Constituante, listes à la pelle...TOUR D’HORIZON
Constituante, listes à la pelle…tour
d’horizon
Lundi 18 août
était le jour de clôture du
dépôt des listes pour
l’élection à la constituante genevoise
du 19 octobre. Notre mouvement avait déposé la
sienne, ce printemps déjà, portant
l’intitulé «solidaritéS
Gauche en mouvement» (N° 4), avec une stricte
parité hommes-femmes et 44 candidat-e-s
représentatifs d’un large spectre
d’engagements dans des mouvements sociaux, des associations,
des syndicats. Mais aussi une liste clairement engagée sur
la base des positions d’ensemble de notre mouvement, de
gauche conséquente donc, féministe et
écologiste, qui refuse toute concession au
national-populisme, comme au social-libéralisme ou
à l’écologie de marché.
L’essentiel ne se jouera pas entre les quatre murs de
l’assemblée constituante à venir, mais
sur le terrain des mobilisations sociales indispensables à
la conquête effective de droits sociaux et à leur
mise en pratique. C’est dans ce sens que nous nous sommes
engagés dans la bataille pour l’introduction
d’un salaire minimum légal en lançant
une initiative populaire, qui nous a permis non seulement de
récolter 9000 signatures en deux mois
d’été, mais aussi et surtout de lier
langue et de débattre dans la rue avec des centaines de
salarié-e-s autour de leur situation et des moyens de nous
battre – ensemble – contre le dumping salarial et la
précarisation.
Mais, ce lundi, bien d’autres listes étaient au
rendez-vous: dix-huit en tout, avec une prolifération de
listes «associatives»,
«citoyennes», «hors-parti»,
«indépendantes»… dont la
lisibilité et le positionnement ne seront pas
aisément décryptables. L’exigence
démocratique élémentaire, qui veut que
les citoyen-ne-s sachent non seulement pour qui ils-elles votent, mais
sur la base de quels engagements et de quel programme et pour la
défense de quels intérêts, est – dans
ces conditions – plus que d’habitude mise à mal.
Cette situation ne doit rien au hasard, elle répond au
discours consensuel dominant qui met en avant le mot creux de
«société civile» en
l’opposant aux mouvements ou partis politiques. Ainsi, selon
cette vulgate, solidaritéS, compte tenu de son engagement
politique revendiqué, serait à mettre dans le
même sac que le parti libéral des banquiers et des
régisseurs… Alors que la liste
«associative» patronale, à
l’intitulé tarabiscoté de
«g’(e)avance», avec en tête de
liste le boss d’Edipresse (et son fils!), ainsi que
l’ancien «patron des patrons» genevois,
l’ultralibéral Michel Barde, serait, elle, un
reflet de la «société civile».
Jusqu’aux partis gouvernementaux, chacun cherche à
en rajouter: les Verts sont «Verts et associatifs»,
la liste du PS est «socialiste pluraliste», le
parti radical se transmue en «Radical Ouverture» et
le parti libéral affiche «Libéraux
& Indépendants». Au-delà de
cette cosmétique et au chapitre des listes
«associatives», on relèvera la liste de
l’association des propriétaires de villas,
«Pic-Vert» qui veut favoriser l’accession
à la propriété et qui se targue aussi
d’être une émanation de la
«société civile», la liste
aussi du Comité «Halte aux
déficits», s’affirmant
«hors-parti», mais qui se positionne plus que
jamais à l’extrême droite, avec
l’avocat Pascal Junod, président – entre autres –
de l’association des amis de Robert Brasillach et de la
section genevoise de l’ASIN.
On trouve encore une liste d’«Expression
citoyenne», rassemblement ad hoc animé par Jean
Barth, la cheville ouvrière des récentes
campagnes anti-fumée et anti-chiens dangereux, qui
s’est engagée contre la constituante…
Cette liste fait pendant à celle de la
Fédération associative genevoise, qui a
milité au contraire, avec un enthousiasme fort acritique,
pour cette révision «à froid»
de la constitution genevoise. Cette liste, non sans un certain culot,
s’intitule «Associations de
Genève», alors qu’évidemment,
de l’Asloca à ContrAtom, en passant par des
dizaines d’autres associations significatives et
progressistes, les absents de ses rangs sont nombreux et que bon nombre
d’associations, dont émanent ses candidat-e-s,
n’ont pas consulté leurs membres quant
à cette opération électorale.
Mais l’essentiel est ailleurs: la liste de l’AVIVO,
qui a décidé en assemblée ce printemps
– et dans les formes – de présenter sa propre liste le
montre bien. Cette liste s’est muée au final en
«bouée de sauvetage» pour une
série de membres du groupe des
«Indépendants de gauche», dont la
personnalité principale est Christian Grobet: une bonne
demi-douzaine de ses membres y ont trouvé place.
L’ancien Conseiller d’Etat le reconnaît
dans les colonnes de la Tribune: il aurait aimé que
l’Asloca présente une liste, il déplore
les «dissensions» de la gauche de la gauche, et
c’est ainsi qu’il se retrouve
candidat-phare… de l’Avivo. Or le
président de celle-ci cherche à rassurer les
lecteurs-trices du quotidien genevois: s’il était
élu «il ne serait pas question que Christian
Grobet fonctionne autrement que comme membre de
l’Avivo.» Ce n’est pas très
sérieux! Bien évidemment, un-e élu-e
à la Constituante ne pourra pas
«fonctionner» comme membre d’une
association dont les membres se reconnaissent nécessairement
dans plusieurs autres listes…
La question posée de l’unité de la
gauche de la gauche ne peut d’ailleurs se
résoudre, ni par un paravent
«associatif», ni par des structures ad hoc en
carton-pâte, comme l’a malheureusement
été à Genève la coalition
«A Gauche Toute !» (AGT). Elle passe
d’abord par le développement de mouvements sociaux
et de combats communs sur le terrain, à
l’échelle la plus large possible. C’est
dans ce sens que l’Avivo devrait s’engager,
plutôt que de se lancer dans une bataille
électorale, source de divisions potentielles parmi ses
membres. Elle passe aussi par des débats sérieux
sur les positions politiques des uns et des autres: par exemple sur la
question de la libre-circulation des travailleurs-euses et les
réponses au dumping salarial, qui ne se mèneront
pas et ne doivent pas se mener par le biais d’associations
interposées, elle passe enfin par une claire
volonté de construire et de débattre un projet de
société en rupture avec le capitalisme.
A signaler, sur ce chapitre, que le petit groupe des Communistes a –
pour cette élection – rallié la liste du Parti du
Travail, sous l’intitulé nébuleux de
«Démocratie et Progrès
social», alors que ces deux formations avaient
refusé la liste commune AGT aux dernières
élections nationales, et sans clarification politique
à ce jour sur les nombreux contentieux entre ces deux
formations. De quoi y perdre son latin…
Dans ces conditions, un vote pour la liste de solidaritéS
s’impose, pour soutenir une force organisée
significative, capable de maintenir un cap clairement à
gauche et qui ne se ralliera pas à la majorité
gouvernementale. On citera a contrario Manuel Tornare, magistrat du PS,
qui confiait récemment à L’Hebdo,
à propos de la Constituante: «Le PS, le PDC et les
Radicaux peuvent se retrouver autour d’un projet commun, une
vision novatrice des institutions…».