Gaz à effet de serre… Kyoto... Bonn...


Gaz à effet de serre… Kyoto… Bonn…

Les verts applaudissent la politique de l’autruche


Une large majorité de la communauté scientifique estime que les émissions de gaz à effet de serre devraient être réduites de 60% à l’échelle mondiale pour éviter une aggravation de la fonte de la calotte glacière, un accroissement de la température des océans et un réchauffement global de la planète aux conséquences dramatiques.
En 1997, le protocole de Kyoto se fixait un objectif extrême-ment modeste: réduction globale de 5% des émissions de 1990 pour 2008-2012. Depuis lors, avec la défection des Etats-Unis et l’assouplissement des mesures acceptées par les autres pays industrialisés à Bonn, cet été, celles-ci ne devraient pas diminuer, mais augmenter de 0,3%!
Pourtant les grandes organisations écologistes approuvent les conclusions des négociations de Bonn comme un moindre mal et les politiciens verts donnent de la voix pour saluer un grand pas dans l’histoire de l’humanité. De qui se moque-t-on?

Jean Batou

Durant la dernière semaine de juillet, les négociations de Bonn sur l’émission de gaz à effet de serre aboutissaient à un consensus. «Nous avons sauvé le protocole de Kyoto. Maintenant, nous pouvons rentrer chez nous et regarder nos enfants dans les yeux», pavoise Margot Wallstrom, commissaire de l’Union Européenne pour l’environnement. De son côté, le vert Yves Cochet, nouveau ministre français de l’environnement, ne craint pas d’affirmer: «Cet accord représente sans doute la plus grande avancée en matière mondiale et environnementale depuis dix ans» (Libération, 24 juillet 2001).


En réalité, le soi-disant traité sur le changement climatique devrait permettre un accroissement des émissions de gaz à effet de serre, au-delà des évolutions pronostiquées jusqu’ici. «C’est comme si le protocole de Kyoto n’avait pas existé (…) Et ce qui est encore pire, c’est que les groupes écologistes qui avaient initialement exercé une forte pression pour un traité sérieux se sont mis à défendre un accord qui ne vaut pas même le papier sur lequel il est écrit» (Guardian Weekly, 2-8 août 2001).


Vendre et acheter les droits à polluer


En 1997, le protocole de Kyoto avait fixé l’objectif ultra-modeste d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre (principalement le dioxyde de carbone) de 5%, par rapport au niveau de 1990, à l’horizon 2008 – 2012. Depuis lors, les Etats signataires se sont retrouvés chaque année pour discuter des moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but.


C’était compter sans les Etats-Unis de Bill Clinton, soutenus par le Canada, l’Australie et le Japon, qui se sont employés à torpiller le processus par la défense de mécanismes de plus en plus «flexibles». Par exemple, ils ont proposé que les pays concernés établissent une bourse des droits à polluer, les bons élèves étant encouragés à vendre des crédits aux mauvais élèves. Ainsi, l’effondrement industriel de la Russie a-t-il contribué à réduire de 35,4% ses émissions par rapport à 1990, ce qui autorise les gros pollueurs à augmenter massivement les leurs.


En même temps, les signataires peuvent réduire leurs efforts au prorata du développement de leurs surfaces forestières et agricoles, puisque ces «puits de carbone» absorbent une fraction des gaz émis, tant qu’ils sont en phase de croissan (!) Compte tenu de ce seul élément, on a calculé que les émissions globales pourraient augmenter de 0,3% par rapport à 1990…


Clinton, Bush, même combat


Avec le retrait des Etats-Unis du protocole de Kyoto décidé par Bush, la flexibilité défendue par Clinton «profitera» aux autres pays industriels. En effet, l’Europe et le Japon pourront bénéficier seuls des énormes droits à polluer mis sur le marché par la Russie! De leur côté, les Etats-Unis, qui pèsent pour 25% dans les émissions mondiales et ont accru les leurs de 11,2% depuis 1990, continueront à se moquer du reste du monde. Conséquence planétaire: le niveau de 1990 sera vraisemblablement dépassé de 9,4-11,6% en 2008 – 2010, soit 2% de plus que les projections alarmistes qui avaient justifié Kyoto.


Dans ce concert de mauvaise foi, les seules bonnes nouvelles viennent de Chine, qui pourtant, comme les autres pays non industrialisés, n’est tenue à aucun effort de réduction de ses émissions. Depuis le milieu des années 90, elle aurait diminué les siennes de 17%, en dépit d’une croissance de 36% de son PNB (New York Times, 15 juin 2001).


Pourquoi les groupes écologistes, qui dénonçaient la timidité de Kyoto, cautionnent-ils les modalités d’application négociées à Bonn? Uniquement parce qu’un cadre de concertation internationale est maintenu, en dépit du départ des Etats-Unis, Greenpeace dixit. Tant pis si ce n’est que de la poudre aux yeux. On aurait d’ailleurs tort de s’en faire, puisque l’UE, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et la Suisse se sont engagés à réunir 450 millions d’euros par an, à partir de 2005, pour aider les pays du Sud à faire face aux conséquences des dérèglements climatiques.