Assassinat de syndicalistes en Colombie… Coca-Cola et Drummond mis en cause


Assassinat de syndicalistes en Colombie…
Coca-Cola et Drummond mis en cause


Les syndicalistes colombiens vivent en permanence sous la menace de l’enlèvement, de la torture et de la mort. Pour «assurer leur protection», le gouvernement a mis à leur disposition… des téléphones portables. Le Plan Colombie, financé par les Etats-Unis, a donné carte blanche aux paramilitaires et à l’armée pour écraser la subversion. «Non au syndicalisme guérilléro!», reprennent-ils en cœur.
Le mouvement ouvrier américain commence à se mobiliser pour défendre les droits des syndicalistes colombiens menacés de mort. Des plaintes ont été déposées aux Etats-Unis, notamment contre Coca-Cola, en raison de ses liens avec les paramilitaires. Le 29 septembre, la Mobilisation Pour la Justice Globale, soutenue par l’AFL-CIO, appelle à une manifestation contre l’intervention américaine en Colombie devant la Maison Blanche.

Jean Batou

En ligne de mire


Les militant-e-s syndicaux sont l’une des principales cibles des escadrons de la mort colombiens. La CUT (Confédération colombienne des syndicats) a dénoncé 129 assassinats en 2000 et plus de 60 dans les six premiers mois de 2001. Le Plan Colombie, financé par les Etats-Unis, donne des ailes aux forces paramilitaires, tandis qu’il répond aux préoccupations des multinationales yankees.


Comme le note le porte-parole de la firme Drummond, qui exploite les gisements de charbon de la province de Cesar: «Nous pensons qu’il est dans l’intérêt bien compris du gouvernement, des milieux du business en Colombie et de la population en général.» La région est quadrillée par les paramilitaires et les responsables du syndicat des mineurs sont assassinés les uns après les autres…


Les multinationales états- uniennes représentent de loin les premiers investisseurs en Colombie et, comme le reconnaît le Département d’Etat, la guerre civile en cours donne une sérieuse prime aux compagnies les moins scrupuleuses et les plus agressives. Or, si la guérilla a souvent été montrée du doigt par les organisations de défense des droits humains, celles-ci s’accordent toutes sur un point: la très grande majorité des atrocités ont été commises par des groupes paramilitaires qui n’ont jamais visé aucun intérêt américain.


Détecteur de mensonge


Entre la mine et Port Drummond, la compagnie fait transiter chaque jour 40’000 tonnes de charbon. La voie ferrée est sous haute protection armée, ce qui n’empêche pas la société de se présenter sous un jour paternaliste et lénifiant. Il n’y a qu’à voir son logo publicitaire: Drumino, un mineur souriant en chemise jaune et pantalons bleus, qui dit de lui-même: «Je suis simple, travailleur, sympathique et optimiste.» Et pour achever de convaincre les incrédules, des tracts anonymes à la gloire de l’entreprise innondent la région: «La multinationale Drummond est une source de revenu et de croissance pour notre ville … Non au syndicalisme guérillero!» Ils se font parfois plus menaçants: «Nous savons que les dirigeants du syndicat ont un lien évident avec la subversion … A bas la subversion qui menace les investissements dans le pays!»


Chez Drummond, les conditions de travail et les salaires sont pitoyables. C’est un paramilitaire qui supervise la cantine. La compagnie a fermé pratiquement tous ses puits aux Etats-Unis pour se débarrasser des syndicats, note le responsable de la section locale des United Mine Workers de Birmingham Alabama, région d’origine de la société. En Colombie, les travailleurs «suspects» de sympathies syndicales sont soumis au détecteur de mensonge, avec des questions comme «soutenez-vous la guérilla?»


L’AFL-CIO dénonce…


En juillet dernier, les United Steelworkers of America (le syndicat américain des métallurgistes), déposait une plainte aux Etats-Unis contre Coca-Cola et Drummondcharbonnages, au nom de leurs salarié-e-s, pour avoir engagé des forces paramilitaires à leur service. Un programme de l’AFL-CIO (confédération des syndicats américains) prévoit la mise sur pied de sanctuaires aux Etats-Unis pour accueillir des responsables syndicaux colombiens, dont la vie est menacée, et organiser activement leur défense, tandis que le syndicat de l’automobile lance une campagne de cartes postales à l’adresse de l’ambassade de Colombie à Washington.


Dan Kovalik, avocat conseil des métallurgistes américains, n’y va pas par quatre chemins: «La Colombie ressemble à tout ce que nous haïssons dans la mondialisation poussée à ses extrê-mes… Les grandes compagnies y ont pignon sur rue et elles ne se contentent pas d’opprimer le peuple, elles travaillent pour les paramilitaires.» C’est lui qui a déposé une plainte contre Coca-Cola pour l’assassinat d’un délé-gué syndical, en Colombie, en 1996. De nombreux témoignages permettent aussi d’établir des liens directs entre les grandes sociétés amé-ricaines et l’armée colombienne.