleste) et que
l’on combat comme tous ceux qui défendent de tels ordres
– et ceux qui estiment au contraire que la fidélité
à leur foi impose de résister sur Terre aux
inégalités, à l’injustice en étant
aux côtés des déshérités de ce monde;

•    entre courants religieux qui légitiment, au nom
    de leurs croyances, les discriminations de toutes
sortes, notamment contre les femmes; et ceux qui, au contraire, les
combattent et mènent un travail d’analyse critique interne
de ces pseudo-légitimations, au nom de leur foi;

•    entre courants religieux qui prônent le
repli entre croyants en rejetant toute action et vie commune avec les
non-croyants – et ceux qui, au contraire, estiment que la meilleure
façon d’exprimer leur spiritualité religieuse (pour
laquelle ils peuvent légitimement ressentir le besoin de lieux
autonomes de réflexions et d’actions) est de
s’insérer avec des non croyants dans la vie politique,
sociale, institutionnelle;

•    entre courants religieux qui abordent les
Textes sacrés de référence comme des bases
«scientifiques» opposables aux sciences de la nature et
sciences sociales, aux savoirs et expériences humaines – et ceux
qui, au contraire, estiment que la fidélité aux Ecritures
impose leur lecture non littérale, la pleine implication dans la
recherche scientifique en adéquation avec ses méthodes,
sans que cela les e mpêche de participer pleinement aux
débats éthiques évolutifs et conflictuels qui
concernent les retombées de la science dans les choix de
société.

La «révolution sous le voile» qui mobilise de plus en plus de femmes en Iran20,
le développement d’un féminisme musulman,
élargissent la prise de conscience de complexes dynamiques
à l’œuvre.21 Elles concernent bien des fronts nécessaires de lutte, du local au planétaire, notamment au Proche-Orient.22
Leur avenir n’a rien de certain. Il ne s’agit pas de taire
ce qui divise, ou simplement différencie. Mais de le
découvrir en marchant et pas par des barrières
d’ignorances réciproques. Cela dépend aussi de nous.

Catherine Samary

Notes :
1    Sur les débats dans la LCR cf. Rouge,
notamment «sortir de la paralysie», le 6/1/2005; Critique
Communiste N°172, printemps 2004, Dossier sur le voile en
débat; et la revue Contretemps «A quels saints se vouer?
-espaces publics et religions», N°12, janvier 2005. Cf.
également ma contribution «Au-delà du voile et de
la laïcité- Bilan de trois ans de controverses», au
séminaire «100 ans après, la
laïcité», organisé par la FTCR
[Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives] en
décembre 2005, sur le site www.resistingwomen.net
2    Françoise Lorcerie [sous la dir.], La
politisation du voile, en France, en Europe et dans le monde arabe,
L’Harmattan, 2005. Lire également Le foulard islamique en
questions [recueil], Editions Amsterdam, 2004. Cf. aussi ma
contribution à la filière féminisme et
altermondialisme de l’université d’Attac de
l’été 2005 que l’on trouve sur son site.
3    Loi qui instaure la séparation de
l’Eglise et de l’Etat – ou encore la
«neutralité religieuse» de celui-ci.
4    Cf. Laïcité, nous écrivons ton
nom…, Hors série du mensuel Les idées en mouvement; et
le dossier «1905-2005 : les enjeux de la
laïcité» de la commission islam & laicité
[Monde Diplomatique et Ligue des droits de l’homme – LdH],
L’Harmattan
5    R. Bistolfi, «Les musulmans dans
l’Union européenne : des “modèles”
d’accueil sous tension» sur le site www.islamlaicite.org
6    Lire Nilufer Göle, Musulmanes et modernes
– voile et civilisation en Turquie, La Découverte
[2è éd. 2003].
7    Lire l’analyse de la commission
laïcité de la Ligue des droits de l’Homme – LdH-,
mars 2005 sur www.ldh-france.org
8    Lire Vincent Geiser, La nouvelle islamophobie, La
Découverte, 2003; et Alain Gresh, L’islam, la
République et le monde, Fayard 2004. Les intellectuels qui
«semblent» les plus éclairés mais qui,
«quand même» se revendiquent «musulmans»,
sont forcément porteurs d’un double langage – comme
on le reproche à Tariq Ramadan.
9     Cf. notamment l’interview de Saïd
Bouamama sur le site «Les mots sont importants»
[www.lmsi.net] à propos de son étude L’affaire du
voile ou la production d’un racisme respectable.
10     Cf. Louis Chagnon sur www.libertyvox.com/article.php?id=178
11    Cf. rapport cité en note 5. Lire aussi de
Xavier Ternissien, La France des mosquées, Albin Michel, 2002 et
Les Frères musulmans, Fayard, 2005, Collection Les dieux dans la
cité.
12    Jocelyne Cesari «L’Islam à
l’épreuve de l’Occident», La
Découverte, 2004.  
13    Tariq Ramadan, «Les musulmans
d’occident et l’avenir de l’islam», Sindbad,
Actes Sud, 2003.
14    Tribune de Tariq Ramadan dans Politis, 20 janvier 2005.
15    Abdellali Hajat, «Immigration post coloniale
et mémoire», L’Harmattan, 2005; cf. également
l’interview de Fouad Imarraine dans le numéro cité
de Contretemps.
16    Yamin Makri, Du sens et de la cohérence http://oumma.com/article.php3?id_article=
1544
17    www.tariqramadan.com
/article.php3?id_article=738
18    Cf. Contretemps [note 1] notamment les articles de Michael Lowy et Gilbert Achcar.
19    «Introduction à la critique de la
philosophie du droit de Hegel», Marx-Engels, Sur la religion
[1844], Ed. Sociales, 1968
20    Cf. Fariba Adelkhah, «La révolution
sous le voile», Khartala, 2000, et la campagne «1 million
de signatures» sur le site www.resistingwomen.net
21    Cf. ww.newsocialist.org/index. php?id=1465; voir également le blog http://cfpe.over-blog.org du
Collectif des féministes pour l’égalité.
22    Sur les différenciations et rapprochement
entre gauche et courants islamiques, notamment au Liban, lire les
articles de Nicolas Qualander sur le site d’Europe solidaire et
sans frontières www.europe-solidaire.org