Les proches d’Uribe poussent leurs pions en Suisse avec l’aide de Blocher
Les proches dUribe poussent leurs pions en Suisse avec
laide de Blocher
Dans sa dernière livraison du 3 juillet, Die Weltwoche, hebdomadaire suisse-alémanique proche de Christoph Blocher, titre ainsi: «Marché secret en Colombie: Calmy-Rey aide les terroristes». Léditorialiste poursuit: «Un envoyé spécial du DFAE a marchandé pendant des années avec les FARC, une organisation de trafiquants de drogue, de tueurs et de guérilleros, dans les forêts de la jungle colombienne, en vue de léchange dotages. On a fourni des informations sensibles à des brigades de kidnappeurs et on leur a offert une représentation bien en vue en Suisse. Une disquette secrète des FARC, qua examiné la Weltwoche, présente la Conseillère fédérale du PS comme une politicienne faisant preuve dune sensibilité à notre cause. La Suisse sest ainsi démenée, poursuit le témoignage dun terroriste de haut vol, pour que les membres des FARC ne soient pas considérés comme des criminels, mais comme des combattants ou des insurgés. Au nom de la politique de neutralité active de Calmy-Rey, lémissaire du DFAE a aussi agi comme convoyeur de fonds pour les kidnappeurs colombiens. Le CD de données montre quil y a bien une filiale des FARC en Suisse, dont le DFAE conteste lexistence, mais quil tolère secrètement.»
Lhebdomadaire consacre ensuite cinq pleines pages à un reportage sensationnaliste intitulé «Au service des kidnappeurs», qui met directement en cause le professeur Jean-Pierre Gontard, «conseiller spécial» du DFAE et «conseiller personnel» de Micheline Calmy-Rey sur le dossier colombien. On y apprend quune mine de documents informatiques mise à jour après le bombardement, en territoire équatorien, du campement du second des FARC, Raúl Reyes, le 1er mars dernier, commencerait à révéler ses secrets (sur les manipulations et invraisemblances flagrantes de toute cette affaire, lire le dossier préparé par Maurice Lemoine dans le Monde Diplomatique de ce mois). Le Vice-président colombien, Francisco Santos est aussi interviewé par la Weltwoche. Il nest autre que le cousin de Juan Manuel Santos, Ministre de la guerre, qui – par le biais dun article paru dans El Tiempo, le plus important journal de Colombie, dont les deux Santos, sont les co-propriétaires ! – accuse J.-P. Gontard davoir lâché à la Radio suisse romande linformation selon laquelle la libération dIngrid Betancourt aurait été obtenue en réalité contre rançon. La Tribune de Genève du 8 juillet donne une idée de limportance du clan Santos, qui contrôle une bonne partie des médias colombiens.
A quoi joue le gouvernement dÁlvaro Uribe en lançant cette offensive contre la diplomatie suisse, relayée par les amis de Christoph Blocher? Il tente en réalité de mettre à profit «leffet Betancourt» pour se débarrasser de lingérence européenne à laquelle il a dû se soumettre jusquici. En effet, si ladministration Bush a bien réussi, après septembre 2001, à rallier lUnion Européenne à ses positions à légard des FARC – elles ne sont pas des forces insurgées ou combattantes, mais terroristes -, elle a dû accepter la poursuite dune médiation européenne, conduite par la France, lEspagne et la Suisse, au sein de laquelle le DFAE a joué un rôle plus quimportant, dans la mesure où la Suisse ne considérait pas les FARC comme une organisation terroriste. Loffensive du clan Santos vise aujourdhui à se débarrasser de ce regard extérieur pour laver son linge sale (et poursuivre sa «sale guerre») en famille. Pour cela, il veut mettre fin à «lexception diplomatique» suisse.
Cest que le régime colombien a fort mauvaise presse dans le monde, suite notamment aux scandales de la parapolitique auxquels il est mêlé (découverte de charniers), aux affaires de corruption qui touchent jusquau président lui-même, ainsi quaux attaques dont il fait régulièrement lobjet de la part de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de son Secrétaire général Guy Ryder, en raison de lassassinat systématique de dirigeants syndicaux, qui semble jouir là-bas dune impunité totale. De même, les parlementaires US ont jusquici refusé de ratifier laccord de libre-échange négocié avec la Colombie, en raison de la situation préoccupante des droits de lhomme dans ce pays Avec laide dIngrid Betancourt, Uribe rêve aujourdhui dêtre réélu pour un troisième mandat et de regagner sa respectabilité perdue, alors que depuis le 1er juillet, la cour suprême de ce pays a affirmé lillégalité dune reconduction de son mandat.
Jean Batou