Des rives du lac ... à la dérive des Verts
Des rives du lac …à une dérive des Verts
Laccès public aux bords du lac et des cours deau, entravé par les obstacles mis en place par les propriétaires privés, est une revendication populaire de longue date…
En mars, lAlliance de Gauche déposait un projet de loi prévoyant le libre passage des piétons le long des rives du lac et cours deau du Canton. Ceux-ci sont en effet souvent sauvagement «privatisés» par des propriétaires, sappropriant lexclusivité dune part du domaine public cantonal qui appartient aux citoyen-ne-s. Cest une vieille revendication à Genève, une pétition de lATE1 avait été déposée à ce sujet il y longtemps. Notre projet disposait bien entendu, que dans le cas de biotopes à protéger, lon puisse déroger à la règle du libre passage. De plus, il ne prévoyait aucun aménagement particulier, mais imposait aux propriétaires daller dans le sens dun retour à létat naturel des lieux. Ainsi, outre les piétons, cest un «libre passage» bienvenu pour la faune qui aurait été rétabli.
Application de la loi fédérale
Loin dêtre révolutionnaire, la mesure proposée ne faisait, dailleurs, que concrétiser la Loi fédérale sur laménagement du territoire qui dit quil convient «de tenir libre les bords des lacs et des cours deau et de faciliter au public laccès aux rives et le passage le long de celles-ci.»2 Robert Cramer, conseiller dEtat, au nom du Département de lIntérieur de lAgriculture et de lEnvironnement (DIAE), avait dailleurs accueilli ce projet de loi avec une prudente ouverture, laissant la responsabilité de la décision aux député-e-s, mais proposant den préciser la rédaction, pour éviter de la part des propriétaires toute lecture du projet comme allant dans le sens dune «expropriation». Le DIAE proposait de plus une extension de la possibilité de limiter laccessibilité de certaines rives pour assurer non seulement la sauvegarde de biotopes protégés, mais plus généralement la protection des sites, ainsi quune redéfinition des termes du projet qui parlait de «berges» pour quil porte sur les «rives»…
Au bord de la rivière… la droite ne se laisse pas faire
Bien entendu, en commission parlementaire3, les élu-e-s de la droite, parti libéral en tête, se sont élevés contre nos propositions avec des arguments répondant aux intérêts de leurs milieux, parmi lesquels on trouve de riches propriétaires du bord de leau. Normal, il faut savoir défendre ses intérêts de classe! On a tout entendu: la loi fédérale serait déjà respectée, il suffirait pour cela de quelques accès limités aux rives. Les propriétés privées seraient menacées denvahissement et lEtat devrait les protéger en érigeant à grand frais des barrières. Le «public» cest sale est ça laisse des déchets. Et surtout, la meilleure défense des «biotopes magnifiques» proliférant à labri des propriétés privées, menacés par laccessibilité aux citoyen-ne-s, serait den réserver lexclusivité aux propriétaires… Ces objections ne tenaient pas la route: lEtat naurait pas eu de charge nouvelle, le cas échéant cétait aux propriétaires de se barricader – mais sur leur terrain et à leurs frais – pour assurer leur splendide isolement. La protection des biotopes et des sites naturels était réservée dans notre projet, mais sur la base de décisions de la collectivité… En outre, le sens civique ça existe et nos concitoyen-ne-s sont capables et peuvent être éduqués dans ce sens de respect de la nature et des sites, ce dautant mieux quils en sont propriétaires collectifs et que leurs droits sur ce bien commun sont reconnus. Bref, la cause aurait dû être entendue. On aurait dailleurs pu auditionner à ce sujet les associations de protection de lenvironnement, ce que les députées vertes présentes ont demandé, dans un premier temps des travaux.
Ni à gauche, mais à droite…
Or ce ne sera pas le cas! En effet, embouchant les mêmes trompettes que la droite, les députées vertes présentes4 ont pré-féré, au nom de la préservation de la nature et de la biodiversité, considérer que celle-ci était mieux assurée par le maintien du statu quo …et des privilèges des propriétaires. Elles ont voté, au terme dune seule brève séance, la non-entrée en matière sur le projet de lADG. Ce qui implique larrêt des travaux et limpossibilité daudition des associations environnementales quelles avaient dabord souhaitée! Ce dérapage à droite sinscrit dans la ligne de nombre de prises de position préoccupantes des Verts. Pour nen citer quune, on rappellera le ralliement récent de ce parti à la droite, concernant lAccord intercantonal sur lélimination des entraves techniques au commerce (AIET) adopté par une majorité de circonstance, à laquelle ils avaient prêté leur concours. Cet accord puise son inspiration du côté de lOMC, et donne les moyens – de laveu même de juristes du canton – à un organisme ad hoc et non-élu, dentreprendre, sans contrôle parlementaire ou populaire, le démontage légal relevant de la politique énergétique antinucléaire genevoise, en ce qui concerne la construction… Ce nouveau dérapage, à propos des rives du lac et des cours deau, ne relève pas de lanecdote! Il se fonde sur une ligne associant la défense de lécologie à celle des privilèges de certains et discréditant ainsi celle-ci! Pour défendre lenvironnement de manière démocratique, il est indispensable de mettre du rouge dans son vert. Nos collègues du parti écologiste genevois devraient y prendre garde…
- Association Transports et Environnement
- Loi fédérale sur laménagement du territoire, Art.3 al. 2 lettre c
- commission de lenvironnement et de lagricultrure, séance du 7.6.01
- Anne Briol et Morgane Gauthier