«Etre et se vivre homo»: une campagne contre l'homophobie

«Etre et se vivre homo»


Une campagne contre l’homophobie


Initié par deux membres de l’Université euroméditerranéenne des homosexualités, le film «Etre et se vivre homo» sera lancé fin juillet, à destination des enseignants, des éducateurs… Un outil pour aider les jeunes à s’affirmer et combattre l’homophobie.

Charlotte Henriot*

Si chacun d’entre nous cherche toute sa vie à affirmer son identité, c’est au cours de la jeunesse que cette recherche est la plus violente et la plus déchirante. Dans notre société homophobe, cette violence est exacerbée lorsqu’il s’agit de jeunes lesbiennes et gays.


C’est en partant de ce constat que Bruno et Gabriel, deux jeunes membres de l’Université euroméditerranéenne des homosexualités,1 ont décidé d’élaborer un film retraçant le parcours de six jeunes homosexuel/les, de la découverte à l’acceptation de soi, en passant par l’affirmation. Le film «Etre et se vivre homo», financé par la Ddass des Bouches-du-Rhône, a vocation à être diffusé auprès des acteurs éduquants. L’objectif est d’aider ces personnes à être moins désarmées face aux problèmes d’homophobie ou, plus globalement, aux difficultés sociales que peuvent rencontrer les jeunes homosexuels.


Dépasser la souffrance


Le film est composé de témoignages, rendant compte de parcours différents, mais aussi d’approches politiques diverses. L’ensemble témoigne des souffrances souvent aiguës qui émaillent le parcours d’une jeune lesbienne ou d’un jeune gay. L’affirmation de soi en tant qu’homo se mûrit dans une profonde solitude individuelle: cela semble inavouable, on ne trouve aucun modèle dans son entourage, les discussions sur ce sujet se font en termes homophobes… De plus, être homosexuel n’exclut pas de l’homophobie générale, ce qui mène à avoir une vision de soi peu valorisante. Avec des conséquences telles que l’échec scolaire, l’isolement, la dépression, l’autodestruction qui mène parfois jusqu’au suicide. Mais si ces jeunes racontent les expériences très dures auxquelles ils ont dû faire face, ils nous montrent aussi qu’ils sont parvenus à les dépasser et à construire leur vie, certes différente de celle qu’on avait imaginée pour eux, mais sûrement plus épanouissante.


Cette année, l’Université d’été euroméditerranéenne des homosexualités2 aura lieu du 21 au 28 juillet, toujours sur le campus de Luminy, à proximité des calanques marseillaises. Dans la continuité du travail sur la jeunesse effectué avec le film, se tiendra un colloque sur la question des jeunes lesbiennes et gays le 25 juillet au Palais des congrès. Des conférences-débats se tiendront sur les thèmes abordés par «Etre et se vivre homo». Ces débats seront introduits par des associations (Contact, UEEH…) ainsi que par des universitaires, sociologues, historiens et psychologues ayant effectué des recherches sur ces questions.


Tabou social


L’homosexualité remet en cause l’ordre social reposant sur la famille comme cellule de base, à laquelle chacun doit s’intégrer. Elle bafoue les sacro-saintes lois des genres, ce qui peut offrir un cadre de développement individuel plus large que pour les personnes qui se cantonnent à vie dans des rôles très sexués. Cette subversivité en fait un tabou social, qui s’inscrit évidemment dans les rapports de domination à l’oeuvre dans la société, mais les discriminations envers les homos sont souvent mieux tolérées que d’autres.


L’homophobie semble inavouable, y compris parce que les gays et lesbiennes sont souvent invisibles. On peut facilement déverser une volée d’injures homophobes ou lesbophobes devant une lesbienne ou un gay sans l’avoir identifié comme tel, puisqu’on part du principe que tout le monde est hétéro… Cela participe des difficultés d’affirmation pour les jeunes homos, qui se croient souvent seuls au monde alors même qu’il existe des structures auxquelles ils peuvent s’adresser. Mais comment le savoir, quand ce sujet n’est jamais abordé sérieusement? L’enseignement sur la sexualité au collège, par exemple, parle de l’hétérosexualité comme norme sexuelle sans aborder la pluralité des rencontres et pratiques érotiques.


En ce sens, le regain de dynamisme au sein du mouvement gay et lesbien depuis quelques années a fait avancer ces questions, en termes de visibilité, notamment grâce à la Lesbian & Gay Pride, et en termes de revendications. Mais le film «Etre et se vivre homo» montre très bien que si le rôle du mouvement homo est primordial pour les jeunes, celui de l’entourage proche l’est aussi. Il appartient donc à chacun de s’intéresser aux situations que peuvent connaître ces jeunes pour ne pas en faire des invisibles.

* Paru dans «Rouge», juin 2001


  1. L’UEH est l’association qui organise l’Université d’été euroméditerranéenne des homosexualités. Son intervention va au-delà de cette manifestation puisqu’elle sert de lien entre diverses associations de lesbiennes et de gays.
  2. Le programme de l’UEEH 2001 est disponible sur www.ueeh.org ou au +33 4 75 27 43 37.