Renforcer laction internationale des travailleurs et travailleuses agricoles !
Renforcer laction internationale
des travailleurs et travailleuses agricoles !
Parallèlement à lévolution des conditions de travail dans les secteurs les plus précaires de léconomie, soit les métiers que plus personne ne veut exécuter car ils sont déconsidérés, souvent sales et pénibles, la production agricole subit actuellement une terrible dégradation.
La pression des marchés oblige les producteurs à produire de moins en moins cher. Les intermédiaires et grands distributeurs sarrogent des parts de marché grandissantes, la globalisation facilite la pénétration des marchés et les transports polluent la planète à des coûts dérisoires. Résultat: les étals se remplissent de produits agricoles dont lorigine et les conditions de production échappent aux consommatrices et aux consommateurs.
Chaque pays producteur cherche à augmenter ses exportations tout en créant à linterne des statuts demploi précaires, laissant les mains libres à des organisations maffieuses de racoler la main duvre corvéable quand la main duvre traditionnelle fait défaut. Les récents événements en Europe en sont témoins: ratonnades en Andalousie contre les travailleurs et travailleuses immigrés du nord de lAfrique, réseaux maffieux en Grande-Bretagne (gangmasters), exploitations de travailleurs et travailleuses clandestins dans les serres en Hollande, contrats OMI en France qui ne donnent aucuns droits, système de «caporale» dans le sud de lItalie, travail au noir en Suisse
les exemples se laissent poursuivre à travers le monde et marquent dune sombre trace les produits que nous consommons tous les jours.
En Suisse
La main duvre agricole compte aujourdhui en Suisse quelques 40000 personnes qui ne sont pas membre de la famille de lexploitant. La moitié à peu près est de la main duvre saisonnière, cest à dire quelle travaille entre quelques semaines et 9 mois pour les récoltes diverses et les travaux dentretien des cultures et du bétail. De lemployé isolé sur un alpage ou dans une exploitation familiale et travaillant en étroite symbiose avec son patron aux entreprises maraîchères, fruitières, viticoles ou producteurs de tabac qui emploient jusquà 200 personnes, les conditions de travail sont très variables.
Les 23 cantons édictent chacun un contrat-type de travail, se justifiant dun fédéralisme qui na aujourdhui plus aucune raison dêtre. 23 contrats-type (auxquels il peut être dérogé par accord mutuel) qui déterminent des horaires de travail entre 49 et 66 heures hebdomadaires et qui ne contiennent, à rares exceptions près, aucunes indications sur les salaires minimums. La main-duvre étrangère avec permis de travail est en théorie protégée et peut se prévaloir dun salaire minimum de 2700.- francs brut (après déductions sociales, impôts, nourriture et logement 1300.- francs net). Quelques cantons ont des salaires minimums plus élevés, ceci grâce au travail syndical, (p. ex. Genève 3000.- brut) et un échelonnement selon les années travaillées en Suisse. Limposition du salaire minimum, sil nest pas mentionné dans le contrat-type, deviendra caduque avec la mise en vigueur des accords bilatéraux dès 2004.
Sil est certain que les conditions de travail peuvent être meilleures selon le type dexploitation il est indéniable que la main-duvre saisonnière qui ne bénéficie que de droits très restreints dans la situation légale daujourdhui (contrats à durées déterminées, pas de regroupement familial, obligation de quitter le pays à la fin du contrat etc.), paie le prix fort des mauvaises conditions de travail. Les difficultés de recrutement de la main duvre traditionnelle venant des pays de lUnion européenne (les travailleurs et travailleuses européens «rechignent» de plus en plus à venir travailler dans ces conditions) ne fait quaugmenter le recours au travail clandestin dorigine des anciens pays de lEst (Pologne, Slovaquie etc.), de lEx-Yougoslavie ou de plus loin encore. Cette main-duvre clandestine, non recensée et estimée à quelques 8000 personnes dans lagriculture, fait évidemment pression vers le bas sur les conditions de travail, devant trop souvent accepter des salaires inférieurs. Certains producteurs saccommodent très bien de cette situation tandis que dautres demandent un élargissement du cercle des pays de recrutement, tout en espérant pouvoir continuer à bénéficier dune main duvre peu chère. Les autorités y aident tout en fermant les yeux, refusant la légalisation et acceptant ainsi la dégradation croissante des conditions de travail.
