Sur quelles consciences pèsent les laissés-pour-compte de cette législature?

Sur quelles consciences pèsent les laissés-pour-compte de cette législature?

Pas sur celles des décideurs-euses actuels qui, à
l’évidence, ne sont pas tourmentés par les
conséquences désastreuses de leur politique, ce qui ne
prouve pas encore une absence totale de conscience, mais tout du moins
un exécrable usage! Car il faut une bonne dose de cynisme pour
affirmer œuvrer pour le bien de la République et en
même temps malmener ses citoyen-ne-s. Au moment où la
précarité affecte des pans de plus en plus larges de la
population et où la pauvreté augmente, il est proprement
indécent et irresponsable de se vanter d’avoir
réduit la charge publique et rétabli de saines finances
pour l’Etat. Ce retour aux chiffres noirs repose sur un certain
nombre d’impondérables et de manipulations opportunistes
des chiffres et signifie, dans tous les cas, une réduction des
prestations à la population et l’augmentation des
inégalités sociales.

Dès lors, s’il n’est pas surprenant de voir les
classes aisées soutenir une «réforme de
l’Etat» qui les affecte peu à court terme, il est
autrement regrettable de voir les milieux modestes cautionner ce qui,
avec une désinformation outrancière et partisane, est
présenté comme une correction indispensable du
système de protection sociale sous le fallacieux prétexte
qu’il favoriserait les abus. L’opération conduit ces
milieux à «automutiler» leurs droits sociaux. Or,
tout est là. Sous couvert de mettre de l’ordre dans une
prétendue gabegie et perte de maîtrise de l’Etat sur
son fonctionnement, c’est bien le rôle même et
l’organisation de l’Etat qui sont en ligne de mire.
Beaucoup ont cru le rapport de l’audit Andersen et le paquet
ficelé relégués aux oubliettes. Il n’en est
rien. Les tenants de ces projets attendaient leur heure,
spéculant sur l’espoir qu’un jour la configuration
politique leur serait favorable. C’est aujourd’hui chose
faite. Nos allié-e-s d’hier, déniant leurs propres
engagements, ont aussi entonné le credo de la nouvelle gestion
publique et adopté sans état d’âme apparent
ses outils de gestion.

Mensonge organisé…

Ainsi, pour le parti Socialiste et les Verts l’heure est aussi
à la valorisation de l’efficience et des résultats
positifs autoproclamés. Que n’a-t-on vu dans la presse des
agents de l’Etat, et non des moindres, se féliciter
d’un meilleur équilibre financier et des économies
réalisées dans leurs établissements: Baisse du
chômage! 100 millions d’économies aux HUG! Retour de
l’aide sociale dans les chiffres noirs! … On en conclurait
presque que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles. On pourrait effectivement le faire, si la
réalité ne s’imposait pas, mais invisible aux yeux
de celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas savoir!
Aujourd’hui, certain-e-s ont encore le choix de savoir. Demain,
la rupture de cohésion sociale, qu’engendre
assurément la dégradation de l’Etat providence –
garant de la justice et de la solidarité sociale – n’en
laissera plus le choix à quiconque. Et alors, chacun-e devra
définir clairement s’il-elle s’engage à
lutter contre les inégalités ou s’il-elle entend
les renforcer.

Dans cette perspective, le compte à rebours a déjà
commencé. Il est rythmé par les 2 plans de mesures
portés par le Conseil d’Etat in corpore. Il nous incombe
donc de les examiner attentivement pour connaître quelles seront
les prochaines diminutions de prestations qui s’ajouteront encore
à celles que nous connaissons déjà, par exemple,
le plan Victoria aux HUG, les réorganisations dans
l’enseignement, la réduction de la durée des
avances du SCARPA, la résurgence de la dette alimentaire, du RDU
N-2, le barème 2 de l’aide sociale, le recours aux aidants
naturels… et autres termes barbares que le-la citoyen-ne ne
comprend pas forcément s’il-elle n’a
été confronté à cette réalité.

Conséquences sociales catastrophiques

Tout cela ne signifie rien d’autre que: d’accepter
d’attendre des heures aux urgences de l’hôpital ou de
ne pas pouvoir se faire opérer avant des mois pour certaines
interventions, de voir les effectifs d’enseignant-e-s
réduits et le nombre d’élèves par classes
augmenté, de voir rendues à la pauvreté les
familles monoparentales qui ne reçoivent pas la pension
alimentaire qui leur est due, de voir les parents ascendants et
descendants sollicités pour aider financièrement les
membres de leurs familles en difficultés, de se voir refuser un
subside à la caisse-maladie lorsque sa situation
financière se modifie, de voir l’aide sociale
partiellement soumise au mérite ou réduite dramatiquement
pour les jeunes adultes et les personnes en formation, de voir les
seuils d’accès aux soins de la clinique dentaire jeunesse
abaissés privant ainsi nombre d’enfants des classes
moyennes inférieures de soins dentaires, de voir ce droit
essentiel à l’assistance juridique supprimé privant
les personnes sans revenus ou à faible ressources de la
possibilité à défendre leurs droits, de voir enfin
augmenter la participation requise des parents aux frais de
placement…

L’inventaire s’allonge encore si l’on pense au
raccourcissement de la durée de protection des
chômeurs-euses induit par la nouvelle loi sur les mesures
cantonales, ou le chantage aux subventions exercé par
l’Etat, afin que les associations et institutions
subventionnées offrent des postes de travail précaires
aux sans-emploi alors qu’il les contraint parallèlement
à supprimer des postes de travail.

A évoquer ces régressions sociales le vertige nous prend
et la nausée s’installe, or à ce stade de
l’énumération, rien n’a encore
été dit à propos de la 5e révision AI, des
lois sur l’asile, sur les étrangers, sur le chômage
et autres projets de déconstruction de la sécurité
sociale inscrits à l’agenda des autorités
fédérales.

Au terme de cette fastidieuse et alarmante énumération
nous pouvons prédire assurément encore la production de
beaucoup de laissés-pour-compte. Alors pour qu’ils-elles
commencent à peser sur les consciences, pour qu’ils-elles
prennent consistance en tant que corps social, il faut sortir leur
réalité de l’ombre. Il nous faut dresser
l’inventaire des atteintes aux prestations de l’Etat,
causant paupérisation et inégalités, et les mettre
en lumière afin que chacun-e choisisse son camp et assume ses
responsabilités. Pour solidaritéS, c’est une
évidence, nous avons pris et prendrons toujours
résolument le parti des plus démuni-e-s et c’est
cette lutte que nous vous invitons à rejoindre.

Jocelyne Haller