Quelles réponses donner ?
- Le syndicat SIB entreprend depuis 4 ans de grands efforts pour obliger les autorités et les patrons à faire face aux réalités. Ceci passe obligatoirement par un travail de fond avec les travailleurs et travailleuses concernés. Soit linformation sur les places de travail, dans les logements et des propositions concrètes de défense de leurs intérêts à leur égard (p.ex. améliorations des conditions de travail, sécurité et santé, formation syndicale etc.). Labsence dun travail syndical antérieurement explique en partie les réticences des patrons de reconnaître aux travailleurs et travailleuses un droit de sorganiser syndicalement. Ceci mène évidemment parfois à des confrontations violentes qui demandent un grand courage de la part des travailleurs et travailleuses concernés.
- Pour avoir mis à jour publiquement des scandales durant les dernières années (logements, conditions de travail infra humaines, problèmes liés à la santé et à la sécurité, cas juridiques traités aux Tribunaux etc.) le SIB (et le SIT à Genève) sest fait reconnaître au niveau national en tant que défenseur du secteur de la main duvre agricole. Il reste aujourdhui à obliger les patrons à négocier une convention collective nationale qui mettra fin aux conditions de travail qui ne sont plus acceptables et aux disparités cantonales qui nont plus de raison dêtre.
- Les scandales des dernières années dans la production agricole (vache folle, viande aux hormones, fièvre aphteuse, manipulation génétique
.) et les explications peu convaincantes des autorités pour légitimer le productivisme exacerbé et sa globalisation ont ouvert les yeux à de larges couches de la population de plus en plus inquiète de ce quelle mange tous les jours. Le volet social mondial de la production agricole a été mis au grand jour par les différentes manifestations des paysans contre lOMC. Et les travailleurs et travailleuses agricoles ont vécu leur pogrom à El Ejido dans le sud de lEspagne. Ces événements ont permis une large prise de conscience et le rapprochement de la société civile autour de la question agricole (producteurs, syndicats, ONG, organisations des consommateurs etc.). Lagriculture et les conditions de travail, trop souvent au deçà de la dignité humaine, sont aujourdhui au centre de la discussion. En Suisse plusieurs organisations de la société civile ont élaboré un label social pour les produits agricoles qui devra aider dans linformation et la prise de conscience.
- La migration de populations à la recherche de travail est une réalité planétaire. Ce sont moins les personnes à la recherche de travail qui augmentent, mais ce sont les conditions légales et entraves des pays européens envers les migrants et migrantes qui saccentuent. LEurope se ferme et avec ceci la Suisse. Les accords de Schengen sont un mur autour de lEurope qui essaie de tirer uniquement un profit économique des populations. Nous devons revendiquer un droit au travail dans des conditions humaines et des contrôles pour les faire respecter!!! Nous devons revendiquer la libre circulation intégrale des personnes avec tous les droits qui en découlent (libre choix du travail et détablissement, regroupement familial, droits citoyens etc.). Et nous devons revendiquer la légalisation immédiate de tous et toutes les «sans-papiers» !! Car les inégalités mondiales ne sont pas à faire porter aux plus démunis pour les faire travailler en tant que clandestins dans les exploitations agricoles.
- Nous avons besoin dune collaboration étroite au niveau international entre syndicats défendant les intérêts des travailleurs et travailleuses agricoles pour mettre fin à leur exploitation éhontée. Toutes formes de contrats précaires et discriminatoires doivent faire objet dun rejet catégorique. Nous devons dépasser les frontières nationales !!!
* Philippe Sauvin, Coordination Terre SIB